Les micro-certifications, une façon agile d’acquérir de nouvelles compétences

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Plus que jamais, la formation continue et l’apprentissage tout au long de la vie s’avèrent essentiels dans un monde du travail très volatile et en constante évolution. Les micro-certifications – des formations agiles et rapides permettant d’acquérir quelques crédits – sont une solution élégante pour répondre à ces besoins.

Il ne se passe pas une semaine sans que le sujet de la formation ne revienne sur le tapis. Que ce soit pour pallier la pénurie des talents en formant son propre personnel, pour faire épouser ses propres compétences aux nouveaux besoins liés au digital ou à l’IA (on parle alors d’upskilling), pour permettre à des personnes licenciées de retrouver plus vite du travail via l’outplacement ou pour activer des chômeurs via des formations de réinsertion. L’employabilité et l’apprentissage tout au long de la vie sont au cœur d’un certain nombre d’actions menées dans le cadre de la stratégie européenne en matière de compétences. À côté de la proposition relative aux comptes individuels de formation, en juin 2022, le Conseil de l’Union européenne a adopté une recommandation sur une approche européenne des micro-certifications. À côté des formations du deuxième cycle et la formation continue, ces micro-certifications sont sans doute la meilleure réponse à des besoins en évolution constante.

Formats très courts

Puisqu’elles délivrent des crédits, ces micro-certifications sont des programmes très courts délivrés au niveau académique. Les compétences visées sont précisées à l’avance et leur acquisition sera évaluée sur la base d’un ou plusieurs examens. Il s’agit, la plupart du temps, de programmes de deux à six crédits qui s’acquièrent en un semestre au maximum. Mais on trouve aussi de simples recyclages de deux ou trois jours sur une thématique. Les cours sont adaptés à la vie professionnelle, se déroulent le soir ou le samedi, en ligne, en présentiel ou en hybride suivant les cas. Les micro-certifications permettent de développer des compétences valorisables auprès d’un (futur) employeur dans le but de décrocher un emploi ou d’obtenir une promotion ou une revalorisation salariale. Elles rendent l’apprentissage flexible. Un certain nombre de pays du Vieux continent ont déjà saisi la balle européenne au bond et proposent ce genre de formats. En Fédération Wallonie-Bruxelles où s’exerce la compétence de l’enseignement supérieur ou en Région wallonne qui gère la formation professionnelle, les micro-certifications sont mentionnées dans les déclarations de politique communautaire et régionale. Les choses devraient donc bouger mais à ce jour, il n’existe aucun cadre légal.

“La réflexion est en cours et nous verrons ce qu’il resort de ces déclarations de politique, souligne Anne Grzyb, directrice de l’IUFC, l’Institut Universitaire de Formation Continue de l’UCLouvain. L’absence de cadre légal est limitante puisqu’en réalité, nous ne pouvons pas délivrer de crédits mais de simples attestations de réussite. La créditation n’est pas une fin de soi et nous avons déjà des MOOC ou des formations qui ne sont pas certificatives mais ne pas pouvoir le faire nous éloigne de l’esprit des recommandations européennes visant à pouvoir empiler ces crédits en vue d’une certification plus importante. Le décret paysage, dont on a abondamment parlé ces derniers temps, nous empêche d’aller en dessous des 10 crédits. Pour rentrer dans l’écosystème des micro-certifications, il faut donc, pour l’enseignement supérieur, une modification décrétale. Obtenir des crédits est aussi une forme de reconnaissance pour l’étudiant. En Suisse, par exemple, ils sont très appréciés des employés, moins des employeurs pour lesquels seule l’acquisition des compétences compte vraiment.”

Anne Grzyb (IUFC)

Un écosystème

La Flandre n’a pas jugé bon de créer un cadre légal spécifique. Il faut dire qu’il n’y existait aucune limitation comme en Wallonie. Qu’à cela ne tienne, le système tourne déjà à plein régime. Les universités et écoles supérieures ont organisé des écosystèmes pour proposer des offres de formation continue et de micro-certifications. La Nova Academy, qui regroupe l’UAntwerpen, la VUB et l’UGent, dispose ainsi d’une offre imposante de micro-certifications dispensées le plus souvent anglais qui couvre, dans le secteur économique et de gestion, des sujets comme la planification urbaine, la durabilité comme changement sociétal, les dernières tendances dans la digitalisation des transports, etc. Le réseau Continue suit le même objet autour de l’Association KU Leuven, qui, outre, l’université, regroupe les hautes écoles Thomas More, Vives, UCLL, Odisee et Luca. Soit 23 campus disséminés dans toute la Flandre pour plus de 2.000 formations ! Le champion dans le domaine des micro-certifications demeure, à ce jour, l’Irlande qui, la première, a structuré une offre qualitative disséminée dans tout le pays. L’Etat a financé à hauteur de 12,3 millions d’euros le projet Microcreds qui regroupe les sept plus grandes universités du pays. Quatre cent quarante-deux micro-certifications sont au programme et couvrent tous les secteurs de l’industrie et des services !

“La force des micro-certifications repose sur la création d’un écosystème géographique ou thématique.”

Anne Grzyb

(IUFC)

L’idée maîtresse derrière ces formations courtes est de pouvoir répondre de façon rapide et agile au besoin des employeurs et des employés. Dans un court laps de temps, elles pourraient répondre, sur mesure, à des besoins prégnants des entreprises belges à la recherche de main-d’œuvre qualifiée. Un reproche fréquemment adressé à nos universités. A savoir former des esprits plutôt que des citoyens directement employables.

“C’est un autre débat, souligne Anne Grzyb. Mais, dans le cas qui nous occupe, il ne faudrait pas que la procédure d’habilitation des micro-certifications nécessaire pour délivrer des crédits prenne des mois. Sans quoi, nous raterions l’objectif d’agilité. Certaines évolutions sont extrêmement rapides et il ne faut pas perdre de temps. La force des micro-certifications repose sur la création d’un écosystème géographique ou thématique. C’est-à-dire s’associer avec d’autres pour aller chercher des compétences qu’on ne possède pas en interne. Ce peut être d’autres universités et hautes écoles comme cela se fait en Flandre mais aussi des opérateurs privés, des experts reconnus et, pourquoi pas, des opérateurs de réinsertion professionnelle.”

Quatre scénarios

Dans sa recommandation, le Conseil européen envisageait quatre scénarios : l’apprentissage tout au long de la vie pour les employés du secteur privé et les fonctionnaires, le développement de cursus à l’international via l’empilement des différents crédits à destination des étudiants et des chercheurs, les formations à destination de publics plus vulnérables comme les chômeurs et les migrants et, enfin, l’acquisition de compétences supplémentaires concomitamment à des bacheliers et des masters.
“L’avantage pour une université comme la mienne, poursuit Anne Grzyb, c’est de pouvoir diversifier son public et permettre à des gens éloignés de l’enseignement supérieur de se former. Sur un autre plan, le développement de cursus à l’international ou la création d’une alliance européenne qui permette d’empiler les crédits est évidemment séduisante. Obtenir, de la sorte, une certification paneuropéenne peut avoir beaucoup de sens dans des domaines aussi prégnants que l’intelligence artificielle ou le développement durable. Il faut aller chercher le savoir là où il s’exprime le mieux.”

Ne cherchez pas de micro-certifications en Fédération Wallonie-Bruxelles, il n’en existe pas encore.

Ne cherchez pas de micro-certifications en Fédération Wallonie-Bruxelles, il n’en existe pas encore. Face à l’incertitude décrétale, nous n’en sommes encore qu’au stade des projets-pilotes. À l’ULiège, qui a organisé un symposium sur le sujet l’an dernier, un projet qui associe cinq services dans les domaines des sciences humaines, des sciences de la vie et des sciences et techniques, a vu le jour. Il est notamment question de la création d’un module d’apprentissage centré sur l’usage de la réalité virtuelle dans la formation initiale et/ou permanente des enseignants et professionnels de la santé. Sous l’impulsion de la programmation 2021-2027 du Fonds social européen, des projets ont aussi vu le jour à l’ULB et à l’UCLouvain. “Nous travaillons dans les domaines du développement durable et de la transformation digitale, confirme Anne Grzyb. Nous en sommes au stade du recueil des besoins en matière de compétences et de l’ingénierie nécessaire. Quels opérateurs ? Quels partenaires sociétaux ? Nous sommes occupés à construire un écosystème de qualité.”

Quel modèle économique ?

Enfin, comme souvent en Fédération Wallonie-Bruxelles, il s’agira aussi de définir le modèle économique lié à ses formations. En Irlande, Microcreds bénéficie d’un large financement public. En Flandre, les formations de Nova Academy, par exemple, démarrent aux alentours des 300 euros. À charge des employés ou des employeurs. En FWB, la formation continue n’entre pas en ligne de compte pour la subsidiation. Il serait logique de penser qu’il en ira de même avec les micro-certifications. Mais quid alors de l’accessibilité à ces programmes des publics vulnérables clairement visés par la recommandation européenne ? Enfin, il serait aussi utile de pouvoir intégrer ces micro-certifications dans le droit individuel de cinq jours de formation par an offerts aux salariés à temps plein depuis le 1er janvier.

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