Les lois de Parkinson: le travail, c’est comme le gaz, il remplit l’espace qu’on lui donne

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Pierre-Henri Thomas
Pierre-Henri Thomas Journaliste

Pour l’historien anglais Cyril Northcote Parkinson, « le travail s’étend de manière à remplir le temps disponible pour son achèvement ». Explications.

En cette période où aux Etats-Unis comme en Europe on réfléchit à rendre l’administration plus efficiente et surtout moins chère, il y a un nom qui surgit dans les conversations, celui de Parkinson. « Il a tout compris », lâchait voici quelques jours le Commissaire au plan d’un grand pays voisin.

The ultimate inspiration is the deadline

D’abord, ne tombez pas dans le piège. Il ne s’agit pas d’une référence au médecin britannique, James Parkinson, qui a défini en 1817 une maladie de type paralysante et invasive. Non, on veut parler ici de Cyril Northcote Parkinson, un historien qui, en 1955, a eu son heure de gloire grâce à un article paru dans The Economist, dans lequel il énonçait une loi qui suscite encore énormément de commentaires aujourd’hui : « Le travail s’étend de manière à remplir le temps disponible pour son achèvement. » Autrement dit, si vous vous avez une demi-journée pour écrire une lettre, vous mettrez réellement la demi-journée pour cela, en rangeant votre bureau avant de vous installer, en cherchant longtemps un beau papier et une belle enveloppe,  en vous préparant une tasse de café, en essayant de trouver un modèle de lettre qui pourrait vous inspirer, …. Mais si vous n’avez que 15 minutes, vous écrirez votre lettre en 15 minutes.

« The ultimate inspiration is the deadline », disait Nolan Bushnell, le fondateur d’Atari.

Les lois de Parkinson

Cela peut paraître trivial.  Cependant, Parkinson tire de son article une série de lois, qui sont reprises dans un livre. Il documente son propos, en notant, par exemple, que si, entre 1914 et 1928, la marine de guerre britannique a décru de deux tiers, le nombre de fonctionnaires à l’Amirauté a doublé. Parkinson pose ainsi des lois sur le comportement de l’administration, posant notamment qu’ « un bureaucrate entend multiplier ses subordonnés, pas ses rivaux », et que  « les bureaucrates se créent mutuellement du travail ». 

L’historien britannique compare le travail au comportement physique d’un gaz, qui s’étend dans un grand volume, mais que l’on peut comprimer dans un petit volume  « Le travail étant extensible, il n’y a pas (ou très peu) de relation entre un travail donné et la taille de l’équipe qui en est chargée ».  Le corollaire de cette loi est qu’il n’y a parfois pas beaucoup de relation entre le nombre de personnes dans une équipe désignée pour réaliser un travail et l’ampleur du travail lui-même. C’est la blague sur le nombre de cheminots qu’il faut pour poser un rail. Il en faut quatre, trois qui regardent et un qui travaille.

Une autre loi est celle des « futilités », qui veut que les débats sur des choses futiles mais faciles prennent le pas sur les questions véritables mais complexes dont il faut discuter. Parkinson cite l’exemple d’un comité qui doit discuter d’un réacteur nucléaire et qui prend le  temps de la réunion à discuter de la construction d’un abri à vélos, ce qui reporte évidemment la discussion, plus difficile, sur le réacteur à une prochaine réunion.

Quatre heures de concentration par jour

Evidemment, l’historien réalise ses observations à un moment où le Royaume-Uni perd son statut de première économie internationale au profit des États-Unis et où l’économie du pays s’enfonce dans la crise. L’administration est donc alors un moyen de limiter la hausse du chômage.

Par ailleurs, si l’on suit Parkinson et que l’on estime que le temps de travail peut se comparer à un gaz, on observe, en poursuivant l’analogie, que si l’on comprime trop, il y a explosion…

On ne peut comprimer à l’infini le temps de travail  nécessaire pour accomplir une tâche. Un sondage effectué au Royaume-Uni en 2016 avait tenté de montrer que dans les entreprises, une majorité d’employés travaillaient réellement environ trois heures par jour. Le reste du temps se passait en conversation, à la machine à café, au téléphone avec un ami ou une amie voire en surfant sur internet. Ce n’était pas nécessairement par paresse, mais parce que le temps cumulé de concentration réelle d’une personne n’excède pas, en moyenne, quatre heures par jour.  

C’est pour cela que des spécialistes en organisation conseillent non pas de travailler plus, mais de travailler mieux, en rythmant le temps de concentration et le temps de repos ou de travail plus futile. Mais aujourd’hui, si les lois de Parkinson reviennent à la mode, c’est surtout pour dire que l’administration pourrait faire mieux avec moins. « The proof is in the pudding », comme disent les Anglais. On verra, si Elon Musk sabre dans l’administration américaine comme il l’entend, s’il est facile de comprimer le travail administratif et jusqu’où cette compression peut aller.

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