Les données d’un véhicule de fonction peuvent-elles servir à licencier ?

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Un employé a triché sur le nombre de kilomètres parcourus à titre privé. Son employeur s’en est rendu compte grâce à la géolocalisation installée dans le véhicule et a licencié le travailleur. Celui-ci a contesté la décision devant la Cour européenne des droits de l’homme. En vain.

Au Portugal, un délégué médical d’une entreprise pharmaceutique disposait d’un véhicule de fonction. L’utilisation de celui-ci à des fins privées était autorisée à condition que le travailleur paye pour les frais liés à ses déplacements privés. L’employeur avait installé, tout en veillant à en informer le travailleur, un système de géolocalisation dans le véhicule de fonction.

Sur la base de constats posés grâce à l’exploitation dudit système, une procédure disciplinaire avait été ouverte à l’encontre du travailleur. L’employeur lui reprochait d’avoir majoré le nombre de kilomètres parcourus à titre professionnel pour y diluer les kilomètres parcourus dans le cadre de déplacements privés afin de ne pas les rembourser, d’avoir manipulé le GPS de la voiture et d’avoir commis des erreurs quant au respect du temps de travail.

En raison de ces faits considérés comme établis, l’employeur a licencié le travailleur. Celui-ci a dès lors contesté le licenciement, avançant notamment que le système de géolocalisation était illicite. Cette argumentation n’a pas été accueillie favorablement par les juridictions portugaises et la validité du licenciement a été confirmée.

Le travailleur a donc saisi la Cour européenne des droits de l’homme en invoquant notamment la violation du droit au respect de la vie privée. Selon lui, le traitement de données de géolocalisation obtenues à partir du système GPS installé sur son véhicule de fonction et l’utilisation de ces données pour fonder son licenciement ont porté atteinte à son droit au respect de la vie privée.

L’employé savait !

La Cour a analysé si une mise en balance des intérêts a été effectuée, à savoir entre le droit du travailleur au respect de sa vie privée et le droit de son employeur au bon fonctionnement de l’entreprise, en tenant compte du but légitime poursuivi (le contrôle des dépenses). Elle relève que le travailleur avait été informé que son véhicule serait équipé d’un dispositif GPS et qu’il avait d’ailleurs signé un document dans lequel il était précisé que ce système visait notamment à contrôler les kilomètres parcourus et qu’une procédure disciplinaire pourrait être engagée sur cette base.

En outre, aucune contestation relative aux données provenant du GPS ni aux différences entre les déplacements (kilométrage déclaré et constat du GPS) n’a été formulée par le travailleur. Et la diffusion des données recueillies par l’intermédiaire du GPS était limitée, seuls quelques membres de l’entreprise y ayant accès.

Dans ces conditions, la Cour européenne des droits de l’homme a constaté qu’il n’existait aucune violation du droit à la vie privée. En conclusion, il est tout à fait légal pour un employeur d’installer un système de géolocalisation dans un véhicule de fonction et d’en utiliser les données, pour autant que certaines conditions soient remplies, notamment : l’information, la transparence, la finalité, le but légitime et la proportionnalité de la mesure.

Par Thomas Lecomte, avocat chez Unity

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