Le coaching permet de désamorcer durablement des situations humaines compliquées

Dans son coaching, 
Philippe Rosinski propose une approche 
globale qui 
combine différentes perspectives.

Le coaching n’a pas forcément bonne presse. Pourtant, vu l’essor des maladies mentales et le besoin, crucial, de bien-être au travail, les entreprises y ont de plus en plus recours pour apaiser des situations ou permettre à chacun de s’épanouir dans son rôle. Exemple pratique avec une interview croisée entre coach et coaché.

Philippe Rosinski fut le premier Européen à être labellisé Master Certified Coach par l’International Coaching Federation (ICF). Cet ingénieur, diplômé de l’ULB et de Stanford (USA), a, aujourd’hui, plus de 30 ans de coaching à son compteur. Il est professeur à la Kenichi Ohmae Graduate School of Business de Tokyo et donne des séminaires à Harvard et à Cambridge où un master en coaching a vu le jour. Il accompagne, depuis des années, des managers et des patrons à réaliser leur plein potentiel et à rectifier des postures pouvant déboucher sur des situations dramatiques comme le burn-out.

Submergé

Pour Trends-Tendances, Philippe Rosinski a accepté de lever le voile sur son travail et s’est plié à une interview croisée avec un manager qu’il a accompagné pendant six mois en 2022. Une rencontre qui va mettre au jour une série de problématiques très prégnantes dans nos entreprises. Pour des raisons évidentes de discrétion, nous l’appellerons Jean. Jean a la petite quarantaine et une vie de famille bien remplie avec des enfants en bas âge. Il est cadre supérieur dans une entreprise belge du secteur pharmaceutique.

“J’ai grandi dans ma carrière en prenant de plus en plus de responsabilités, raconte Jean. A un moment donné, je suis arrivé à un seuil où j’ai senti que j’avais besoin d’aide extérieure. Je n’étais pas au bord du burn-out mais, en réalité, le sait-on vraiment ? J’ai des amis qui en ont souffert dans d’autres secteurs. Pour eux, ce que je racontais leur laissait une désagréable impression de déjà-vu. Professionnellement, je me trouvais dans une impasse. J’avais la sensation d’être submergé tout en ayant du mal à identifier la ou les causes. J’avais déjà géré des équipes mais dans cette nouvelle position, j’étais clairement monté en gamme. J’avais une relation compliquée avec mon nouveau supérieur, d’une culture et d’une personnalité totalement différentes du précédent. Je me suis tourné vers les RH de mon entreprise qui, suite une discussion, m’ont proposé deux coachs. Je me suis dit pourquoi pas et j’ai choisi ­Philippe.”

Responsabilité 
vis-à-vis de soi-même

Plus d’un an et demi plus tard, Jean revient, avec émotion, sur les éléments déterminants qui ont changé dans sa vie professionnelle et personnelle.

“Le coaching vous permet de percevoir de façon plus honnête et moins subjective ce qui vous arrive. On peut avoir tendance à une certaine forme de paranoïa ou à chercher des excuses extérieures. D’une part, il y a des éléments extérieurs. Et d’autre part, il y a soi, tout aussi responsable. Le coaching n’est pas une psychothérapie mais il aide à identifier les déclencheurs qui vous amènent à vous sentir submergé. Comme se trouver à accepter une relation toxique avec votre manager. Comme reconnaître que je fais partie des personnalités très impliquées qui sont à risque de burn-out : je prends beaucoup sur mes épaules, je suis en charge, etc. Le coaching m’a aidé à lâcher prise et à être responsable d’une manière plus saine. Cela m’a aussi appris à prendre mes responsabilités vis-à-vis de moi-même. On s’oublie dans l’affaire. On ne pense plus à se développer personnellement ou à profiter de l’offre de formation continue proposée par l’entreprise. On ne pense qu’au travail. C’est une erreur. Travailler 12 heures par jour ? C’est fini désormais. Je me suis redonné du temps car je me suis rendu compte que j’en valais la peine, que ma famille en valait la peine. Je refais du sport. Je me suis mis au piano et je ne rate jamais ma demi-heure quotidienne. Je l’ai dit aux équipes : j’ai levé le pied et nous allons en faire moins mais le faire mieux.”

L’exemple de Jean est exemplaire à bien des égards. Il témoigne de la position d’un manager coincé entre l’enclume et le marteau. Entre un supérieur, lui-même sous pression, et ses équipes qu’il faut gérer. Entre des objectifs à atteindre et des collaborateurs dont il faut veiller au bien-être, au développement et à l’épanouissement. Il n’y a pas assez d’heures dans une journée pour tout ça. Alors, il est important d’avoir les bons outils pour clarifier les choses et apprendre à les ­relativiser.

Le coaching n’est pas une psychothérapie mais il aide à identifier les déclencheurs qui vous amènent à vous sentir submergé.” – Jean, coaché

“Le coaching m’a mis sur la voie du leadership et de la délégation et a changé les attentes vis-à-vis de mon équipe, poursuit Jean. Le lâcher prise n’est pas encore totalement résolu mais cela va beaucoup mieux. Il n’est pas possible de tout faire soi-même. Non seulement cela ne m’aide pas mais, en plus, cela ne fait pas grandir mes collaborateurs. Il faut les accompagner au mieux et déterminer qui est capable de quoi et qui peut et veut apprendre. Il faut s’adapter à chacun et je réalise aujourd’hui qu’être people manager nécessite de disposer d’une intelligence émotionnelle au-delà de la moyenne. Ceci dit, l’aspect bien-être au travail et gestion des émotions de vos collaborateurs prend beaucoup de temps. Je ne suis ni psy, ni assistant social et ce n’est pas simple à gérer. Une personnalité ne change pas radicalement. Je demeure très impliqué mais j’ai mis des garde-fous qui m’empêchent de partir dans les extrêmes. Une des grandes leçons est aussi la mise en perspective. Ne pas se mettre du stress pour rien et relativiser l’importance des choses. Si mes équipes et moi avons fait ce qu’il fallait et qu’un projet tourne mal ou moins bien, en fin de compte, il n’y aura pas mort d’homme…”

Six piliers

A l’évidence, il faut du courage et de l’humilité pour entamer une telle démarche, se remettre en question et tenter d’exploiter son potentiel au maximum. Dans son coaching, Philippe Rosinski propose une approche globale qui combine différentes perspectives.

“Un coach n’a pas toujours bonne réputation, souligne-t-il. Et pour cause, n’importe qui peut y prétendre. De nos jours, les entreprises font de plus en plus appel à nous mais exigent des garanties d’éthique et de qualité. L’ICF les leur offre. Je travaille sur six piliers différents.
Psychologique : par exemple, comment, entre autres à l’aide de jeux de rôle, remplacer une relation toxique par quelque chose de positif, respectueux et sain.
Culturel : travailler sur les croyances limitantes et élargir sa palette.
Physique : réapprendre à prendre soin de soi.
Politique : comment puis-je, en cas de manager toxique, lutter politiquement dans l’entreprise contre cela ?
Spirituel : quel sens veux-je donner à ma vie ? Le burn-out peut signaler un décalage par rapport à la vie que l’on désire avoir.
Managériale : aller vers la délégation tout en tenant compte des capacités et du degré de motivation des uns et des autres.

Le coaching peut parfois déboucher sur des résultats surprenants. J’ai eu des cas où le manager a finalement quitté l’entreprise pour le bonheur de tous, y compris le sien. A l’inverse, quelqu’un dont je devais accompagner le départ s’est retrouvé promu dans une autre fonction. Le coaching a pour vocation d’ancrer des comportements petit à petit. On n’obtient pas cela avec des formations de deux heures. Le but au terme du parcours est que le manager devienne son meilleur coach, continuant à prendre soin de lui et des autres.”

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