Ce vendredi, à l’aube, la Chambre a approuvé la loi-programme qui contient, parmi d’autres mesures, l’introduction du droit de toucher des allocations de chômage après une démission (droit au rebond). En quoi cela consiste-t-il, qui y aurait droit et à quelles conditions?
La loi-programme, adoptée vendredi en séance plénière de la Chambre, contient une mesure phare applicable dès janvier 2026 : la réforme du chômage, dont la limitation dans le temps des allocations à deux ans maximum. Elle contient également d’autres mesures qui toucheront directement les travailleurs. Parmi, elle une petite révolution en Belgique : le droit de toucher des allocations de chômage pendant six mois après une démission une fois dans sa carrière (droit au rebond).
Une fois dans la carrière
Cette mesure constitue une rupture majeure dans l’histoire du droit social belge. Pour la première fois, un salarié en Belgique pourra bénéficier du chômage après une démission volontaire, une seule fois dans sa carrière. Dans notre pays, il n’existe actuellement pas de droit formel à la démission pour un salarié, contrairement à un droit de licenciement. Cela signifie qu’un salarié peut choisir de quitter son emploi de son propre gré, mais cela ne lui donnera pas droit de facto à des indemnités de départ. C’est le cas lors d’un licenciement par l’employeur. Il se retrouve alors sans aucun revenu s’il quitte volontairement son travail. Par conséquent, il sera exclu du droit aux allocations de chômage pour une durée indéterminée. Tant qu’il ne prouve pas qu’il a retrouvé un autre emploi et l’a perdu sans faute de sa part.
Les conditions d’accès au « droit au rebond »
- Une seule fois dans une carrière: ce droit est non renouvelable. Une fois utilisé, il ne pourra plus être invoqué une seconde fois, même des décennies plus tard.
- Durée limitée à six mois : l’indemnisation est plafonnée à 6 mois d’allocations de chômage, sur base du dernier salaire perçu, comme pour une perte involontaire d’emploi.
- Pas de condition de motif grave: contrairement à la procédure habituelle, le travailleur n’a pas à prouver qu’il quitte son emploi pour un « motif légitime » (santé, harcèlement, déménagement, etc.). La démission peut être purement volontaire, ce qui représente un vrai tournant dans la philosophie du système.
- Obligation d’activation : comme pour tout demandeur d’emploi, le bénéficiaire devra être activement en recherche d’emploi, disponible sur le marché du travail et accepter un accompagnement par le Forem, Actiris ou le VDAB.
Un pari sur la mobilité professionnelle
Plus d’un travailleur sur cinq se sent prisonnier d’une “cage dorée” dans son travail, selon une étude du prestataire de services RH Tempo-Team, en collaboration avec la KU Leuven. Nombre de salariés s’accrochent aussi à des postes usants ou stériles par peur de ne rien toucher comme indemnités en cas de démission.
Dans ce contexte, le gouvernement espère via cette mesure encourager les travailleurs à oser changer de voie, se reconvertir ou quitter un emploi devenu toxique, sans la crainte immédiate de la précarité. Ce filet de sécurité pourrait réduire l’absentéisme de longue durée, un enjeu majeur pour la sécurité sociale.
Critiques syndicales et patronales
Les syndicats craignent de leur côté un effet d’aubaine pour les jeunes, ou une tentative de dérégulation masquée du licenciement, tandis que certains employeurs s’inquiètent de voir partir des talents plus facilement, surtout dans les secteurs en pénurie.
Le gouvernement devra toutefois veiller à éviter les abus, notamment les démissions opportunistes pour toucher le chômage en attendant un autre poste ou pour créer une entreprise (sans passer par les mécanismes classiques de l’indépendance).
Des législations différentes en Europe
La possibilité de démissionner sans préavis ou de manière immédiate dépend des règles spécifiques de chaque pays et de la législation en vigueur. En introduisant un droit à la démission avec des allocations de chômage, la Belgique serait parmi les pays d’Europe le plus généreux en termes d’allocations envers ses travailleurs. Dans la plupart des pays, une démission volontaire entraîne en effet soit une suspension temporaire des allocations chômage, soit une exclusion, sauf si le salarié peut justifier une raison impérieuse.
Démission pour reconversion en France
La France est l’un des rares pays à avoir récemment introduit un droit au chômage en cas de démission pour reconversion. Un salarié qui démissionne n’a généralement pas droit aux allocations chômage, sauf dans certains cas qualifiés de “démission légitime” par Pôle emploi, notamment : une démission pour suivre son conjoint qui change de résidence pour raisons professionnelles, pour cause de non-paiement du salaire ou harcèlement, dans le cadre d’un projet de reconversion professionnelle validé par Pôle emploi, ou encore, après au moins 5 ans d’ancienneté pour créer une entreprise.
En Allemagne, un salarié qui démissionne peut recevoir l’Arbeitslosengeld (allocation chômage), mais il est généralement soumis à une pénalité de 12 semaines de suspension avant de percevoir ses droits, sauf s’il justifie une raison impérieuse (harcèlement, non-paiement du salaire, etc.).
Au Danemark, les allocations chômage sont gérées par des caisses d’assurance chômage (A-kasse). En cas de démission, le salarié subit généralement une période de carence de 3 semaines, mais il peut toucher ses allocations après cette période.
En Suisse, un salarié qui démissionne peut toucher le chômage, mais il subit une pénalité appelée période de suspension qui peut durer de 1 à 3 mois, sauf s’il prouve que sa démission était justifiée (santé, harcèlement, conditions de travail abusives).