Delhaize: les travailleurs vont-ils perdre tous leurs droits?

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Les syndicats font valoir plusieurs arguments à l’appui de leur grève contre Delhaize suite à la “franchisation” de 128 magasins. Faisons le point sur ces questions qui divisent.

Si les syndicats ont invité à la grève, c’est d’abord parce que les droits des travailleurs des magasins intégrés du distributeur seraient mis en danger par la “franchisation”.

1. Les travailleurs franchisés vont-ils perdre tous leurs droits?

Non. En réalité, si un transfert en franchise est réalisé, la CCT 32bis qui protège les droits des travailleurs en cas de transfert d’entreprise s’appliquera et le franchisé repreneur sera tenu par tous les droits des travailleurs au jour du transfert, c’est-à-dire l’ancienneté (qui compte en cas de licenciement), le salaire, la fonction, etc. Il ne faut même pas signer un nouveau contrat, l’ancien restant valable. Et la CCT 32 bis interdit que ces droits soient modifiés suite au transfert. Le franchisé pourra, plus tard, tenter de modifier certaines conditions mais son ius variandi est très encadré: il sera difficile de modifier unilatéralement les rémunérations, la fonction ou le lieu de travail sans risquer la rupture du contrat.

2. La “franchisation” est-elle un licenciement collectif déguisé?

Sur le plan individuel, c’est faux car l’ancienneté et les conditions salariales des travailleurs qui passent en franchise restant identiques, les droits de licenciement (l’indemnité de préavis) ne changent pas. Sur le plan collectif, il est vrai que si des franchisés procèdent à des licenciements, il y a moins de chances qu’une procédure de licenciement collectif doive être suivie, soit que l’entreprise compte moins de 20 travailleurs, soit que le seuil de licenciement collectif n’est pas atteint (10 licenciements si moins de 100 salariés, 10% de licenciements entre 100 et 300, et 30 si plus de 300 travailleurs). Dès lors, divers avantages généralement négociés dans un plan social ne s’appliqueront pas, tels un reclassement amélioré, l’indemnité de licenciement collectif, l’indemnité de préavis majorée, etc., qui peuvent grever le budget de licenciement de près de 20 à 30%.

3. Est-ce une manière de se débarrasser des travailleurs sans frais?

Probablement pas. En général, le franchisé repreneur d’une population de travailleurs ayant des droits importants en matière de licenciement négociera avec le cédant (Delhaize) qu’en cas de licenciement dans une certaine période de temps (par exemple 12 à 24 mois), le cédant devra payer la quote-part de l’indemnité de préavis correspondant à l’ancienneté acquise chez le cédant.

4. La concertation sociale va-t-elle disparaître?

Christophe Delmarcelle, Associé fondateur Cabinet DEL-Law, juge suppléant au tribunal du travail
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Oui. La “franchisation” aura pour effet de “fragmenter” l’entreprise de sorte que chaque franchisé n’atteindra a priori plus les seuils pour un conseil d’entreprise (100) ou un comité pour la prévention et la protection au travail (50). C’est probablement un élément très sensible car les syndicats verront de facto réduite leur capacité de fédérer les travailleurs. Cependant, même en l’absence d’un conseil d’entreprise ou de comité pour la prévention et la protection, les travailleurs doivent être informés directement sur une série de sujets.

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