Comment survivre au stress de la rentrée quand on est perfectionniste ? Les conseils d’une spécialiste
La rentrée est source de stress et d’une charge mentale élevée pour bon nombre d’entre nous, mais encore plus pour les perfectionnistes. Comment ces types de personnalités peuvent-elles relâcher la pression ? Psychiatre et auteure de l’ouvrage “J’arrête d’en faire trop”, Caroline Depuydt évoque quelques pistes pour Trends Tendances.
Comment aborder la rentrée de façon plus zen quand on est perfectionniste et qu’on veut toujours avoir tout sous contrôle au bureau comme à la maison ?
Le perfectionniste mal adapté, ou peu adapté, est très sensible à des périodes de stress comme la rentrée. Mais, quand, en plus de cela, il a l’impression qu’il doit tout porter sur ses épaules, qu’il a des exigences extrêmes dans tous les domaines, cette pression et cette charge mentale permanentes peuvent devenir invivables. Le premier pas à faire, c’est d’en prendre conscience. C’est déjà parcourir la moitié du chemin. Prendre du recul, faire une pause par rapport à son perfectionnisme permet de se donner une jauge de son état de fatigue et de stress.
Quelle est l’étape suivante ?
C’est de décider, après cette auto-évaluation, de progressivement changer sa façon de vivre et de voir les choses. Se rendre compte qu’on ne s’épargne pas, et se demander si pour cette rentrée-ci, on n’aurait pas envie de faire autrement que de s’épuiser et d’attendre péniblement les prochaines vacances pour récupérer un peu. On peut faire cette introspection seul ou accompagné d’un professionnel de la santé selon sa situation personnelle. Cela permet d’avoir un regard plus neutre.
Etre perfectionniste au travail est souvent vu comme une qualité, mais le perfectionnisme peut aussi gâcher la vie et même mener au burn-out…
Le perfectionnisme, en soi, n’est ni une qualité ni un défaut, c’est une caractéristique de notre personnalité. Etre perfectionniste, c’est être fiable, loyal, dévoué, bosser beaucoup. Les personnes dites perfectionnistes obéissent à longueur de temps à leur petite voix intérieure qui est exigeante et butée. Le seul problème, c’est que vouloir être parfait à 120% c’est épuisant. A un moment, le perfectionnisme peut mener au burn-out. Il faut de temps en temps relâcher la pression et se donner le droit à l’erreur.
Vouloir être parfait à 120% c’est épuisant. A un moment, le perfectionnisme peut mener au burn-out.
Vous faites la distinction dans votre ouvrage entre le perfectionniste anxieux, stressé, et l’optimaliste, qui est un perfectionniste plus adapté, plus heureux. Comment est-ce qu’on peut évoluer de ce perfectionnisme aliénant et néfaste à cet optimalisme plus apaisé ?
Il s’agit en réalité des deux côtes d’une même médaille. Et, la bonne nouvelle c’est qu’il suffit de la retourner. C’est plutôt encourageant. Côté pile, j’ai vraiment envie de devenir le meilleur de moi-même, d’avancer au niveau professionnel, mais aussi d’être au top avec ma famille. Côté face, on est optimaliste quand on veut bien faire les choses, mais qu’on sait qu’on est humain, et donc imparfait. On est conscient que l’erreur n’est pas un échec, mais une façon de progresser. On s’autorise intérieurement l’imperfection. On a observé que, paradoxalement, ne jamais se donner le droit à l’erreur augmente le risque d’erreur. Car on est tout le temps stressé, sur le qui-vive et finalement, il y a quand même un moment où l’on va craquer.
Paradoxalement, ne jamais se donner le droit à l’erreur augmente le risque d’erreur.
Bien sûr, il y a de nombreux métiers où on n’a pas le droit à l’erreur, je pense au métier d’architecte par exemple. Aucune erreur n’est autorisée dans la construction d’un pont. Mais à d’autres moments, l’architecte peut parfois relâcher la pression, être à 80% au lieu de 100%.
Vous parlez aussi de la bienveillance et de la tendresse qu’on peut avoir envers soi-même… En quoi ces dispositions jouent-elles dans le lâcher-prise ?
Oui, tendresse et bienveillance jouent un rôle essentiel pour lâcher prise. Cela parlera particulièrement aux perfectionnistes car leur voix intérieure est souvent très discréditante, exigeante et critique. En bref, elle n’est jamais contente ! Il est bénéfique d’être bienveillant envers soi-même. Je demande souvent à mes patients d’imaginer qu’ils se parlent comme s’ils s’adressaient à leur meilleur ami. Est-ce qu’ils leur parleraient de façon aussi rude ? Cela permet de cesser d’émettre des jugements violents envers soi-même.
Vous évoquez la flexibilité mentale qui peut aider des personnes trop exigeantes à être moins « control freak », expliquez-nous
Le perfectionniste souffre de psychorigidité, de rigidité mentale. Ce qui est très stressant. Les nombreuses règles qu’ils s’imposent sont en fait une façon de se rassurer, de lutter contre son anxiété d’échouer et d’être rejeté. La flexibilité mentale est la capacité du cerveau à retrouver un peu de liberté intérieure, et de souplesse dans les choix et dans les pensées que l’on s’impose. Ces pensées alternatives vont diminuer la rigidité des règles, et dans la foulée l’inquiétude dans laquelle on vit.
La flexibilité mentale est la capacité du cerveau à retrouver de la souplesse dans les choix et dans les pensées que l’on s’impose.
Comment y arriver ?
Décider d’être flexible du jour au lendemain ne suffit pas, il faut un minimum d’entrainement au quotidien pour se défaire de toutes les règles et sortir de sa zone de confort. Grâce à la plasticité cérébrale, le cerveau rigide peut s’adapter et accepter des pensées alternatives. Je conseille, par exemple, à une personne qui veut que sa maison soit toujours propre et bien rangée d’inviter des amis sans se mettre une pression du diable pour que tout soit impeccable. Elle aura certainement du mal à accepter cette situation au début, mais elle se rendra compte qu’au final, la soirée s’est bien passée même si sa maison n’était pas dans l’état irréprochable qu’elle voulait.
Que proposez-vous comme outils et exercices pour évacuer le stress ?
Je propose dans mon ouvrage* des outils rationnels comme des tests pour se situer par rapport à son perfectionnisme ou son état de surmenage. Mais aussi des exercices qui vont calmer le mental, comme « 10 minutes de rien ». A la fin de votre journée, essayez pendant 10 minutes, au calme et isolé de votre famille, de ne rien faire, de ne penser à rien, de laisser voguer le flot de vos pensées. Effet relaxant garanti !
Faire « n’importe quoi » est parfois difficile à admettre pour un perfectionniste, mais il s’habituera petit à petit à se détendre.
Le travail et la conscience du corps pour des personnes très cérébrales sont aussi importants. On a souvent tendance à l’oublier. La « shaking meditation » permet d’évacuer toutes les hormones du stress qui se sont logées dans nos épaules et dans d’autres parties de notre corps pendant la journée. Cet exercice consiste à secouer le cou, les mains, les bras, les hanches… pendant 5-10 minutes, sur de la musique, ou pas. Faire « n’importe quoi » est parfois difficile à admettre pour un perfectionniste, mais il s’habituera petit à petit à se détendre.
*”J’arrête d’en faire trop ! les conseils d’une psychiatre pour sortir des pièges du perfectionnisme”, Caroline Depuydt, 24,90 euros (éditions Kennes).
La docteure Caroline Depuydt est médecin psychiatre. Elle travaille à la clinique Fond’Roy à Bruxelles où elle est responsable d’un service psychiatrique d’hospitalisation sous contrainte.
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