Carrière, sport, vie privée… Les coachs se multiplient. Pourtant, en Belgique, le titre n’est pas protégé et aucun diplôme n’est reconnu. Une absence de réglementation qui fragilise la profession et inquiète face aux dérives possibles.
Le mot “coach” trouve ses origines dans le domaine sportif. Il s’est ensuite imposé dans le monde de l’entreprise, où il a connu un essor notable à partir des années 1980. Aujourd’hui, coacher est le mot à la mode. Et des coachs, il y en a désormais dans presque tous les domaines : carrière, sport, nutrition, parentalité, immobilier, développement personnel, etc.
Le nombre exact de coachs actifs en Belgique reste flou, faute de code NACE (nomenclature statistique des activités économiques) et donc de statistiques officielles. Les fédérations de coachs ICF Belgium et EMCC Belgium recensent respectivement environ 200 et 150 professionnels. Le chiffre réel serait bien plus élevé. Une estimation très large, basée sur des activités similaires (consultant, entraîneur, conseiller), évoque plus de 90.000 indépendants. Certes, cette interprétation doit être jugée comme extensive. Selon les sources, à l’échelle mondiale, le marché du coaching professionnel représentait 2,85 milliards de dollars en 2020, avec plus de 70.000 coachs certifiés.
Quant au profil des coachs ? Il s’agit d’un métier assez jeune, avec beaucoup de professionnels pratiquant le métier depuis moins de cinq ans.
Mais derrière cet engouement se cache une réalité plus complexe en Belgique, car le titre de coach n’est pas protégé et la profession n’est pas réglementée. Autrement dit, n’importe qui peut s’autoproclamer coach, avec tous les risques que cela implique pour le public. Après seulement deux jours de formation en ligne, certains n’hésitent pas à fixer une plaque en cuivre devant leur habitation. C’est pourquoi le député socialiste Patrick Prévot vient de soumettre une proposition de résolution visant à instaurer un encadrement légal pour la profession. Cette démarche cherche à établir un cadre juridique comparable à celui de la psychothérapie, définie officiellement depuis 2016. L’objectif est de garantir la sécurité du public en le prémunissant contre d’éventuelles dérives ou abus.
Gare aux gourous
“Le hic, c’est qu’en Belgique, aucun diplôme n’est reconnu à titre de condition d’accès à la profession, commente Patrick Prévot. Ce qui pose un problème de légitimité et de sécurité pour les clients. Attention, cela ne signifie pas que tous les coachs sont illégitimes, loin de là. Il s’agit de pointer les dérives d’une minorité, comme l’a révélé l’émission de la RTBF, Investigation, en novembre dernier, dans le reportage Coaching, gare aux gourous. Certains signalements reçus mettent en lumière un véritable processus d’emprise : déstabilisation psychologique, perte de repères, isolement de l’environnement habituel. Dans certains cas, les personnes concernées en viennent à dépenser des montants considérables, jusqu’à s’endetter. Ces pratiques présentent de troublantes similitudes avec les dérives sectaires : gourou, manipulation, promesses illusoires et volonté de formater les victimes, non seulement sur le plan mental, mais aussi financier.”
Il faut donc mettre de l’ordre. Et s’il n’existe pas de diplôme officiel unique reconnu pour exercer comme coach, plusieurs centres de formation proposent de véritables cursus, quand d’autres vendent des formations fantaisistes. Du côté des sérieux, retenons les formations de l’IFAPME et de l’Université de Louvain. Dans un autre registre, des bacheliers en coaching sportif sont également accessibles dans plusieurs hautes écoles. La profession est également structurée par l’International Coach Federation (ICF, 300.000 membres dans 132 pays). Sa branche belge a été créée en 2002. Elle poursuit plusieurs objectifs : accroître le nombre de coachs formés et certifiés, promouvoir la profession, encourager le réseautage et soutenir ses membres dans le développement de leur carrière. Tous s’engagent surtout à respecter un code de déontologie précis.
Après seulement deux jours de formation en ligne, certains n’hésitent pas à s’autoproclamer coach.
PNL, systémique, “gestalt-thérapie”
Les “vrais” coachs sont d’ailleurs les premiers demandeurs pour mettre de l’ordre au sein de leur profession. C’est le message que fait passer Najat Mohdad, coordinatrice de l’Académie de coaching du CFIP, implantée à Woluwe-Saint-Lambert. “Le coaching a connu un essor considérable ces dernières années, dit-elle, en particulier après la crise sanitaire. L’accompagnement en outplacement et les mesures gouvernementales ont fortement contribué au développement du job coaching. C’est un métier qui bénéficie aujourd’hui d’une grande visibilité.”
Chaque année, son académie forme une trentaine de coachs (deux années d’apprentissage, sanctionnées par un cursus certifié). “Notre programme est validé par la Fédération internationale de coaching. Cette reconnaissance apporte non seulement une légitimité aux coachs, mais aussi une véritable sécurité aux clients. Il s’agit d’une formation généraliste qui couvre différents champs : le coaching professionnel, de vie, de carrière, d’équipe, ou encore l’outplacement, tant en interne qu’en externe dans les entreprises.” Les étudiants suivent des modules spécifiques en analyse transactionnelle, en programmation neuro-linguistique (PNL), en systémique, en “gestalt-thérapie” ou encore en lecture de personnalité.
Volonté de légiférer
Pour Najat Mohdad, la volonté de légiférer en la matière va donc dans le bon sens. “Je vois cette évolution d’un très bon œil, se réjouit-elle. Aujourd’hui, n’importe qui peut s’improviser coach sans formation et sans avoir entrepris le travail sur soi. Ce qui me semble indispensable avant de prétendre accompagner les autres. Un cadre officiel donnerait de la crédibilité aux personnes réellement formées.”
Un encadrement légal permettrait effectivement d’uniformiser les formations. Car aujourd’hui, on trouve d’un côté des cursus sérieux, qui durent plusieurs mois, et de l’autre, des certifications en ligne obtenues après seulement 30 heures, sans examen, sans supervision, sans mentoring ni pratique réelle. Or, pour exercer ce métier et éviter les dérives, il faut un cadre clair, une déontologie, la pratique de stages et une éthique. “Il est également nécessaire de définir les limites du coach et la manière de contractualiser les relations”, conclut Najat Mohdad.
Enfin, à plus court terme, une piste consisterait à mettre en place un code de conduite propre au secteur du coaching, sur le modèle de ceux déjà appliqués dans d’autres domaines comme le tourisme, l’optique, le fitness, l’énergie ou encore les services bancaires. Le pavé est lancé dans la mare. Reste à voir si “on” ira le repêcher.
Suivez Trends-Tendances sur Facebook, Instagram, LinkedIn et Bluesky pour rester informé(e) des dernières tendances économiques, financières et entrepreneuriales.