Les réunions, on les aime ou on les déteste — souvent selon les circonstances et la charge de travail. Mais ce qui fait l’unanimité en termes de frustration, ce sont celles qui ne servent à rien. Agacement garanti pour tout le monde.
Presque tous les employés (93,4 %) participent à des réunions en entreprise. Pourtant, selon la dernière enquête de Protime, spécialiste de la gestion du temps et du personnel, ces moments de concertation suscitent l’agacement de près de trois quarts des travailleurs (73,4 %), et même de manière fréquente à systématique pour 38 % d’entre eux. Cette irritation augmente avec l’âge : elle concerne 44,6 % des plus de 55 ans, 42,1 % des 35 à 54 ans, contre seulement 29,2 % des moins de 35 ans. La “réunionite aiguë” convainc de moins en moins.
Des réunions jugées trop souvent inutiles
Protime a interrogé 1.000 employés francophones belges pour cerner les causes de ces frustrations. En tête du classement : les réunions jugées inutiles (42,2 %), suivies de la perte de temps sur des sujets non pertinents (38,1 %).
Top 10 des frustrations liées aux réunions :
1. Réunions inutiles (42,2 %)2. Trop de temps consacré à des sujets non pertinents (38,1 %)
3. Réunion qui se termine sans décision ni action concrète (33,9 %)
4. Éloignement des objectifs ou de l’ordre du jour (27,9 %)
5. Trop de discussions, certains participants ne peuvent pas s’exprimer (22,5 %)
6. Réunions trop longues sans pause (21,4 %)
7. Absence d’ordre du jour ou de structure claire (20,1 %)
8.Certains participants n’écoutent pas (20 %)
9. Participants occupés à autre chose pendant la réunion (19,3 %)
10. Retards répétés des participants (17,3 %)
Chaque semaine, ce sont en moyenne trois heures de travail qui sont perdues en réunions inutiles. Pour un employé sur dix (10,7 %), cela peut même aller jusqu’à six heures.
Entretien avec Lode Godderis, professeur de médecine du travail à la KU Leuven
Avez-vous été surpris par les résultats de l’enquête ?
Pas vraiment. Ces résultats confirment les tendances observées dans la littérature scientifique. Les frustrations liées aux réunions augmentent depuis plusieurs années. Cette étude vient donc renforcer ce que l’on savait déjà.
Avez-vous constaté une évolution dans la manière dont les réunions se déroulent, notamment depuis la pandémie ?
Oui. On observe clairement une augmentation du nombre et de la durée des réunions. La plupart des employés participent à dix ou quinze réunions par semaine, et les cadres peuvent dépasser les trente réunions hebdomadaires.
Avec la généralisation des formats hybrides et virtuels, les interactions se compliquent. Or, la qualité des échanges est essentielle pour éviter les frustrations. Les réunions en ligne souffrent de problèmes techniques et réduisent la capacité à capter les signaux non verbaux, qui jouent un rôle fondamental dans la communication.
On observe aussi un engagement moindre, avec davantage de multitâches et de fatigue. Le phénomène de “Zoom fatigue” est bien documenté : trop de réunions en ligne affectent notre concentration et notre attention.
Ces frustrations existaient-elles déjà avant la pandémie ?
Certaines oui. Être présent sans pouvoir participer activement reste une source majeure de frustration. Il est aussi essentiel d’avoir un ordre du jour clair et des objectifs bien définis. Pourtant, de nombreuses réunions commencent sans cela.
Il faut aussi veiller à la durée : 21,4 % des sondés n’aiment pas les réunions trop longues. Or, 43,2 % des employés déclarent ne pas pouvoir se concentrer au-delà de 30 minutes. Après 45 minutes, 76,1 % décrochent mentalement.
Désigner un animateur est également essentiel pour garantir la fluidité des échanges. Enfin, le choix du format doit dépendre des objectifs : une réunion pour partager des résultats peut tout à fait se faire en ligne, mais un brainstorming gagnera à être mené en présentiel.
Vous recommandez donc d’adapter le format à l’objectif ?
Absolument. Pour générer de nouvelles idées ou résoudre un problème, le présentiel est plus adapté. Ces moments exigent de vrais échanges, souvent impossibles à recréer en virtuel.
De manière générale, la participation active reste un élément clé pour qu’une réunion soit perçue comme utile, quel que soit le format choisi.
Est-ce que la règle des deux pizzas s’applique encore ?
Oui, cette règle formulée par Jeff Bezos reste pertinente : une réunion ne devrait pas rassembler plus de personnes que ce que deux pizzas peuvent nourrir, soit environ six à huit personnes. Cela favorise l’efficacité et limite la dispersion.
Conclusion ?
Les réunions ne doivent jamais être une fin en soi, mais un outil stratégique. Celles qui sont bien préparées, avec un objectif clair, un ordre du jour précis et les bonnes personnes autour de la table, sont les seules à offrir de vrais résultats. Si trois personnes sur quatre décrochent mentalement, il est temps de revoir sa culture de réunion. Le temps est une ressource précieuse : traitons les réunions comme un investissement, pas comme une habitude.
10 conseils pour des réunions plus efficaces
1. Limiter la fréquence des réunions2. Évaluer la nécessité réelle de la réunion
3. Établir un ordre du jour clair
4. Favoriser le présentiel pour les échanges complexes (communication non verbale)
5. Encourager l’interaction et la participation active
6. Limiter la durée à 45 minutes maximum
7. Désigner un animateur pour guider les échanges
8. Adapter le format à l’objectif (présentiel, hybride, virtuel)
9. Choisir le présentiel pour les brainstormings ou la résolution de problèmes
10. Inviter uniquement les participants concernés
5 astuces pour réduire le nombre de réunions
1. Transmettre l’information autrement61 % des réunions ont pour objectif principal de partager de l’information. Or, d’autres moyens peuvent être plus efficaces : notes de service, outils collaboratifs, discussions brèves tout au long de la semaine…
2. Ne se réunir que lorsque c’est nécessaire
Les réunions formelles restent utiles pour prendre des décisions, évaluer une situation ou brainstormer. Elles doivent être exceptionnelles, pas systématiques.
3. Préparer en amont et formaliser après
Envoyer l’ordre du jour à l’avance permet une participation plus constructive. Rédiger ensuite un compte rendu synthétique permet de garder une trace claire des décisions prises.
4. Respecter les horaires
Une réunion doit commencer et se terminer à l’heure. L’ordre du jour est un bon outil pour structurer le temps imparti.
5. Planifier à l’avance
Avoir du contrôle sur son emploi du temps est essentiel pour le bien-être au travail. Consacrer une trop grande part de ce temps à des réunions non productives est une source de stress. D’où l’importance de créer une culture de réunion efficace.
Comme le souligne la professeure Els Clays (Université de Gand), cela peut sembler évident, mais dans la réalité des entreprises, c’est loin d’être toujours appliqué.