Avantages et inconvénients d’une prime bénéficiaire

Une prime bénéficiaire intérimaire permettrait de mieux récompenser les travailleurs. Mais surtout le prochain gouvernement devrait se pencher d’avantage sur la rémunération variable comme levier pour motiver les troupes.

Selon Partena, seulement 1,7 % des salariés recevront une prime de résultat, appelé aussi prime de bénéficiaire cette année. Ce chiffre, calculé sur la base des données salariales de 340 000 travailleurs dans 18 000 entreprises, est plutôt faible compte tenu des avantages qu’offre ce type de prime. Le point sur cette prime liée aux bénéfices qui permet d’ajuster les rémunérations en fonction des performances avec Yves Stox, managing consultant chez Partena Professional.

Quelle est la différence entre la prime bénéficiaire et la CCT 90 ?

Il ne faut pas confondre la prime bénéficiaire et la CCT 90. Ce sont deux dispositifs distincts que les entreprises peuvent utiliser pour récompenser leurs employés, mais ils présentent des caractéristiques et des finalités différentes. Selon Yves Stox, la prime bénéficiaire est une distribution directe d’une partie des bénéfices de l’entreprise à ses employés. Elle peut être allouée à tous les employés de manière proportionnelle au salaire ou de façon égale pour chacun, ce qui donne à l’employeur une grande flexibilité dans sa mise en œuvre.

En comparaison, la CCT 90, ou Convention Collective de Travail 90 – officiellement “les avantages non récurrents liés aux résultats”, mais mieux connue sous le terme fourre-tout de prime ou plan bonus – est un mécanisme qui repose sur des objectifs précis, souvent liés à la performance individuelle ou collective. Ces objectifs peuvent couvrir des domaines très vastes. Cela peut-être le nombre de vente, de choses produites ou même le nombre peu élevé d’accidents de travail. Pour bénéficier des avantages fiscaux associés à la CCT 90, l’entreprise doit d’abord définir un plan conforme aux exigences légales et le soumettre à l’approbation des représentants des travailleurs. Ce plan doit inclure des critères mesurables qui détermineront si la prime sera effectivement versée. «On estime que 22% des travailleurs la reçoivent, soit près d’un travailleur sur 5 », nous dit encore Stox.

La principale différence entre ces deux mécanismes réside donc dans leur philosophie : alors que la prime bénéficiaire est directement liée aux résultats financiers globaux de l’entreprise, la CCT 90 vise à encourager la performance en fonction d’objectifs prédéterminés et chiffrés. La prime bénéficiaire est donc plus simple à mettre en œuvre, mais elle est aussi plus dépendante de la santé financière de l’entreprise.

Avantages et inconvénients de la prime bénéficiaire

La prime bénéficiaire présente plusieurs avantages pour les entreprises et leurs employés. Ainsi Yves Stox souligne que cette prime est relativement facile à mettre en place puisqu’elle ne nécessite pas de plan structuré ou de négociations complexes. « Ce dispositif est simple à mettre en place, puisqu’il ne nécessite pas de plan préalable ou d’accord avec les syndicats » dit-il encore. De plus, la prime bénéficiaire bénéficie d’un traitement fiscal et social avantageux : l’entreprise ne doit payer qu’une cotisation spéciale de 13,07 %, tandis que les employés bénéficient d’un taux d’imposition réduit de 7 %. Cela en fait un outil attractif pour redistribuer une partie des bénéfices sans alourdir la charge fiscale. Car la prime est calculée sur les bénéfices après taxation.

En revanche, la prime bénéficiaire présente aussi des inconvénients. L’un des principaux risques est son caractère variable : étant lié aux bénéfices, son montant peut fluctuer d’une année à l’autre, rendant son versement incertain. Cette incertitude peut poser problème si les employés en viennent à considérer cette prime comme une partie intégrante de leur rémunération annuelle. Selon Stox, elle n’en est pas désirée par les travailleurs, car on la trouve « à la neuvième place du top 10 des primes les plus demandées ».

Un autre inconvénient, comme le souligne encore Yves Stox, est qu’elle n’est pas nécessairement liée à la performance individuelle ou collective des employés. Cela pourrait mener à des frustrations, en particulier dans les grandes entreprises où les écarts de rémunération sont importants. Pour éviter ce genre de déséquilibre, il est important que les entreprises réfléchissent soigneusement à la manière dont elles souhaitent structurer la distribution de cette prime.

Enfin, le but premier de l’entreprise n’est pas toujours forcément les bénéfices. Ce peut être l’EBITDA ou la croissance des ventes. Rendant de facto la prime bénéficiaire moins pertinente.

La prime n’est donc pas forcément plus adaptée que la CCT90. Ce sont des mécanismes complémentaires avec des finalités complémentaires.

Une prime bénéficiaire intermédiaire comme on verse des dividendes intermédiaires ?

L’un des points négatifs est aussi que cette prime versée en même temps que les dividendes et les tantièmes, au printemps. Le délai entre les efforts fournis et le bonus est parfois de six mois. Pour Stox, la mesure pourrait gagner en popularité si la prime était plus réactive. C’est pourquoi, il prône pour l’introduction d’une prime bénéficiaire intermédiaire. Ce concept innovant s’inspire des pratiques financières, notamment des dividendes intermédiaires versés aux actionnaires avant la clôture de l’exercice fiscal. « Solvay le fait en Belgique, Louis Vuitton le fait en France à chaque entreprise peut le faire». Yves Stox explique que cette prime permettrait aux entreprises de distribuer une partie des bénéfices à leurs employés au cours de l’année fiscale, plutôt qu’attendre la fin de l’exercice. Et en effet ce mécanisme présente plusieurs avantages stratégiques. En versant une prime bénéficiaire intermédiaire, une entreprise peut renforcer l’engagement et la motivation de ses employés en les associant directement aux performances actuelles de l’entreprise. C’est aussi un moyen d’améliorer la gestion de la trésorerie de l’entreprise en répartissant les paiements tout au long de l’année.

Cependant, cette pratique pourrait aussi apporter des complexités supplémentaires. Par exemple, les entreprises doivent s’assurer qu’elles disposent de suffisamment de liquidités pour verser ces primes sans mettre en péril leur santé financière à long terme. De plus, les primes intermédiaires nécessitent une gestion comptable plus fine, car elles doivent être intégrées dans les prévisions financières annuelles et peuvent impacter les décisions d’investissement.

Toujours selon Yves Stox il est important que la prime bénéficiaire intermédiaire soit soigneusement calibrée pour ne pas créer de tensions entre les employés et les actionnaires. En effet, si les actionnaires perçoivent que les employés reçoivent une part trop importante des bénéfices, cela pourrait créer des frictions. Il est donc essentiel que les entreprises qui envisagent cette approche équilibrent soigneusement les intérêts des deux parties.

Montant maximum
La prime bénéficiaire peut atteindre jusqu’à 30 % de la masse salariale totale brute de l’entreprise. Son montant médian est de 1900 euros. Mais comme le plafond est surtout théorique, cela peut monter beaucoup plus haut. Contrairement à la CCT90 qui est elle plafonné à 4.000 euros.

La question de la rémunération variable

Le gouvernement devrait se pencher sur la rémunération variable, en particulier sur la place du bonus non récurrent prévu par la CCT 90. Il serait pertinent de simplifier la procédure, souvent perçue comme trop complexe et contrôlée de manière excessive par les autorités. Une vision plus claire, transparente et moins bureaucratique pourrait bénéficier tant aux entreprises qu’aux travailleurs. De plus, il serait utile de revoir d’autres mécanismes comme les warrants ou la prime bénéficiaire, en les intégrant dans une approche plus cohérente et efficace pour encourager la participation des travailleurs aux bénéfices.

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