L’Agence mondiale antidopage signera dans quelques semaines un accord avec les poids lourds de l’industrie pharmaceutique, accord censé lui permettre de rattraper plus facilement les tricheurs pensant avoir une “molécule d’avance” sur les contrôles.
Fin juin ou début juillet, l’Agence mondiale antidopage (AMA) paraphera un accord cadre à Genève avec l’Association de l’industrie pharmaceutique (IFPMA), qui regroupe tous les grands noms mondiaux du médicament, de Bayer à Roche en passant par GlaxoSmithKline, Bristol-Myers Squibb, Novartis, Sanofi-Aventis, Pfizer ou encore Merck.
Objectif de cet accord : “Que les industriels deviennent des partenaires actifs, car ce sont eux les mieux placés pour connaître les molécules des substances et être à même d’identifier de façon très précoce celles qui ont un potentiel dopant, argumente Olivier Rabin, directeur scientifique de l’AMA, issu lui-même de cette industrie. D’autres accords avec l’industrie pharmaceutique seront signés de façon plus individuelle. Nous avons établi, avec l’une d’elles en particulier, un mode opératoire, avec toujours l’objectif d’amener la détection de ces substances très en amont.”
Si l’idée d’associer les fabricants de médicaments à la lutte antidopage peut paraître évidente, cette collaboration ne l’a jamais été dans les faits, à quelques exceptions près, ne serait-ce que pour des raisons de confidentialité des brevets. Dans les années 1990, les experts de l’antidopage étaient traités le plus souvent avec condescendance par ceux qu’ils tentaient d’approcher. Les mentalités ont évolué depuis l’épisode du Cera en 2008, l’EPO (érythropoïétine) de troisième génération utilisée lors du Tour de France et des jeux Olympiques de Pékin par des sportifs qui croyaient l’hormone indétectable.
Commercialisé au printemps 2008 par les laboratoires Roche, ce traitement contre l’anémie et l’insuffisance rénale avait attiré l’attention des autorités antidopage dès les essais cliniques en 2004, alors que des rumeurs faisaient état de fuites dans le milieu sportif. Alerté, le groupe suisse avait accepté de collaborer, ce qui avait permis de travailler sur un test de détection. Le Comité international olympique (CIO) a aujourd’hui des informations laissant supposer que le Cera était déjà utilisé au moment des Jeux d’hiver de 2006, et a décidé de soumettre entre 30 et 40 tests de Turin à de nouvelles analyses dans les prochains mois.
“Nous sommes tout à fait conscients que c’était avant la commercialisation de cette substance, souligne Olivier Rabin. C’est là que la collaboration avec les industriels pharmaceutiques, mais aussi Interpol, nous permettra d’être beaucoup plus efficaces sur ces molécules en développement.”
Outre les industriels pharmaceutiques, l’AMA mène des discussions avec le secteur des biotechnologies mais vise aussi les agences du médicament, autre maillon-clé de la chaîne du médicament. “Si des industriels oubliaient de nous approcher ou n’avaient tout simplement pas identifié le potentiel dopant d’une molécule, on aurait ainsi un deuxième niveau d’alerte au moment de la certification, avant la mise sur le marché”, conclut le directeur scientifique.
Trends.be, avec Belga