Prix plafond et massification du modèle, la recette du succès des prix cassés de Primark
Des pulls à 16 euros, des chemises à 12 euros ou encore des jeans à 25 euros… Difficile, aujourd’hui, de faire mieux que Primark dans l’industrie du textile. Basée sur un business du volume et de très faibles marges, l’enseigne irlandaise de prêt-à-porter n’investit pas dans le marketing. Zoom sur cette entreprise qui rappelle les discounters alimentaires et cause bien des soucis à ses concurrents.
“Nous avons réalisé une très bonne année”, se réjouit Paul Marchant, CEO de l’enseigne de prêt-à-porter Primark. Malgré la crise du pouvoir d’achat, une concurrence exacerbée par l’arrivée de plateformes chinoises et un secteur du textile en déclin, l’entreprise irlandaise se porte bien. “Primark a réalisé une bonne croissance de ses ventes cette année et je suis particulièrement satisfait de la reprise significative de sa marge”, complète George Weston, directeur général de l’Association British Food (ABF), à qui appartient la chaîne de magasins de vêtements.
Primark est un ovni dans le portefeuille d’ABF : seule entreprise textile parmi les entreprises agroalimentaires qui constituent sa principale activité. Les ventes de Primark ont été “excellentes au vu des circonstances”, rapporte d’ailleurs le directeur général du groupe. Et c’est vrai que lorsqu’on se promène dans les rues commerçantes de Dublin, peu de boutiques sont aussi fréquentées que celles de Penneys (“centimes”), nom originel de l’enseigne sur son marché domestique. “L’Irlande est le bassin historique de Primark et de son fondateur Arthur Ryan, sourit Paul Marchant. Je n’oserais pas renommer l’enseigne ici par peur d’une révolution.”
Partout ailleurs dans le monde, le discounter irlandais s’appelle Primark. En réalité, le discret fondateur décédé en 2019 souhaitait éviter les problèmes juridiques avec la chaîne américaine JC Penney, très présente en Angleterre à l’époque. Aujourd’hui, Primark a largement dépassé les frontières irlandaises. Depuis 15 ans, le nombre de points de vente a plus que doublé en Europe, mais aussi aux États-Unis avec ses 27 boutiques. Rien que cette année, la marque a ouvert 22 nouveaux magasins et s’est installée en Hongrie.
La localisation avant tout
L’enseigne dispose au total de 453 magasins dans 17 pays à travers le monde. Son objectif ? Atteindre les 530 succursales d’ici la fin de l’année 2026 grâce à l’ouverture de nouveaux marchés, comme le Moyen-Orient. “Nous sommes leader en Irlande, au Royaume-Uni, en Espagne et au Portugal”, précise Lisa Shannon, directrice retail de Primark. En Belgique, la chaîne compte huit magasins, bien répartis sur le territoire : trois en Wallonie (Mons, Charleroi et Liège), trois en Flandre (Anvers, Gand et Hasselt) et deux à Bruxelles (chaussée d’Ixelles et rue Neuve).
Si le marché belge est important pour Primark, l’enseigne n’y nourrit pas de projets d’expansion sur le court terme. “L’objectif est de satisfaire nos clients dans les magasins existants, et chacun de nos magasins a encore un potentiel de croissance”, assure Olivier Crepin, directeur des ventes en Belgique. À noter qu’une boutique standard représente “entre 8 et 10 millions d’euros d’investissement”.
En moyenne, il faut compter trois ans pour ouvrir un magasin : la localisation et l’emplacement sont deux données essentielles pour Primark, qui mise sur le flux de clients. “Nous faisons très attention au loyer également”, prévient Lisa Shannon. À titre d’exemple, la chaîne pointe son tout nouveau magasin à Manhattan, aux États-Unis. “Les loyers y sont évidemment très élevés tout comme les coûts d’exploitation, mais l’emplacement est absolument idéal et permet d’attirer beaucoup de monde”, précise Paul Marchant.
Le modèle de Primark s’appuie sur de gros volumes et une faible marge. “Bien plus faible que les concurrents”, confirme Olivier Crepin. L’enseigne passe alors ses commandes 12 mois à l’avance auprès de ses 800 fournisseurs, situés majoritairement en Chine, au Bangladesh et en Inde. “Nous sommes donc en réalité très lents, loin des enseignes de fast fashion auxquelles on veut nous comparer”, assure Paul Marchant.
Positionnée sur la mode (femmes, hommes et enfants), mais aussi la décoration, le linge de la maison et la beauté, la marque applique une politique de réduction de ses coûts de production et de transport. Et pour produire à moindre coût, l’enseigne profite des périodes creuses de ses producteurs pour réaliser six vagues de commandes dans l’année sur des millions de pièces. Le tout est ensuite acheminé par bateau, rien par avion. “C’est une sérieuse économie”, confirme le responsable de l’enseigne.
Massification du modèle
À la différence de ses concurrents, Primark “n’est pas un leader de tendances”. L’enseigne s’appuie plutôt sur des essentiels : pulls ou chemises de couleur unie, sous-vêtements, chaussettes ou pyjamas. “Nous avons un business model unique dans l’industrie du textile”, pointe Olivier Crepin. La recette du succès Primark s’appuie sur un prix plancher, une marque attirante et une massification du modèle. La firme impose un nouveau barème de prix en baisse… d’environ 35% par rapport à son même univers de concurrence.
Toutefois, cette logistique est tellement bien huilée qu’elle ne laisse la place à aucun imprévu. Un exemple ? La collection Barbie, écoulée très rapidement sans aucun réassort possible. “Nous n’avions pas prévu un tel succès, admet Olivier Crepin. Nous avons vendu notre collection très rapidement. Bien sûr que nous aurions aimé avoir un assortiment supplémentaire, mais c’est le jeu, et l’important est que tout soit parti.” Autre fait surprenant : l’enseigne vend absolument tout ce qu’elle achète. Résultat ? Des coûts maîtrisés et un taux de retour d’à peine 6%, un record dans le secteur de la mode.
En magasin, c’est la frugalité qui prime : pas d’antivols sur les habits, pas de musique, pas de carte de fidélité, un packaging réduit à son strict minimum, etc. L’enseigne de prêt-à-porter excelle dans l’optimisation des coûts. Et son succès repose entièrement sur le bouche-à-oreille puisque Primark ne fait aucune publicité. “Nous n’investissons rien en marketing ni dans des contrats avec des égéries, et à peine avec des influenceurs”, précise Olivier Crepin. Et lorsque l’enseigne ouvre une boutique dans un centre commercial, la publicité est faite par ce dernier, ravi d’accueillir une marque qui attire les foules. “Lorsque nous nous installons quelque part, c’est 30% de fréquentation en plus pour les autres magasins”, assure le directeur Belgique.
“Lorsque nous nous installons quelque part, c’est 30% de fréquentation en plus pour les autres magasins.” – Olivier Crépin, directeur des ventes Belgique
Diversification des offres et services
Autre axe stratégique pour Primark : la diversification et l’élargissement de son offre. Depuis 2021, l’enseigne tente une légère montée en gamme, avec sa collection Edit pour les femmes et Kem Cetinay côté hommes. “Cette offre est plus sélective, avec des produits de meilleure qualité et des prix légèrement plus élevés”, ajoute Paul Marchant. L’enseigne a même noué un partenariat avec la chanteuse internationale Rita Ora, qui signe sa propre collection. “Le comportement d’achat évolue, confirme Olivier Crépin. Il y a quelques années, nous vendions beaucoup de costumes et cravates, par exemple. Mais aujourd’hui, la tendance est plus décontractée, nous avons donc réduit cette gamme, même si elle existe encore.” À noter : Primark ne pousse pas le stock dans les magasins, les directeurs des points de vente commandent leur propre stock. “Ils connaissent leur clientèle, la marque et le marché local, note Olivier Crépin. Cette autonomie est notre force, c’est vraiment le sens du commerce.”
À côté de son offre basique, Primark propose également des marques à licence : NBA, Disney ou encore Les Schtroumpfs en Belgique. Un win-win. Ces marques se vendent un peu plus cher, mais de façon tout à fait relative puisqu’il faut compter trois à quatre euros supplémentaires. “Ces produits fonctionnent extrêmement bien à Mons ou Charleroi, analyse Olivier Crepin. C’est, à mon sens, tout à fait sociologique. Ce sont des bassins où le pouvoir d’achat est plus faible, mais les consommateurs veulent tout de même acheter de la marque à un prix abordable.” L’enseigne se lance également dans des produits dits “de niche”, avec par exemple une offre de culottes menstruelles ou des soutiens-gorges adaptés aux opérations liées au cancer du sein. “Notre ambition est de rendre la mode inclusive, accessible et abordable”, ajoute Lisa Shannon.
En plus de son offre textile, Primark diversifie son offre de services en magasin : les beauty bars, les rayons cosmétiques ou vintage occupent ainsi un large espace dans le magasin de Dublin. Le système fonctionne par concession : des professionnels louent donc l’espace pour occuper le magasin. Mais pas la peine d’attendre cette offre chez nous. Pour Olivier Crepin, le coût du travail en Belgique est beaucoup trop élevé pour que cela puisse être rentable. “Cela diminuerait la rentabilité au mètre carré”, précise-t-il.
Ces extras sont une manière pour Primark d’attirer la clientèle en magasin : une stratégie bien rodée puisque l’entreprise ne propose pas de véritable canal e-commerce, juste un service “Click & Collect” cantonné au Royaume-Uni. “La livraison à domicile n’est pas rentable pour Primark”, assure le directeur des ventes en Belgique. “Mais nous essayons de générer du trafic avec notre site web, nos clients pouvant s’assurer de la disponibilité de nos produits dans chaque magasin.”
Grâce à sa stratégie bien à elle, qui lui permet d’optimiser ses coûts plus que jamais, rien ne semble faire peur à l’enseigne irlandaise de prêt-à-porter. Celle-ci fait figure d’exception dans une industrie textile qui souffre de la baisse du pouvoir d’achat et de la concurrence chinoise. Et la recette du succès Primark semble à ce point appliquée à la lettre partout où l’entreprise s’installe que son expansion n’est pas près de s’arrêter.
Camille Delannois, à Dublin
Prix bas et durabilité, incompatible ?
En matière de durabilité, Primark souffre d’une mauvaise réputation. Vendre des vêtements si peu cher n’incite pas à une consommation responsable. L’enseigne a aussi été épinglée dans le scandale du Rana Plaza, cet immeuble au Bangladesh qui abritait certains de ses fournisseurs et dont l’effondrement a fait plus de 1.000 morts.
Pour corriger le tir, elle a lancé Primark Cares, un programme qui vise à rendre les pratiques du groupe plus durables. “L’objectif consiste d’abord à passer de 25% de produits fabriqués soit à partir de matières durables, soit avec des matériaux recyclés, à 100% dans les 10 ans”, explique Lynne Walker, directrice de Primark Cares.
L’enseigne a également lancé le Primark Cotton Project, qui soutient les producteurs de coton en Inde, au Bangladesh et au Pakistan, en les aidant à adopter des pratiques agricoles utilisant moins d’eau, d’engrais chimiques et de pesticides. “Le Primark Cotton Project est essentiel pour nous, car le coton est la principale fibre naturelle utilisée dans nos vêtements et textiles”, précise Sheetal Nischal, senior manager du commerce éthique. “Aujourd’hui, 57% des articles en coton que nous vendons sont biologiques, recyclés ou issus du Primark Cotton Project.”
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici
Primark
-
Siège social:
Brussel
-
Secteur:
Kledingverkoop
-
Toegevoegde waarde:
65062245