Private equity : les hommes qui valaient 1.000 milliards

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Pierre-Henri Thomas
Pierre-Henri Thomas Journaliste

Un professeur d’Oxford lève un coin du voile sur les rémunérations de Blackstone, KKR, Bain, CVC…En 24 ans, les fonds de private equity ont touché plus de 1.000 milliards de dollars en « carried interests ».

Dans « private equity », il y a le mot « private ». Le monde des opérations sur des sociétés non cotées en Bourse est par définition moins transparent que celui des sociétés cotées. Ainsi, personne ne sait combien gagne vraiment les cadors du secteur qui ont pour nom Carlyle, KKR, CVC, Blackstone, Bain… et qui sont pour la plupart américains. Ou plutôt, personne ne savait.

Car une étude du professeur d’économie financière à l’Université d’Oxford Ludovic Phalippou lève un coin du voile  et ce que l’on aperçoit n’est pas triste.

Un rendement de 60%

En fait, au-delà des salaires et des primes, le montant des « carried interests », c’est-à-dire des commissions engrangées par les gérants de ces fonds sur les plus-values de cession qu’ils réalisent, ont totalisé plus de 1.000 milliards de dollars depuis l’an 2000; soit en moins de 25 ans. Ludovic Phalippou a examiné les données de près de 11.000 fonds de private equity, pour la plupart américains. Ces fonds ont drainé 8.000 milliards de dollars auprès des investisseurs, qui sont aux deux tiers en dehors des Etats-Unis, mais cet argent a surtout été investi aux Etats-Unis. Le professeur d’Oxford montre que sur ces 8.000 dollars, les fonds de private equity ont rendu aux investisseurs 12.800 dollars, mais ont gardé en commission plus de 1.000 milliards en « carried interests ».

En moyenne, peu importe leur taille, les fonds rendent donc 1,6 euros pour chaque euro investi. Les carried interests ne sont pas liés à la performance, constate Ludovic Phalippou,  mais tout simplement aux montants drainés par les fonds. C’est ainsi que les fonds les plus goulus sont les plus grands : Blackstone (33,6 milliards de carried interests), Carlyle (19,8 milliards) et CVC (17,9 milliards) occupent les trois marches du podium. Voilà qui explique aussi pourquoi quelqu’un comme Stephen Schwartzman, fondateur de Blackstone, a une fortune personnelle évaluée par Forbes à 77 milliards de dollars.

Une opportunité fiscale

Ludovic Phalippou explique que le véritable objectif de sa recherche (intitulée The Trillion Dollar Bonus of Private Capital Fund Managers, voir ici : https://transacted.io/new-research-from-university-of-oxfords-said-business-school-shows-trillion-dollar-carried-interest-in-private-equity/) « est de mettre en évidence l’ampleur du carried interest et de montrer aux décideurs politiques l’opportunité fiscale qu’il offre – si ces carried interests  n’étaient plus considérés comme des plus-values à long termes (assorties des taux d’impositions les plus bas) mais reclassifiés en revenus du travail (assortis de taux d’imposition plus élevés) ».

Voilà qui ne va pas améliorer les relations du professeur d’Oxford avec le private equity. Il avait déjà provoqué des réactions courroucées du secteur avec une étude précédente (An Inconvenient Fact: Private Equity Returns & The Billionaire Factory), qui arrivait à la conclusion que  les rendements des fonds de private equity – qui se targuent de réaliser des returns de 15 à 20% – ne sont, net de frais, pas plus élevés que ceux des investissements en bourse.

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