Coût élevé, sécheresse, taxes, pollutions : l’eau, auparavant abordable et abondante, est devenue une ressource à utiliser avec parcimonie et intelligence. Fondée il y a un an sur la base d’un projet réussi à la station Princesse Elisabeth en Antarctique, Revalio propose aux entreprises une approche holistique pour une gestion durable.
Ces dernières semaines, vu la sécheresse prononcée de notre printemps, la Flandre, via les gouverneurs provinciaux et Jo Brouns, le ministre flamand de l’Environnement (CD&V), a imposé des restrictions à l’utilisation de l’eau. La France a pris régulièrement le même genre d’arrêtés sécheresse ces dernières années. En 2024, un bon tiers des pays européens ont été affectés par cette sécheresse. L’eau, abondante, était utilisée auparavant de façon insouciante. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, même dans nos pays européens.
À côté des épisodes de sécheresse qui peuvent provoquer des baisses de production, les entreprises industrielles, grandes consommatrices (chimie, pharma, agroalimentaire, etc.), font face aujourd’hui, outre à la nécessité d’obtenir des permis d’environnement, à des coûts liés à l’eau de plus en plus importants : le prix du m³ ne cesse de grimper, tout comme les frais liés à l’épuration. Les eaux usées sont taxées par les Régions et la directive européenne sur l’épuration des eaux urbaines résiduelles va encore alourdir les charges dans certains secteurs. Il faut dire que l’industrie est responsable de quasiment la moitié de la consommation européenne d’eau, mais qu’elle en est aussi la plus grande pollueuse.
C’est dans ce contexte très tendu qu’intervient Revalio, une start-up avec des bureaux à Namur et à Watermael-Boitsfort. Elle a été fondée au printemps 2024 par Aymar de Lichtervelde, bioingénieur, Arnaud de Lhoneux, ingénieur électromécanicien et Louis De Muylder, diplômé en business management à la Bayes Business School de Londres. Leurs compétences et expériences différentes permettent de proposer aux entreprises une approche holistique dans la gestion durable de l’eau. À eux trois, ils combinent 20 ans d’expérience dans le traitement de l’eau, dans la gestion de projets hydroélectriques, dans la technologie et le business de ce qu’on appelle les utilities (eau, gaz et électricité) et dans la fabrication d’électrolyseurs pour la production d’hydrogène.
Revalio est ce qu’on appelle un “one-stop shop”, capable d’appréhender la problématique de l’eau sous tous ses aspects.
Antarctique
L’idée de départ repose sur l’expérience réussie d’Aymar de Lichtervelde au sein de la station Princesse Elisabeth en Antarctique. Il y a conçu un système unique qui repose sur une station d’épuration compacte installée dans la base.
“Avec un collègue de la Fondation polaire, j’ai corrigé le système qui avait été déployé à l’origine en 2009. Il ne marchait plus très bien et avait des soucis de capacité. Comme nous avons eu de bons résultats, nous avons été plus loin et avons mis point un nouveau système de gestion de l’eau encore plus efficace. Il était devenu nécessaire car, victime de son succès, la station accueille régulièrement une trentaine de personnes au lieu des 16 prévues initialement. Il fallait donc doper la capacité. C’est un système unique en Antarctique, puisqu’il parvient à traiter 100% des eaux noires et grises. On en réutilise 40% et on rejette 60% dans la nature. On rend ce qu’on a pris via la neige, si on veut. Nous ne rejetons pas là où nous prélevons. C’est aussi efficace sur le plan énergétique car faire fondre la neige est très énergivore. Si l’on excepte la gestion des eaux de pluie, la station regroupe, à elle seule, les quatre niveaux d’action que propose Revalio : monitoring et suivi des données, baisse de consommation et sauvegarde, traitement/assainissement et récupération. À titre d’exemple, dans la station, la consommation d’eau s’élève à 50 l par jour et par personne. C’est 120 l en Belgique.”
Lire aussi| L’eau sera-t-elle plus chère cet hiver ?
Revalio est ce qu’on appelle un one-stop-shop capable d’appréhender la problématique de l’eau sous tous ses aspects. En arrivant chez le client, elle réalise un bilan complet et analyse les possibilités d’optimisation de la consommation et de réduction des coûts ainsi que des risques opérationnels (pénurie, pollution, etc.). L’idée est de cocréer avec lui un projet qui fasse sens.
“Pendant environ trois semaines, nous analysons toute l’utilisation de l’eau, confie Arnaud de Lhoneux. Que ce soit pour le nettoyage, l’utilisation liée au personnel (toilettes, douches, etc.), la production de vapeur, le refroidissement, son apport dans le produit lui-même, etc. Nous visons à faire baisser la consommation, à réutiliser l’énergie produite, à traiter et réutiliser l’eau consommée, à récupérer les éventuels nutriments résiduels et à gérer l’eau de pluie. Nous analysons aussi les besoins réels. Toute l’eau nécessaire n’a pas besoin d’être potable et cela influe sur le coût. Le client choisit alors la solution qu’il juge la plus adéquate en termes de rapport coûts/gains. Par exemple, pour Delka, qui fabrique des sauces (mayonnaise, ketchup, etc.) pour la grande distribution, nous avons, entre autres, révolutionné le nettoyage, fondamental mais à fond perdu, des cuves. Les eaux, moins sales, des derniers rinçages sont récupérées pour le pré-rinçage. Nous leur faisons économiser 4.800 m³ par an avec un retour sur investissement en 18 mois.”
Une vingtaine de clients
Après un an d’existence, Revalio accompagne déjà une vingtaine d’industriels wallons dans les secteurs pharmaceutique, chimique, agroalimentaire et métallurgique. Et non des moindres : Aperam, qui produit de l’acier inoxydable, électrique et spécial dans deux usines en Belgique, Zoetis, le spécialiste de la pharmacie animale, Advachem, l’un des leaders européens des résines et des colles, Avient, un producteur de polymères et de colorants pour matières plastiques, la Biscuiterie Namuroise ou encore Vlevia, leader belge dans la transformation et la commercialisation de viande bovine en Belgique. Les gains en consommation sont énormes et les retours sur investissement rapides.
“Nous sommes désormais prêts à passer à la vitesse supérieure, sourit Louis De Muylder. Nous avons construit de solides fondations et il est temps de monter le premier étage. Le potentiel est énorme. Il y a 8.000 usines en Belgique qui ont besoin de solutions liées à l’eau. C’est une question de résilience et de compétitivité économique. Nous disposons de solutions pour tous les secteurs. Nous sommes désormais sept dans l’entreprise, dont trois ingénieurs indépendants qui travaillent par projet. Nous espérons atteindre 30 personnes dans les deux ans et 75 dans cinq ans. Et passer de 20 à 100 et 500 clients dans les mêmes intervalles. Nous aimerions aussi développer en Belgique notre propre laboratoire de recherches et de tests. Le but serait d’en faire un centre d’innovation dans le domaine de la revalorisation des eaux usées et du traitement des polluants émergents. Comme les Pfas dont on parle tant aujourd’hui.”