Premier profit pour Uber après 14 ans de pertes

Uber © Getty
Robert Van Apeldoorn
Robert Van Apeldoorn Journaliste Trends-Tendances

Uber annonce ses premiers bénéfices depuis sa naissance en 2009. Tant qu’il y a du financement, il n’est en effet pas forcément nécessaire de dégager des profits…

Surprenant, mais vrai: Uber n’avait jamais gagné d’argent depuis sa naissance. Il en a même perdu beaucoup tout au long de son existence. 31,5 milliards de dollars pour être précis.

Le 1er août, le groupe californien a pourtant annoncé son premier trimestre bénéficiaire (Q2, clôturé fin juin), avec un premier bénéfice opérationnel de 326 millions de dollars, contre une perte de 262 millions de dollars au premier trimestre, soit un milliard de plus que le Q2 2022.

«…nous ne gagnerons jamais d’argent »

« Pendant la majeure partie de notre histoire, la rentabilité n’est pas ce qui vient immédiatement à l’esprit lorsque vous posiez des questions à quelqu’un sur Uber », a reconnu le CEO d’Uber, Dara Khosrowshahi, lors d’une discussion avec des analystes. “En fait, de nombreux observateurs ont, au fil des ans, proclamé avec audace que nous ne gagnerons jamais d’argent.”

L’entreprise championne dans les autos avec chauffeurs et les livraisons de repas organisés via des applications n’a, il est vrai, jamais été très préoccupée par la rentabilité.  Elle a en cela toujours suivi la logique de la Silicon Valley. Là où les investisseurs acceptent de financer et renflouer en permanence une start-up « disruptive » pour qu’elle puisse conquérir une position inexpugnable sur son ou ses marchés, et mettre en difficulté ses concurrents.

Le financement d’années de pertes est donc courant dans la Silicon Valley. Amazon en était un bon exemple : le groupe créé en 1994 avait promis de ne pas gagner d’argent avant longtemps. En attendant, en Europe, nombre de concurrents d’Amazon se sont effondrés ou vivotent.

Une forme de subside privé

Cette approche place les start-up américaines en position de force, car elles peuvent développer des marchés et mettre en difficulté la concurrence, grâce aux fonds de venture capital géants comme Benchmark, Kleiner Perkins ou le japonais Softbank. Le résultat est là : en Europe, Uber et Amazon sont les champions de leurs marchés respectifs. Ce financement “patient” constitue quasiment une forme de subside privé. Les investisseurs peuvent espérer revendre leurs parts avec de belles plus-values, même si l’entreprise continue à perdre de l’argent, tant que sa croissance semble se maintenir et prospérer et attirer de nouveaux investisseurs.  Ainsi à l’IPO d’Uber en 2019, Jeff Bezos, fondateur d’Amazon, avait investi 37 millions de dollars en 2011, ses parts ont grimpé à une valorisation autour de 400 millions de dollars avec l’entrée en Bourse. Softbank a pu vendre avec plus-value ses titres.

La force de l’argent facile

“La disponibilité facile du capital au cours de la dernière décennie a masqué la mauvaise gestion de nombreuses entreprises”, reconnaît le CEO d’Uber, qui estime que cette remarque ne concerne pas son entreprise. Cette situation peut mener à des combats titanesques entre start-up hyper financées. Une bataille où seules les start-up aux poches les plus profondes peuvent espérer survivre. Avec des chutes spectaculaires à la clé. Comme en 2016 avec la faillite de la start-up belge Take it Easy spécialisé dans la livraison de repas. Les actionnaires ont coupé le robinet quand ils ont estimé que les concurrents (Uber Eats ou Delivroo) avaient bien plus d’argent à dilapider pour conquérir le marché.

La croissance plus importante que les bénéfices ?

Selon le site Crunchbase, Uber est parvenue à lever plus de 25 milliards de dollars de fonds au fil des levées organisées depuis sa naissance. En 2019 elle est entrée en Bourse, en commençant avec un recul du titre sous la valeur d’émission, 42 dollars. Son cours actuel se situe à peine au-dessus de ce niveau (autour de 46 dollars).

Uber reste pourtant une entreprise de croissance. Son chiffre de vente au deuxième trimestre 2023, 9,2 milliards de dollars, a augmenté de 14%. Le cours de bourse n’a pas salué ce premier bénéfice, car parmi les chiffres, celui des activités de transport de marchandises n’était pas bon.

Accueil boursier moyen

Si les principales activités mobilité (voitures avec chauffeurs, vélos, trottinettes partagés) et livraison de repas sont en forte croissance, la logistique  (Uber Freight) accuse un recul de 30%. Du coup le titre a baissé à l’annonce des résultats, l’annonce d’un premier bénéfice ne semble pas avoir eu d’impact.

Notons qu’Uber a déjà publié un bénéfice net, mais c’était dû à des effets de cession ou de réévaluation d’actifs. Le bénéfice opérationnel enregistré pour la première fois pour Q2 indique que l’activité était intrinsèquement rentable sur le trimestre.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content