Pratiques douteuses d’Uber à Bruxelles
Faire disparaître des données sensibles, acheter des manifestants, infiltrer l’administration, profiter de la violence, faire appel à des détectives privés… Pour faire son trou en Belgique, Uber n’a pas hésité à utiliser des pratiques douteuses, rapporte lundi Le Soir, sur base d’informations émanant du Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ), dont fait partie le quotidien au même titre que le journal De Tijd et l’hebdomadaire Knack.
Depuis 2014, la société américaine est implantée dans la capitale belge, non sans s’attirer par la même occasion les foudres de toute une série d’acteurs, à commencer par les taxis “traditionnels” qui crient à la concurrence déloyale.
Dans cette “guerre des taxis”, tous les coups étaient permis, révèle une nouvelle enquête du ICIJ qui s’appuie sur des données partagées avec le consortium par le Guardian, lequel a en effet pu mettre la main sur plus de 124.000 documents internes à l’entreprise technologique, qui datent des années 2013 à 2017.
Dans son article sorti lundi, Le Soir fait notamment référence à une descente de police menée à l’improviste dans les bureaux d’Uber, en face de la gare de Bruxelles-Midi, en mars 2015. Elle fait suite à une plainte pénale introduite par le gouvernement bruxellois, qui accuse Uber et son application UberPOP de violer la législation taxis de 1995.
Selon le quotidien, des échanges internes à la société font état du fait que le “kill switch” n’a pas pu être enclenché. Il s’agit d’une sorte de bouton d’alarme mis en place par Uber, qui permet de protéger toutes les données en les rendant inaccessibles.
Selon l’analyse de l’ICIJ, Uber a utilisé ce système a au moins douze reprises au cours de la période 2014-2015, notamment en France, aux Pays-Bas, en Inde, en Roumanie et en Hongrie.
Mais Uber dispose d’un plan B et décide de verrouiller les appareils avec Casper, un logiciel spécialisé dans le blocage des accès à distance. Le but étant clairement d’empêcher la justice d’accéder à des documents sensibles, selon le consortium.
Cette instruction judiciaire sur UberPOP a été clôturée en 2017. Selon le parquet de Bruxelles, le dossier a été transmis au tribunal de police francophone de Bruxelles, qui traitera l’affaire en septembre 2022. Le parquet de Bruxelles confirme aussi que “plusieurs autres dossiers sont en cours”, relatifs cette fois à UberX (sur le non-respect de licences LVC). L’auditorat du travail de Bruxelles enquête également sur les conditions d’emploi de certains livreurs de repas d’Uber Eats.
En 2015, Uber n’était cependant pas seulement dans le collimateur de la justice, mais également de l’Inspection spéciale des impôts. Des mails internes laissent en effet transparaitre qu’Uber a quelques doutes sur la légalité de sa structure fiscale (qui remonte jusqu’aux Bermudes). “Si les informations qui nous ont été fournies devaient être mises à la disposition des inspecteurs des impôts, nous estimons qu’il est probable que ces derniers considèrent qu’Uber a l’intention de frauder le fisc”, met en garde l’un des conseillers juridiques de la société dans un échange. L’entreprise craint également que le fisc ne mette la main sur le listing des chauffeurs, certains n’ayant pas le statut d’indépendant complémentaire ou ne déclarant pas les revenus générés par l’activité.
En parallèle, il ressort par ailleurs des données collectées par le Guardian qu’Uber recourt à la société Diligence USA, une sorte d’agence de détectives privés, laquelle a reçu pour mission, de la part de la société américaine, de collecter un maximum d’informations sur les Taxis Verts et les Taxis Bleus qui circulent à Bruxelles.