Lire la chronique d' Amid Faljaoui
Pénurie de personnel dans l’Horeca en Belgique : une bulle comme en Bourse ?
Je suis assez souvent au restaurant, et j’ai remarqué, comme la plupart d’entre vous, j’imagine, que le service s’est dégradé. Non seulement le personnel habituel n’est plus là, mais il y a beaucoup de nouvelles têtes très souvent inexpérimentées.
Le secteur de la restauration est en crise. En Belgique, tous les patrons d’établissements crient au secours, ils n’arrivent plus à recruter des personnes motivées. Et lorsqu’ils organisent des entretiens de recrutement, moins de 10% des personnes contactées viennent se présenter. Les patrons les plus virulents disent que le Belge et singulièrement les plus jeunes ne veulent plus travailler. D’autres estiment que le COVID a été un déclencheur : il a permis aux salariés du secteur de voir que la restauration avec ses horaires coupés n’était pas l’idéal pour avoir un équilibre vie privée-vie professionnelle. L’argument est aussi valable dans le secteur de l’hôtellerie bien entendu.
Mais plus globalement, ce que j’entends souvent, que ce soit auprès des patrons de grandes entreprises, de petites PME ou même de la part des politiques, c’est que le travail en soi n’est plus une motivation. Ce n’est plus un horizon désiré. Le citoyen chercherait à donner du sens à sa vie ailleurs qu’au boulot. Le mot carrière n’aurait donc plus la cote auprès des citoyens et des plus jeunes. Bref, nous serions entrés dans un Nouveau Monde où ce sont ces jeunes qui dictent leurs conditions aux employeurs. C’est déjà un peu le cas, les salaires sont plutôt en hausse même sans l’inflation, sans quoi il est impossible de trouver des candidats. Et la guerre des talents est une expression qu’on entend souvent en entreprise pour qualifier la situation actuelle.
C’est aussi cela le paradoxe, on nous parle de crise à venir, mais le taux de chômage est en baisse et des secteurs entiers sont en pénurie de main-d’oeuvre. Ce n’est donc pas exactement la définition de la crise.
Et si nous nous trompions ? A chaque fois qu’il y a un déséquilibre entre l’offre et la demande, au lieu de le constater, on préfère se dire qu’on est face à un Nouveau Monde. C’est la suggestion de Marc Fiorentino, l’auteur d’une lettre d’information financière quotidienne. Souvenez-vous, au début des années 2000, des sociétés sont valorisées plusieurs centaines de fois leurs pertes. Normal, c’est un Nouveau Monde. En réalité, c’était une bulle. Souvenez-vous, l’an dernier, des sociétés technologiques sans espoir de rentabilité devenaient des Licornes, donc ces sociétés à plus d’un milliard de dollars. On parlait aussi de Nouveau Monde, alors qu’encore une fois, c’était juste une bulle. Plus près de nous, on a vu des images de singes qui s’ennuyaient valoir des millions de dollars ? Là aussi, on nous baratine avec le Nouveau Monde, alors que c’est juste une nouvelle bulle, celle du Métavers et des NFT. D’ailleurs, dans la même veine, le Bitcoin à 69.000 dollars, c’était une bulle et pas un Nouveau Monde ou nouvelle monnaie.
En résumé, le marché du travail serait un marché comme un autre. Avec de l’offre et de la demande. Et ce marché est aujourd’hui déséquilibré, car il y a une forte demande et une faible offre du fait de la démission d’une partie de la population. Donc, plutôt que de dire que monde du travail a changé, que plus rien ne sera comme avant, Marc Fiorentino se pose la question de savoir si plus simplement le marché du travail n’est pas entré dans une bulle. Exactement comme la Bourse. Et que donc, comme en Bourse, la bulle finira par exploser et le pouvoir de négociation reviendra aux entreprises une fois que “les goulets d’étranglement post-covid disparaîtront. Et ils vont disparaître une fois que l’économie ralentira, et elle va ralentir” précise Marc Fiorentino. Si cette théorie est juste, cela veut dire que le marché de l’emploi va revenir à la situation précédente, celle qu’on pensait ne plus jamais connaître. Mais il faudra attendre que la bulle éclate.
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