“Nombre considérable de faillites dans un avenir proche” : la dette pèse de plus en plus sur les entreprises européennes

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Avec la hausse des taux d’intérêt, la dette devient une charge de plus en plus lourde pour les entreprises européennes, montre un rapport d’Allianz Trade. Mais surtout, elles sont encore loin d’être au bout de leurs peines puisqu’il y a peu de chances que la situation s’améliore dans l’immédiat. De quoi provoquer de nombreuses faillites.

Cela fait un an maintenant que la Banque centrale européenne (BCE) augmente les taux d’intérêt. Le but est de s’attaquer à l’inflation, en réduisant la demande, car l’argent, via les prêts, devient plus “cher”. Si l’inflation ralentit (en bonne partie aussi à cause de la baisse des prix de l’énergie), des effets secondaires commencent à apparaître – notamment du coté des bilans des entreprises.

Beaucoup d’entreprises sont effectivement face à un dilemme. Elles ont besoin d’argent frais pour continuer à croître et pour répondre aux défis actuels, mais les prêts commencent à avoir des impacts de plus en plus importants sur leur budget. “D’une part, bon nombre de transitions (électrification, numérisation, robotisation) supposent que les entreprises continuent d’investir pour rester compétitives. D’autre part, les marges s’amenuisent en raison de l’augmentation des coûts (salaires, énergie, intérêts)”, explique ainsi Johan Geeroms, Director Risk Underwriting Benelux chez Allianz Trade, dans un rapport.

Et d’ajouter : “Les entrepreneurs veulent à tout prix rester dans la course et ne pas prendre de retard, et sont prêts à s’endetter davantage à cet effet. Mais étant donné que la hausse des taux d’intérêt se poursuit, ils prennent coup sur coup, avec la conséquence que les PME les plus faibles se retrouvent dans l’incapacité de faire face à leurs obligations.”

Le poids de la dette

Dans son rapport, Allianz-Trade fait aussi une estimation de l’impact qu’auraient des taux directeurs encore plus élevés. Ainsi, si la BCE et la Banque d’Angleterre ajoutent 200 points de base à leurs taux (qui se situe à respectivement 3,50 – 4,25% et 5% aujourd’hui), une PME sur dix en France, 7% des entreprises allemandes et 18% des entreprises britanniques seraient en difficulté (quasi une sur cinq). La présidente de la BCE, Christine Lagarde, a d’ailleurs récemment indiqué que d’autres hausses des taux sont à prévoir. Mais il n’existe aucune certitude sur l’importance de cette hausse.

Le taux d’intérêt n’a pas qu’un effet direct. Il peut aussi toucher des entreprises par ricochet. “Au cours du seul premier trimestre, 11 distributeurs dans le secteur du commerce de détail réalisant un chiffre d’affaires annuel supérieur à 50 millions d’euros ont fait faillite en Europe. Ensemble, ils représentaient un chiffre d’affaires de 2,4 milliards d’euros. Lorsque de grandes entreprises chutent, cela a souvent de fortes répercussions sur tout un réseau de fournisseurs et d’acheteurs”, reprend Geeroms.

Autre problème lié aux taux plus élevés : alors que la hausse des taux est censée réduire la demande de prêts, la dette continue d’augmenter. En 2022, la dette nette des grandes entreprises a augmenté de 6,2%, note le rapport, citant le Corporate Debt Index annuel (indice de la dette des entreprises) du gestionnaire d’actifs Janus Henderson. “De nombreuses entreprises empruntent de l’argent pour refinancer leur dette actuelle. Il y a quelques années, emprunter de l’argent était encore pratiquement gratuit. Ce temps est révolu, de sorte que les anciennes dettes deviennent soudainement un boulet à traîner. Pour les entreprises déjà en difficulté, il devient de plus en plus difficile d’emprunter de l’argent”, explique Geeroms.

“Nombre considérable de faillites dans un avenir proche”

Voilà un cocktail dangereux pour les entreprises européennes. Avec de nombreuses incertitudes pour les mois à venir, puisque les risques ne devraient pas disparaître de sitôt. “L’équilibre est précaire et il suffit de très peu de choses pour qu’une régression importante se produise”, analyse Geeroms. Il s’attend à ce que la légère récession dans la zone euro se termine sans trop de dégâts. “Mais cela requiert une absence d’événements troubles ou d’actes irrationnels. Et les banques centrales ne devraient pas poursuivre exagérément leurs politiques restrictives”, selon l’expert.

Concernant ces politiques, Allianz s’attend à deux autres hausses. Mais il ne faudrait pas espérer une diminution des taux avant la moitié de l’année prochaine. Un délai qui devrait faire pas mal de dégâts dans de nombreuses entreprises, souligne Geeroms : “Le maintien de taux d’intérêt élevés entraînera un nombre considérable de faillites dans un avenir proche.” La balle est maintenant dans le camp de la BCE, qui se réunit la semaine prochaine.

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