NIO, la marque qui perd 35.000 dollars par voiture

© Reuters

NIO est une marque chinoise de voitures électriques qui aime se présenter comme le concurrent de Tesla. Elle investit massivement en recherche et développement, sauf qu’elle ne vend que 8000 voitures par mois. Les pertes astronomiques sont supportées par un soutien massif du gouvernement chinois.

NIO a depuis son lancement cherché à se démarquer en offrant des véhicules électriques de luxe (SUV urbains, berline…) truffés d’innovations technologiques. Mais aussi une véritable expérience client via tout un système de fidélisation via avantages et produits brandés qui crée un sentiment d’appartenance. Le succès sera toutefois limité puisque NIO n’aurait vendu « que » 364 579 exemplaires entre sa fondation, en 2014, et le 31 juillet 2023.

Ce qui n’a pas empêché la marque d’investir beaucoup dans la recherche et le développement. Pas moins de 11.000 personnes travailleraient à perfectionner les voitures électriques de la marque. Ils développent des accessoires de plus en plus high-tech et peaufinent la conduite autonome. NIO s’est même lancé dans le téléphone portable. Le spécialiste des véhicules électriques espère convaincre la moitié de ses acheteurs de s’équiper d’un smartphone de la marque et ainsi créer une meilleure expérience de mobilité intelligente. Elle a aussi massivement investi dans la robotisation de ses usines. Selon le New York Times dans une usine qui produit 300.000 moteurs par an, il ne serait plus que 30 techniciens.

L’un des aspects distinctifs de NIO est son système de batterie interchangeable. Un système qui permet aux automobilistes de changer la batterie de leur voiture  à une station de batterie NIO plutôt que de la recharger. A cela s’ajoute un écosystème de recharge intelligent qui réduit significativement le temps perdu durant l’opération.

Des coûts de recherche astronomiques et peu de bénéfices

Toute cette modernisation de la chaîne et les investissements en recherches ont cependant un coût. NIO aurait ainsi perdu 835 millions de dollars entre avril et juin. Un coût qui n’est certainement pas couvert par les ventes. NIO ne vendrait que 8.000 voitures par mois. Ce qui reviendrait, toujours selon le New York Times à une perte de 35.000 dollars par voiture vendue sur cette période, soit 33.243 euros. Pas de quoi inquiéter la marque cependant puisqu’elle bénéficie d’un inébranlable soutien des autorités chinoises. Ainsi en 2020, quand NIO était sur le point de manquer de liquidité, un gouvernement local va injecter 1 milliard de dollars et une banque, contrôlée par l’état, rajoutera 1,6 milliard supplémentaires.

Le 19 septembre dernier, l’entreprise a encore émis un milliard de dettes supplémentaires pour rembourser ses créances existantes. L’entreprise resterait donc un gouffre financier qui ne tiendrait que parce qu’elle est fortement subsidiée. La Chine a en effet utilisé de généreuses subventions publiques pour stimuler la production de voitures électriques. Les seules conditions pour en bénéficier sont que les voitures doivent être fabriquées en Chine et être équipées de batteries produites par des entreprises chinoises. Ce qui fait que la majorité des bénéfices de cette production reste sur le sol chinois.

Une enquête et des premières preuves

Des subsides qui agacent en Europe. Une Europe qui a, enfin, décidé de réagir. Comme l’indique la sortie du 13 septembre de la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen. “Les marchés mondiaux sont aujourd’hui inondés de voitures électriques chinoises bon marché, dont le prix est maintenu artificiellement bas par des subventions publiques massives”, avait-elle affirmé avant d’annoncé le lancement d’une enquête antisubventions.

L’enquête devra être achevée dans un délai maximum de 13 mois, précise l’avis d’ouverture de la procédure. A l’issue, l’UE pourrait décider de taxer les véhicules importés de Chine, au-delà des 10% actuels.

Ce mercredi 4 octobre, la Commission européenne révélait d’ailleurs les premières preuves qu’elle affirme détenir concernant les aides publiques illégales octroyées par Pékin aux constructeurs chinois de voitures électriques. Les pratiques identifiées peuvent prendre la forme de “transferts directs de fonds”, de “recettes publiques abandonnées” ou encore de “fourniture par les pouvoirs publics de biens ou de services” à des tarifs préférentiels, explique l’avis publié mercredi. En particulier, la Commission affirme avoir “trouvé des preuves de l’octroi de prêts, de crédits à l’exportation et de lignes de crédit fournis par des banques publiques”.

Des paroles en l’air ? Peut-être

L’Europe pourrait cependant renoncer aux sanctions, même en cas d’infraction avérée, “si elle estime ne pas y avoir intérêt”. Le sujet est géopolitiquement compliqué. “Si l’existence de subventions et d’un préjudice en résultant est établie, il sera déterminé (…) si l’institution de mesures compensatoires n’est pas contraire à l’intérêt de l’Union”, souligne à toutes fins utiles le document. Une nuance qui a son importance pour certains pays comme l’Allemagne. Ce pays se méfie en effet de toute éventuelle mesure. Et non sans raison, car l’industrie automobile allemande ne voudrait pas inutilement froisser la Chine où elle réalise 40% de son chiffre d’affaires mondial.

D’autant plus que Pékin a déjà prévenu que cette mesure “protectionniste” aura “un impact négatif sur les relations économiques” entre les deux blocs et qu’elle « perturbera sérieusement et déformera la chaîne d’approvisionnement de l’industrie automobile mondiale”. On pense directement aux batteries, mais aussi aux moteurs électriques et aux systèmes qui relient les batteries et les moteurs. Mais d’un autre côté la Chine construit frénétiquement des usines pour pratiquement tous les composants de voitures électriques. Ce qui crée une surcapacité qu’il faut bien écouler. Il en va de même pour certaines marques chinoises comme NIO. Cette dernière investit massivement dans la promotion en Allemagne et dans d’autres pays européens. Elle ne peut se passer des exportations. Elle doit vendre suffisamment de voitures pour justifier son énorme effort de recherche et d’investissement.

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