Medi-Market, le Decathlon de la parapharmacie?
Prix bas, choix des produits et conseils: voici les trois marqueurs du succès de l’entreprise créée il y a seulement huit ans. Une réussite qui justifie ses ambitions d’expansion, en Belgique comme à l’étranger. “On a bousculé les codes du secteur”, explique son CEO.
“On ne souhaite pas se substituer à la médecine mais on veut rendre la santé accessible au sens large”, explique d’emblée Cédric Antoine, CEO de Medi-Market. Démocratiser la santé, c’est donc l’objectif de l’enseigne belge de (para-)pharmacies qui, depuis sa création en 2014, ne cesse de grandir.
L’entreprise a signé une excellente année 2022 avec une progression de 30% de son chiffre d’affaires. “La crise sanitaire a remis la santé au centre des préoccupations des consommateurs qui ne font plus de concession”, rappelle le CEO, qui a succédé en 2021 au fondateur de la chaîne, Yvan Verougstraete. “La situation économique compliquée pour les ménages et la baisse de leur pouvoir d’achat ont eu un effet amplificateur, qui a renforcé notre position.”
Avec des prix bien plus favorables que dans les officines traditionnelles pour tous les produits OTC (over the counter, vendus sans ordonnance), Medi-Market est devenu un acteur de référence dans le métier de la santé et du bien-être, fréquenté par 1.400.000 ménages en Belgique. “On a bousculé les codes du secteur”, assure ce Français d’origine, qui a travaillé près de 20 ans pour le groupe Louis Delhaize.
Des produits moins chers
L’un des éléments qui fait le succès de Medi-Market, c’est incontestablement ses prix bas. En moyenne, les produits proposés par l’entreprise sont 20% moins chers que dans les pharmacies indépendantes. Le CEO parle de “prix juste”. “On ne veut pas pratiquer le prix le plus bas mais un prix accessible”, précise Cédric Antoine. En Belgique, les prix des médicaments sont réglementés par l’AFMPS, l’agence fédérale des médicaments et des produits de santé, qui propose un prix de référence. “Celui-ci était très peu remis en question, c’est là où Medi-Market a décidé de faire valoir l’idée de concurrence”, rappelle le CEO.
Bien sûr, comme pour les distributeurs alimentaires, Medi-Market doit négocier les prix avec ses fournisseurs. Mais si ceux-ci pouvaient se montrer à première vue réticents à l’idée de vendre à un prix inférieur, ils en sont sortis gagnants grâce à un plus grand volume écoulé. “La combinaison du prix bas et du large choix de référence a permis aux patients d’avoir accès à des produits qu’ils ne connaissaient pas ou qui étaient trop onéreux pour pouvoir se les procurer”, poursuit le CEO.
Si l’entreprise belge a réussi à séduire, c’est aussi grâce à son réseau de magasins, qu’elle continue de développer. Aujourd’hui, Medi-Market approche le cap des 100 points de vente en Belgique et au Luxembourg. “Nous avons prévu de dépasser ce chiffre grâce à de nouvelles ouvertures”, souligne Cédric Antoine. Pas moins de 12 sont prévues en 2023 (dix parapharmacies et deux pharmacies), soit deux fois plus qu’en 2022.
“Nous avons un certain rattrapage à effectuer en Flandre.”
Le CEO refuse de révéler leur localisation, préférant jouer la surprise, mais a quand même cité Lokeren, qui accueillera dès ce vendredi un nouveau point de vente Medi-Market, et Knokke, qui fera de même en juin. “Nous sommes très bien implantés à Bruxelles et en Wallonie mais avons un certain rattrapage à effectuer en Flandre”, concède-t-il. Medi-Market ne brille pas qu’en Belgique. En Italie, où l’entreprise est arrivée en 2019, c’est un doublement du portefeuille qui est annoncé. Le nombre de points de vente y passera de 14 parapharmacies (à Milan, Turin, Bologne, Parme, etc.) à 28.
Acteur de proximité
Centres commerciaux, parcs d’activité ou centres-villes: le groupe sait aussi adapter ses implantations en fonction de son environnement. “Chaque configuration est intéressante, cela permet de gagner en notoriété et de devenir un acteur de proximité”, poursuit le CEO. En 2022, le groupe a ainsi ouvert cinq parapharmacies dans des quartiers au profil très différent: au Westland Shopping d’Anderlecht nouvellement rénové, dans un parc d’activités à Ottignies, dans le quartier ucclois de La Bascule, à Gembloux ainsi que dans le shopping Belval Plaza au grand-duché de Luxembourg. Il a aussi ouvert une pharmacie dans le centre commercial Belle-Île à Liège.
Cette expansion n’a pourtant pas toujours été simple pour l’entreprise, qui a dû affronter l’hostilité de l’Ordre des pharmaciens, qui avait notamment introduit une action en cessation d’activité. Un combat juridique qui s’est conclu en 2019 par la condamnation de l’Ordre des pharmaciens par l’Autorité belge de la concurrence, justifiée par des entraves à la concurrence tarifaire et à l’innovation.
Le groupe atteint aujourd’hui 15% des parts du marché national. “La majorité reste couverte par les pharmacies. Mais en tant qu’acteur intégré, nous sommes numéro un du secteur”, analyse Cédric Antoine, qui rappelle combien les pharmacies drainent une patientèle spécifique.
Des différents types d’officines conçus par l’entreprise, à savoir pharmacies, parapharmacies et instituts de beauté, ce sont les secondes qui représentent la majorité du chiffre d’affaires de l’entreprise. D’abord parce qu’elles proposent davantage de références (environ 10.000) qu’une “simple” pharmacie, et sur un espace bien plus grand (400 m2 contre 80). Ensuite, parce que “l’agencement et la vente y sont différents: la parapharmacie encourage une vente en rayon alors que la pharmacie se concentre sur un comptoir”, explique le CEO. Mais la plupart du temps, les trois concepts cohabitent sur la même implantation, ce qui rend cette dernière d’autant “plus puissante et attractive”.
Intégrer la concurrence
Reste encore à pouvoir ouvrir… Avec un total de 4.656 pharmacies sur son territoire, la Belgique compte l’un des réseaux les plus denses d’Europe. Une surabondance qui justifie que l’installation de nouvelles officines ne soit autorisée qu’en fonction de critères géographiques et démographiques bien précis. Pour démarrer une affaire, un pharmacien est donc contraint aujourd’hui de racheter une adresse existante (et sa licence d’exploitation), quitte à la déplacer ensuite dans un lieu plus propice à son développement.
“C’est assez contraignant”, estime le CEO. La solution envisagée par Medi-Market pour encore s’étendre? Intégrer des pharmacies dans son réseau. “L’idée n’est donc pas de les remplacer mais de nouer des partenariats ou d’acquérir les numéros de pharmacies afin de proposer une solution sous forme de franchise.” A l’heure actuelle, l’entreprise compte déjà trois franchisés.
Cette solution permet également d’attirer les candidats entrepreneurs qui n’ont pas forcément vocation à tenir une officine. “Intégrer le groupe donne davantage de perspectives et permet d’évoluer à différents postes”, explique Cédric Antoine qui constate une pénurie de pharmaciens. “La concurrence avec les grands groupes pharmaceutiques est assez forte.” Medi-Market profite néanmoins d’une bonne image de marque et reste un employeur attractif. “En 2022, il y a eu près de 200 nouveaux engagements. Compte tenu de notre plan d’expansion, l’entreprise devrait rapidement atteindre les 1.000 personnes.”
Rentabilité du commerce en ligne
A noter que tous les employés travaillant dans les points de vente sont diplômés du secteur de la santé et du bien-être. “Qu’ils soient pharmaciens, nutritionnistes ou dans l’esthétique, ils connaissent leur métier”, s’enorgueillit le CEO, qui accorde une grande importance à la professionnalisation de son entreprise. “On veut devenir le Decathlon de la parapharmacie. Un large assortiment de choix, des prix bas et la passion des collaborateurs.”
Une offre qui passe en outre aussi par la vente à distance. Le CEO tient beaucoup à la relation client et à ses magasins physiques mais, en tant que fervent défenseur de l’e-commerce – il a créé le premier supermarché alimentaire 100% en ligne en Belgique lorsqu’il était directeur général exécutif de Cora Belux –, il travaille naturellement au bon développement de sa plateforme online. “Proposer une offre omnicanale est essentiel mais il faut le faire intelligemment”, précise Cédric Antoine. Pas question de développer un service “qui détruit de la valeur”. L’un des premiers défis du CEO en arrivant à son poste fut d’ailleurs de développer la partie back office du commerce en ligne afin de maîtriser la chaîne logistique en amont. Aujourd’hui, l’activité est devenue rentable, représentant 5% des ventes. “Et on compte encore l’augmenter”, conclut le CEO.
Pénurie de médicaments, comment anticiper?
En 2022, plus de 3.000 médicaments ont connu des problèmes d’approvisionnement en Belgique. “C’est un sujet de santé publique problématique, expose Cédric Antoine, CEO de Medi-Market. Garantir la présence de produits en magasins semble basique mais c’est très important, encore plus lorsque cela concerne des médicaments.” Plusieurs raisons expliquent ces tensions dans l’approvisionnement. Par exemple, la forte pression à la baisse sur les prix des médicaments, la libre circulation des marchandises en Europe et des normes de qualité élevées qui exigent un processus de production très complexe.
“Tout le monde a sa part de responsabilité”, analyse le CEO qui met en évidence tant des problèmes d’anticipation que des facteurs exogènes sur lesquels les entreprises n’ont aucune prise. Afin d’améliorer la supply chain, le groupe coopère avec les industriels, histoire d’anticiper ses besoins et de garantir la disponibilité des produits. “La démarche paraît évidente mais c’est une forme de coopération qui n’a pas toujours été naturelle”, précise Cédric Antoine.
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