Thierry Huet (biscuiterie Desobry) : « Envisager les communistes en 2024, c’est aberrant »

Thierry Huet - CHRISTOPHE KETELS - BELGAIMAGE
Baptiste Lambert

À quelques jours des élections, Trends-Tendances a interrogé une vingtaine de CEO, pour prendre le pouls des entreprises. Thierry Huet est le patron de la biscuiterie Desobry, une importante PME basée à Tournai. Cette entreprise wallonne a cette particularité de réaliser 80% de son chiffre d’affaires à l’étranger. Son principal marché est  l’Amérique du Nord.

« Avant 1989, j’ai été dans toute une série de pays d’Europe de l’Est. Il n’y avait rien. Nada. Maintenant, quand vous regardez le PIB par habitant, la Wallonie est en queue de peloton. Et heureusement qu’il y a le Brabant wallon. Dans ma province, le Hainaut, la situation est catastrophique. Un tel déclassement veut tout simplement dire que vous perdez des parts de marchés », commence Thierry Huet, qui n’a pas sa langue en poche. Selon les derniers chiffres de l’Iweps, qui valent pour 2022, le PIB par habitant wallon était de 30.700 euros, en dessous de la Lituanie, de la Slovénie et de la République tchèque. Le PIB par habitant du Hainaut se dégrade depuis 2011 et se situe à 74% de la moyenne européenne. Là où celui du Brabant wallon est à 152%.

Pour l’entrepreneur, passé par le géant américain Mars et concepteur du modèle Délitraiteur, la campagne électorale n’est pas du tout à la hauteur de ces enjeux « par méconnaissance de l’acte d’entreprendre ». « Vous seriez aux Pays-Bas ou dans un pays anglo-saxon, vous auriez un système d’alarme immédiat. Mais pas dans le monde latin. On croit que les entreprises seront toujours là, quoi qu’il arrive. »

Plutôt que de favoriser l’entreprise, on fait l’inverse, selon Thierry Huet. Par accommodement politique, alors que l’on connait les solutions depuis des décennies : « La Wallonie est pauvre, on est le dernier du peloton, et la seule chose que vous dites aux gens qui créent de la richesse, c’est que vous allez les taxer davantage. Vous pensez vraiment que vous allez attirer des investisseurs de cette façon ? Si on était riche et en tête de peloton, je pourrais encore l’envisager, mais pas dans notre situation… »

La priorité : l’autofinancement

Face aux incertitudes qui pèsent sur son secteur, après des années de crise (logistique, énergie, chocolat), l’entrepreneur estime que la priorité pour le prochain gouvernement est de recréer de l’investissement, en soutenant l’autofinancement des entreprises. « Oui, on peut trouver de l’argent public à gauche et à droite, mais ce n’est pas ce qu’on recherche. Quand vous faites l’addition de toutes les taxes liées à l’IPP, à l’ISOC et aux précomptes, la somme qu’il reste dans votre entreprise, c’est le cash flow. 72% de la génération de cash retourne à l’État. Et on nous parle d’encore augmenter les taxes… »

Selon le sexagénaire, le risque de délocalisation est réel. Pas à l’autre bout du monde, mais en Europe. « Sur 10 millions d’euros de cash, si je vais en Allemagne, j’en récupère 1 de plus. Si je vais en Pologne, j’en récupère 4. Ça n’a plus de sens de comparer l’écart salarial avec les pays voisins. La Pologne, c’est Bruxelles-Marseille », constate l’entrepreneur.

« Et si je mets en avant ces chiffres, pourquoi une entreprise exportatrice comme la mienne resterait en Belgique ? On doit nous rendre de l’autofinancement. Si on m’en redonne la moitié, et qu’on me demande de l’investir dans la transition environnementale, je le fais tout de suite ! »

Dans le cas contraire, Thierry Huet ne s’en cache plus, il mettra les voiles : « S’il y a un jour une coalition contre l’acte d’entreprendre, avec les communistes au pouvoir, j’ai un gros souci, c’est clair. Vous savez, j’ai vu les communistes derrière le mur de Berlin et le rideau de fer, je suis décontenancé que l’on puisse les envisager chez nous, en 2024. C’est fou. C’est aberrant ».

Le coup de gueule des patrons

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