Qui est Jay Graber, l’anti-Elon Musk, à la tête de Bluesky
À 33 ans, Jay Graber s’est imposée comme l’une des figures les plus marquantes du paysage numérique actuel.
À la tête de Bluesky, le réseau social qui se positionne comme une alternative décentralisée et open source à X (anciennement Twitter), Graber incarne tout ce que son concurrent Elon Musk n’est pas : discrète et résolument tournée vers une technologie au service de l’utilisateur.
Un parcours guidé par des valeurs fortes
Originaire de Tulsa, dans l’Oklahoma, Jay Graber, a pour prénom Lantian à l’état civil. C’est un prénom chinois qui signifie « ciel bleu » (blue sky) en mandarin. Si la similitude avec le nom de la plateforme est un hasard (il avait déjà été choisi avant sa venue), il reste un symbole de liberté qui résonne profondément dans sa trajectoire personnelle et professionnelle. Sa mère, acupunctrice, a grandi dans la Chine de la Révolution culturelle avant de s’exiler, tandis que son père, professeur de mathématiques, lui a transmis une rigueur intellectuelle.
Diplômée de l’Université de Pennsylvanie, Graber se passionne très tôt pour les cryptomonnaies et les questions de décentralisation. Cette orientation se confirme lors d’un stage en Chine où elle découvre le bitcoin, une technologie qui l’inspire pour créer une “banque” sans monnaie, fondée sur l’échange de services. Elle est également marquée par le mouvement Occupy Wall Street, qui l’amène à remettre en question les systèmes centralisés et à chercher des solutions technologiques alternatives. Ainsi encore adolescente elle va créer grâce à une bourse de 1 000 dollars une banque qui permet d’échanger des services sans utiliser de monnaie.
Une philosophie anti-monopole
Recrutée en 2019 par Jack Dorsey, alors PDG de Twitter, pour travailler sur un projet de réseau social décentralisé, elle pose une condition claire : Bluesky doit devenir une entité indépendante. En octobre 2022, l’arrivée d’Elon Musk à la tête de Twitter et son remaniement drastique confirment la pertinence de cette décision. Sous la direction de Graber, Bluesky se mue en une Public Benefit Corporation (PBC), structure hybride qui combine rentabilité et impact bénéfique sur la société.
Contrairement à X, Bluesky repose sur un logiciel open source permettant à ses utilisateurs de contribuer directement à son développement. Si le réseau social est encore loin des 400 millions de X, son modèle attire l’attention. Graber défend une vision où la technologie appartient à ses utilisateurs, et non à une élite économique ou idéologique. Son but ? « Construire un meilleur écosystème social pour tous », précisait-elle dans The Verge.
Une femme dans un univers masculin
Dans la Silicon Valley, où 89 % des postes de direction sont occupés par des hommes, Jay Graber fait figure d’exception. Avec son style calme et réfléchi, elle s’oppose au ton provocateur d’Elon Musk. Sa voix posée et ses connaissances pointues séduisent autant qu’elles inspirent confiance. Fidèle à ses convictions, Graber refuse de suivre les modèles économiques basés sur la publicité ciblée. Elle envisage plutôt des abonnements ou la commercialisation de technologies pour lutter contre les faux comptes.
Un leadership visionnaire
Jay Graber aime raconter que son livre préféré, enfant, était Robin des Bois. Une référence symbolique pour celle qui a pris les rênes de Bluesky avec l’ambition de « redistribuer le pouvoir aux utilisateurs ». Bluesky décrit son protocole de base comme une « boîte à outils accessible à tous pour construire des applications sociales capables de communiquer entre elles ». Comme elle aime à le dire, Bluesky est faite “par le peuple pour le peuple”. Son objectif est clair : construire un réseau social qui ouvre des perspectives infinies et échappe aux dérives des monopoles technologiques. En cas d’abus n’importe qui pourrait en théorie mettre en place une nouvelle plateforme basée sur le même logiciel.
Graber incarne ainsi une nouvelle génération de dirigeants, prônant un modèle économique et technologique éthique. À la tête de Bluesky, elle ne se contente pas de proposer une alternative à X. Elle redéfinit littéralement les règles du jeu des réseaux sociaux. Enfin c’est tout du moins l’idée. Pour certain Bluesky n’est que le next Twitter X.
En effet, bien que Bluesky repose sur une architecture décentralisée, la gestion des signalements et la décision de bloquer certains contenu relèvent toujours de l’équipe de modération. Par ailleurs, si les utilisateurs et utilisatrices disposent d’outils performants d’auto-modération, ils peuvent relativement facilement être détourné. D’autres experts relèvent également que les financements de ce réseau sont largement issus du monde des cryptoactifs. Un monde plus omnubilé par une maximisation des bénéfices que par le développement d’un réseau social open-source et interopérable.
Enfin, le succès grandissant de Bluesky a en effet attiré l’attention des autorités européennes. Des autorités qui s’interrogent sur plusieurs points. Selon le Financial Times, si Bluesky n’est pas encore obligé de suivre l’ensemble des directives liées au Digital Services Act (il faut 45 millions d’utilisateurs actifs pour cela), la plateforme va devoir rapidement se mettre en conformité sur certains points. Bluesky va ainsi devoir être plus transparent en Europe (notamment indiquer plus clairement son nombre d’utilisateurs) et nommer un représentant européen qui servira alors de point de contact avec la Commission européenne.
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