Pour s’éviter un destin à la Jack Ma d’Alibaba, le patron de Temu fait profil bas
Colin Huang, fondateur de la boutique en ligne Temu, est désormais l’homme le plus riche de Chine. Pourtant depuis 2021, cet entrepreneur de 44 ans fuit les projecteurs comme la peste. Une discrétion qui doit beaucoup aux relations tendues entre les milliardaires et le gouvernement chinois.
Colin Huang (Huang Zeng en chinois), le fondateur du groupe chinois PDD Holdings qui détient la populaire plateforme de e-commerce à prix cassés Temu, est la personne la plus riche de Chine, selon un classement des milliardaires publié par l’agence Bloomberg. Avec une fortune estimée à 48,6 milliards de dollars (44,5 milliards d’euros) il apparaît à la 25e place au niveau mondial. Colin Huang, 44 ans, devance désormais le roi de l’eau minérale Zhong Shanshan, qui était devenu en 2021 la plus grosse fortune de Chine, grâce à sa marque omniprésente Nongfu Spring.
A la troisième place, on retrouve le patron du géant de l’internet et des jeux vidéo Tencent, Ma Huateng, avec 42,4 milliards de dollars (38,8 milliards d’euros). Il est suivi de près (42,2 milliards de dollars) par le fondateur de ByteDance, Zhang Yiming, aujourd’hui en retrait du groupe qui possède notamment la populaire application TikTok.
La vague du très controversé Temu
PDD Holdings est la maison mère de Pinduoduo qui a fait des produits abordables à prix mini une spécialité depuis son lancement en Chine en 2015. Pinduoduo connaît dans son pays un succès grandissant au moment où les Chinois freinent leurs dépenses et se tournent vers les produits à petits prix, dans un contexte de ralentissement économique et de chômage élevé parmi les jeunes.
Pour le commerce international, le groupe possède Temu, une application distincte, qui rencontre un vif succès, mais est dans le collimateur de plusieurs pays pour ses pratiques commerciales. Des associations accusent l’application de manipuler les internautes en faisant par exemple augmenter secrètement les prix après qu’ils ont cliqué sur des produits. Les produits ne seraient pas non plus toujours aux normes de sécurité. Depuis mai, Temu figure sur la liste de l’Union européenne des très grandes plateformes du numérique soumises à des contrôles renforcés. En Chine aussi, le groupe subit quelques critiques. Les producteurs seraient exploités et certains des employés seraient soumis à des horaires de 72 heures semaines, ou plus.
Une ascension fulgurante
Malgré cela, le succès de Huang Zeng, aka Colin Huang, est fulgurant. Avec des parents qui travaillaient en usine, rien ne le destinait à un tel destin. Un prix en mathématique va lui permettre de rejoindre une prestigieuse école secondaire. Et à partir de là ce ne sera qu’une longue ascension. En 2002, il part aux États-Unis pour obtenir une maîtrise en informatique à l’Université du Wisconsin. Il effectue dans la foulée un stage chez Microsoft et décroche un emploi chez Google. Il y travaille sur les premiers algorithmes de recherche pour les boutiques en ligne. De quoi l’aider pour la suite. Google, cherchant à s’implanter en Chine, le missionne vers son pays natal. Il quittera l’entreprise trois ans plus tard, car selon ses dires, il était un peu écœuré par les salaires mirobolants. Il va créer plusieurs entreprises dès 2007 avec des succès variables. Mais ce n’est que la quatrième, Pinduoduo, qui va le propulser vers la stratosphère du business. L’idée lui est venue après un repos forcé dû à une grave infection à l’oreille. L’idée est de proposer des prix encore plus bas que Alibaba et consort en permettant aux consommateurs d’acheter en gros directement auprès des agriculteurs et des producteurs. Rapidement, Pinduoduo se met à vendre de tout et stimule l’envie d’achat avec des jeux. L’année dernière, la société mère de Pinduoduo et Temu a réalisé un chiffre d’affaires de près de 40 milliards d’euros, doublant ainsi par rapport à l’année précédente.
L’ombre de Jack Ma
Mais par étrange effet miroir, l’homme est aussi discret que son application Temu est tapageuse. Il semble même de plus en plus préférer l’ombre à la lumière. En 2021, s’il reste le principal actionnaire, il démissionne de son poste de dirigeant arguant qu’il souhaitait se consacrer aux sciences de la nutrition. Depuis rien de concret n’a été annoncé. Les anciens blogs de Huang ont été supprimés, et ses dernières interviews remontent à plusieurs années. Il aura probablement été influencé par le funeste destin de Jack Ma, l’excentrique personnage derrière Alibaba et AliExpress. Il a eu le mauvais goût de plaider ouvertement pour une plus grande liberté entrepreneuriale. L’ire des régulateurs financiers chinois va lui coûter cher. Aujourd’hui Alibaba n’est plus l’ombre de ce qu’elle a été et Jack Ma a pratiquement disparu de la vie publique. De quoi tuer toute velléité de panache. Tant, dans la Chine actuelle, un riche entrepreneur technologique a tout intérêt à faire profil bas.
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