Sébastien de Halleux: “Pas de place pour des projets moyens: je veux voir grand directement”
En discutant longuement avec le multi-entrepreneur, on comprend aussi mieux sa manière de penser. Voici quelques réflexions inspirantes, glanées lors de nos interviews, qui éclairent sur sa façon de voir l’entrepreneuriat et de poursuivre son objectif.
Le parcours de Sébastien de Halleux et ses différentes réussites ont de quoi inspirer. Il témoigne de nombreuses qualités essentielles à un entrepreneur pour atteindre le succès : avoir un côté visionnaire doublé d’une belle ambition pour laquelle on consacre son énergie et que l’on poursuit avec audace.
Refuser des contrats à plusieurs millions
Une des grandes difficultés dans l’entrepreneuriat… “c’est de dire non, admet le serial entrepreneur. Et cela a beaucoup de niveaux, notamment au niveau commercial. Chez Saildrone, j’ai souvent été amené à refuser des projets et deals amenés par des commerciaux: bien que rapportant de l’argent dans l’immédiat, ils n’allaient rien apporter pour le long terme de l’entreprise. Tous les deux mois, on refusait des contrats en millions de dollars parce que l’on travaillait sur de bien plus gros deals. On l’a fait parce qu’on voulait rester concentrés sur nos gros projets, notamment avec le gouvernement américain. Prendre ce type de décision n’est pas toujours simple ni facile à expliquer. Notamment auprès des commerciaux qui y voient une belle opportunité financière pour l’entreprise. Mais en tant que dirigeant, nous visions le long terme et le but ultime. C’est un problème classique de croissance : beaucoup d’entrepreneurs pensent qu’il faut commencer petit, avec des projets de petite envergure, prouver, puis croître et aller vers plus grand. Ma vision, c’est qu’il faut voir grand directement. Entreprendre, c’est du quitte ou double: je ne vois pas de place pour des projets moyens. Mieux vaut concentrer ses efforts sur sa North star et s’y consacrer pleinement que d’être distrait avec des coups financiers…”
Mais savoir dire non ne s’applique pas, pour Sébastien de Halleux, qu’aux contrats potentiels. La sélectivité se justifie également dans les développements en interne. Le succès des jeux chez Playfish vient aussi de là. “Nous avons toujours été stricts par rapport aux jeux que l’on sortait, se souvient l’entrepreneur. Et je pense que 90% des jeux n’ont… pas vu le jour. Il arrivait qu’on laisse travailler les équipes pendant six mois sur un jeu qu’on décidait de ne pas commercialiser, parce qu’il ne répondait pas aux critères souhaités. Et cela, tout en célébrant ce moment parce qu’on avait appris quelque chose. C’était un tri très agressif qui a permis à tous les jeux proposés au public de trouver le succès.”
Une entreprise globale
Après l’IPO de leur entreprise Macrospace devenue Glu Mobile, Sébastien de Halleux et ses associés ont décidé qu’ils ne se lanceraient plus depuis une seule localisation pour attaquer le monde entier. Avec Playfish, ils ont voulu se lancer, au jour 1, comme une “start-up globale” depuis plusieurs continents.
“Aujourd’hui, je pense qu’il n’y a plus aucune excuse de ne pas se lancer à l’échelle mondiale.”
“Pour Glu Mobile, on s’est rendu compte que nous avions attaqué le marché américain trop tardivement. Or, souvent, la vitesse compte sur des marchés comme celui du jeu vidéo. Au démarrage de Playfish, nous avions identifié un point susceptible nous freiner au moment de la croissance: le recrutement de talents dans le jeu vidéo. Pour l’anticiper, on a voulu avoir trois centres principaux, construits comme des entités indépendantes mais reliées qui seraient susceptibles d’attirer les bonnes personnes. Nous avons donc ouvert, dès le premier jour, des sociétés en Chine, aux Etats-Unis et en Europe. Cela nous permettait d’avoir des nœuds créatifs différents, de taille familiale et d’intéresser des talents différents. Nous avons pu le faire en tirant pleinement parti des technologies naissantes à l’époque : la voix sur IP, le cloud, etc. Cela nous a permis d’engager 300 personnes en 24 mois. Et d’attirer des fonds chinois et européens aux côtés des fonds américains. Cela nous a aussi permis d’être vus comme un succès local sur les différents marchés. Bien sûr, certains freins ont été liés à cette approche, notamment le fait, pour une même société, d’avoir trois comptes en banques répartis dans le monde à l’heure où il n’existait pas de banque globale. Il a fallu s’en sortir avec une gestion complexe du reporting, etc. N’empêche, cette structure de start-up globale nous a offert une vitesse d’exécution incroyable nous permettant de sortir 12 jeux en 24 mois seulement. Aujourd’hui, je pense qu’il n’y a plus aucune excuse de ne pas se lancer à l’échelle mondiale : les talents sont partout dans le monde, le marché est ouvert, la demande globale et les outils le permettent…”
Prendre des décisions difficiles
Audacieux, Sébastien de Halleux l’est dans ses ambitions et dans pas mal de ses décisions business. Il a aussi parfois dû l’être dans des décisions moins faciles, en période de crise. A la direction de Saildrone quand le covid est apparu, l’entrepreneur a, comme tout le monde, dû se poser pas mal de questions quant à la manière de gérer la situation.
“Je pense qu’il faut déterminer le but ultime du projet et comprendre la hiérarchie des priorités.”
“Même si, en tant que client du gouvernement américain, nous pouvions continuer à faire tourner l’usine de production des drones, la crise avait un impact significatif sur le business. A ce moment-là, nous n’étions pas en cash-flow positif et les perspectives qu’on nous laissait entrevoir n’étaient pas bonnes. On sentait que cela pouvait durer et avons donc pris une décision très radicale: celle de licencier, dès la deuxième semaine de crise, pas moins de 25% des effectifs. Ce fut l’une des décisions les plus difficiles à prendre (et à annoncer) de ma carrière… Nous avions pris une hypothèse agressive quant à la situation et avions poussé le scénario jusqu’au bout. Il fallait couper dans les coûts rapidement. On nous a dit que nous étions trop agressifs dans la décision alors que Saildrone fonctionnait bien, mais je suis convaincu que c’était le bon choix. Il fallait se mettre dans le camp de ceux qui survivraient car pas de futur sans survie. Je le vois comme de la bonne gestion. Le faire six mois plus tard, ce que beaucoup d’autres ont fait, aurait impliqué six mois de coûts supplémentaires. Au final, nous avons pu réembaucher une partie des équipes par la suite, et les autres ont retrouvé des jobs de qualité… Fondamentalement, je pense qu’il faut déterminer le but ultime du projet et comprendre la hiérarchie des priorités. Toutes les composantes du projets sont des points pour arriver au but.”
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