Nathalie Guillaume (Fevia) : “Si ça continue comme ça, il n’y aura plus d’industrie alimentaire en Belgique d’ici 20 ans”

Nathalie Guillaume, nouvelle présidente de Fevia

“Tous les indicateurs sont au rouge, il y a urgence”, déclare Nathalie Guillaume, nouvelle présidente de la Fevia, la fédération des entreprises alimentaires belges. La rentabilité a atteint un niveau historiquement bas “du jamais-vu.”

La nouvelle présidente de la Fevia n’aura pas beaucoup de temps pour se reposer. Nathalie Guillaume, qui succède à Anthony Botelberge à la tête de Fevia, va devoir relever de nombreux défis pour que l’industrie alimentaire belge sorte la tête de l’eau. Envolée des matières premières, production à la baisse et rentabilité à un prix plancher… le secteur ne se porte pas bien. Trends Tendances a rencontré la nouvelle présidente afin qu’elle nous expliquer ses priorités.

Trends Tendances : Le secteur de l’industrie alimentaire se porte si mal ?

Nathalie Guillaume : La situation est effectivement complexe pour diverses raisons. Par rapport à 2019, la marge opérationnelle a chuté d’un tiers, atteignant un niveau historiquement bas de seulement 2,32 %, soit une baisse de 36 % en trois ans.  Sans amélioration, il ne sera plus possible d’investir et certaines entreprises risquent de disparaître et cela aura des répercussions sur toute la chaîne alimentaire. Et la volatilité des prix des matières premières, repartis à la hausse cette année, met une pression supplémentaire sur la rentabilité.

TT : Comment abordez-vous ce mandat ?

NG : Je l’aborde en voyant bien sûr les challenges qui attendent nos entreprises, mais d’un autre côté, je l’aborde avec optimisme et espoir. On a vu dans les années de crise qu’à chaque fois l’industrie alimentaire et les entreprises alimentaires ont rebondi, ont su s’en sortir.

TT : Quels sont les principaux défis du secteur ?

NG : Le secteur, qui emploie plus de 100.000 personnes, fait face à un triple handicap, des coûts salariaux supérieurs de 25% à ceux des pays voisins, des factures d’électricité plus élevées et une pression fiscale plus forte. Et les coûts vont continuer à grimper avec l’indexation salariale de 3,57% en janvier 2025 et la hausse des tarifs de distribution d’énergie de 77% dans les prochaines années.

TT : La rentabilité a atteint un prix plancher, ça vous inquiète ?

NG : Oui c’est préoccupant et nous craignons que le plancher n’ait pas encore été atteint. Sans ça, nos entreprises ne peuvent plus investir dans l’innovations, la durabilité et les emplois…

TT : Avez-vous été consulté par le gouvernement fédéral en négociation ?

NG : Nous n’avons pas été consultés pour nous demander ce que nous pensions de telles ou telles mesures. Nous avons quelques demandes dont celles de maintenir le taux de TVA de 6% sur les produits alimentaires et de ne pas le porter à 9%, sous peine, à nouveau, de plomber l’attractivité des achats locaux. Mais aussi alléger la charge administrative de nos entreprises qui devient une véritable contrainte pour elles.

TT : Quelles seront vos priorités en tant que nouvelle présidente ?

NG : Il y a beaucoup à faire mais nous allons travailler à une roadmap du développement durable. Elle comprend de nombreux piliers comme la santé, la durabilité et l’emploi. Ce pilier santé est très important pour moi, nous sommes dans un pays ou une personne sur deux est en surpoids ou obèse, nous avons un rôle à jouer mais nous ne sommes pas les seuls, il faut allier toute la chaine alimentaire, distributeur inclus. Le deuxième challenge, c’est la transition verte et donc travailler avec nos entreprises à réduire et verduriser l’énergie, produit des emballages toujours plus recyclables et circulaires et enfin le pilier social qui est d’attirer et développer les talents dans nos entreprises.

TT : Aujourd’hui, une entreprise sur cinq n’est pas capable de produire à cause de la pénurie d’emploi, comment Fevia compte améliorer l’attractivité du secteur ?

NG : Beaucoup de choses sont faites, nous travaillons beaucoup avec les écoles notamment pour faire découvrir notre secteur. Il y a les visites d’entreprises, mais également des collaborations avec l’enseignement pour sensibiliser les plus jeunes. Nous avons aussi des concours à l’innovation qui débouche sur de belles histoires mais il faut surtout démontrer que l’industrie alimentaire est un secteur dynamique où les technologies sont très importantes.

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