Hermès au coude à coude avec LVMH: la revanche d’Axel Dumas, nouveau roi du luxe

Axel Dumas, Ceo d'Hermès © Zabulon Laurent/ABACA
Sebastien Marien Stagiair Data News 

Hermès est devenue l’entreprise de luxe la plus valorisée au monde, aux dépens de son rival éternel LVMH. Dire qu’il y a un peu plus de 10 ans, ce dernier avait tenté de racheter le fabricant de sacs à main. Portrait d’Axel Dumas, le CEO d’Hermès, qui peut désormais se qualifier de nouveau roi du luxe.

En ces temps hasardeux et difficiles sur le plan géopolitique, le secteur du luxe encaisse les coups tel un boxeur dans les cordes. Depuis la crise immobilière de 2021, le consommateur chinois n’ouvre que peu son portefeuille, et avec les droits de douane imposés par Donald Trump, des problèmes émergent aussi sur le marché américain. Sur le ring, une entreprise maîtrise l’art de l’absorption (technique qui consiste à accompagner le coup adverse pour annihiler son effet, ndlr) mieux que ses concurrentes.

Hermès, la maison parisienne d’accessoires de luxe, surtout connue pour ses sacs iconiques Birkin, a annoncé jeudi dernier, en même temps que ses résultats du premier trimestre, qu’elle allait “compenser intégralement” les droits d’importation américains de 10 %, en augmentant, à partir du 1er mai, ses prix de vente aux États-Unis pour tous les produits.

Pour son grand rival LVMH, des augmentations de prix sont plus compliquées à mettre en place. Contrairement à Hermès, le conglomérat qui chapeaute des marques comme Louis Vuitton et Dior possède, outre du luxe haut de gamme, des marques plus accessibles dans son portefeuille.

“Il y a des marques qui représentent le luxe haut de gamme, d’autres qui représentent le luxe moyen de gamme, explique Ken Van Weyenberg, gestionnaire de portefeuille chez Candriam. C’est surtout cette deuxième catégorie, avec des marques accessibles aux classes moyennes, qui est la plus affectée par les remous actuels. Les investisseurs doivent donc rechercher en priorité des marques qui peuvent constamment préserver leur exclusivité. Par exemple, en vendant leurs produits uniquement dans des magasins qui leur sont propres.”

“Contrairement aux marques de luxe moyen de gamme, les marques haut de gamme maintiennent leurs prix en période difficile, ce qui leur permet d’être constamment perçues comme exclusives.” – Ken Van Weyenberg, Candriam

Une rancune de plusieurs décennies

© Getty Images

Il est d’ailleurs significatif de constater, dans les chiffres du dernier trimestre, que la division la plus importante de LVMH, Mode et Maroquinerie, ait diminué de 5 % sur base annuelle. De son côté, Hermès a par contre vu sa division Maroquinerie croître de 10 %. Même si la croissance est restée légèrement en dessous des attentes des analystes, avec 7,2 %, la marque parisienne s’en sort mieux que ses concurrentes. Les prévisions de croissance sont, selon les analystes, également meilleures que celles de LVMH.

La semaine passée, mardi, cette dernière s’était même vue ravir par Hermès sa place de première capitalisation boursière du CAC 40, mais aussi de société de luxe la plus valorisée au monde. Un rang que le groupe cher à Bernard Arnault a retrouvé de justesse quelques jours plus tard, avant de le reperdre cette semaine.

“L’année 2025 commence de manière un peu chahutée, si on peut dire”, avait commenté, le même jour, la cinquième fortune mondiale, lors de l’assemblée générale des actionnaires de LVMH.

Dumas, le nouveau “roi du luxe”

Sous la direction d’Axel Dumas, CEO d’Hermès depuis 2014, l’exposition au marché chinois a été limitée. Hermès n’a ouvert qu’un seul magasin par an dans l’Empire du Milieu. De plus, la griffe a toujours misé sur l’artisanat et l’exclusivité. Les sacs à main sont fabriqués uniquement en séries limitées et l’accent est surtout mis sur les magasins propres d’Hermès. Ce qui n’empêche pas que les accessoires de la marque soient mis en ligne.

C’est là que la stratégie diffère clairement de celle de LVMH. De nombreux articles de luxe du conglomérat sont plus accessibles et sont régulièrement proposés avec de fortes réductions dans de grands magasins ou des enseignes multimarques.

“De manière générale, les ventes croissent dans ces magasins monomarque et les marques de luxe haut de gamme ont des acheteurs fidèles qui reviennent, détaille Ken Van Weyenberg. Contrairement aux marques de luxe moyen de gamme, elles maintiennent leurs prix en période difficile, ce qui fait qu’elles sont encore perçues comme exclusives par leur clientèle, forcément moins influencée par la conjoncture économique.”

La croissance d’Hermès, couplée au déclin de LVMH, doit se déguster avec saveur pour Axel Dumas et la famille Hermès. D’autant plus qu’en 2010, la marque de luxe n’avait pu repousser qu’à la dernière minute une offre publique d’achat hostile de LVMH. Depuis lors, selon Le Monde, Axel Dumas refuse de parler personnellement à Bernard Arnault.

Nouveau roi du luxe

Le CEO d’Hermès peut désormais se qualifier de nouveau roi du luxe, un titre dont il a dépossédé le patron de LVMH. Axel Dumas est un héritier de la sixième génération de Thierry Hermès, le sellier et créateur de mode qui a fondé l’entreprise en 1837. Pourtant, l’homme de 54 ans, n’a pas commencé sa carrière dans l’entreprise familiale. Son intérêt pour Friedrich Nietzsche et Arthur Schopenhauer l’a conduit à choisir des études de philosophie à Sciences Po, à Paris. Il y a également obtenu un master en droit.

Dumas dit n’avoir jamais ressenti de pression pour aller travailler chez Hermès, lui qui rêvait plutôt d’une vie en Chine. Après avoir obtenu son diplôme en 1995, il en a eu l’occasion puisqu’il a travaillé comme banquier dans une filiale de la banque d’investissement Paribas, à Pékin. Il y finançait des projets dans l’énergie, les transports et les matières premières. Après deux ans, le rêve chinois s’est terminé et le futur CEO d’Hermès est rentré à Paris, avant de traverser l’Atlantique pour travailler quatre années à New York.

Mais avant d’être le roi

Tout a changé en 2003, après le décès de sa mère, Michèle Dumas, qui occupait un poste de direction chez Hermès. Il a reçu un appel de son oncle, le CEO de l’époque Jean-Louis Dumas, qui voulait le faire venir chez Hermès. Axel Dumas avait déjà tissé un lien avec l’entreprise familiale les années précédentes. Selon la tradition, les jeunes membres de la famille Hermès doivent d’abord effectuer un stage avant de pouvoir travailler dans l’entreprise. C’est ainsi qu’Axel Dumas a fait de la couture. Il a accepté la demande de son oncle, à condition de ne pas recevoir un poste dans le département financier. Pourtant, sa première fonction dans l’entreprise du luxe fut auditeur financier.

En 2006, Axel Dumas est devenu directeur de la Bijouterie Hermès et en 2008, de la Maroquinerie, la plus grande division de l’entreprise. Il a tissé de bons liens au fil des années avec le nouveau CEO, Patrick Thomas, qui avait entre-temps succédé à son oncle. Celui qui devenait ainsi le premier PDG externe d’Hermès est devenu un mentor pour Axel Dumas. Patrick Thomas l’envoya d’ailleurs aux États-Unis, en 2010, pour qu’il suive une formation en business de deux mois, au sein de la prestigieuse université d’Harvard.

Une OPA hostile qui électrise les tensions

© AFP via Getty Images

C’est au cours du séjour de Dumas au pays de l’Oncle Sam, et alors que Patrick Thomas découvrait l’Auvergne à vélo pour ses vacances, que LVMH est passé à l’attaque. En octobre 2010, Bertrand Puech, président du conseil d’administration d’Hermès, reçoit un appel téléphonique de Bernard Arnault, le big boss de LVMH. Celui-ci lui annonçait que LVMH possédait 14,2 % des actions d’Hermès et proposait d’acheter les 73,4 % restants. Le même mois, Arnault portait sa participation à 23 %.

À l’annonce de cette nouvelle, Axel Dumas voulut rentrer à Paris avec le premier avion, mais Patrick Thomas insista pour qu’il termine sa formation. Le CEO d’Hermès rassembla les autres héritiers et en quelques semaines, il mit sur pied, avec cinquante membres de la famille, un holding dans lequel 54,3 % des actions furent consolidées. Tout héritier d’Hermès souhaitant vendre ses actions devait d’abord les proposer à la holding familiale. Pour gagner du temps et ralentir le processus d’acquisition, Hermès assigna son concurrent en justice. Elle accusa LVMH de communication mensongère concernant l’acquisition des actions Hermès et de délit d’initié. Hermès obtint gain de cause devant la justice et LVMH fut tenue de lui verser une indemnité de 8 millions d’euros.

L’entreprise de Bernard Arnault réduisit alors sa participation dans Hermès en 2014 et promit de ne plus acheter d’actions du fabricant de sacs à main pendant cinq ans. C’est au cours de la même année, et dès que la menace fut écartée, que Patrick Thomas passa le flambeau à Axel Dumas. Après huit ans, un membre de la famille reprenait la direction de l’entreprise…

Aujourd’hui, la famille Hermès détient 66,72 % des actions. Malgré les grandes attentes et une conjoncture toujours difficile, la stratégie d’Axel Dumas semble assurer un avenir radieux à l’entreprise iconique du luxe.

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