Elon Musk serait loin d’être le seul à se droguer dans la Silicon Valley

© isopix

LSD, cocaïne, ecstasy ou champignons psychédéliques. La révélation de la liste des substances prises par Elon Musk dans le Wall Street Journal donne le tournis. Elle inquiète, et surtout irrite, en interne. Mais elle n’a, semble-t-il, pas encore de conséquences directes sur ses entreprises. Il faut dire que, dans le Silicon Valley, Musk est loin d’être le seul.

Le Wall Street Journal vient de sortir une longue enquête sur la consommation de drogue d’Elon Musk. La liste des substances est longue. Celle des évènements où le patron apparaît dans un état second ne l’est pas moins. Au point qu’en interne on craint que le comportement et les excès d’Elon Musk ne finissent par faire dangereusement tanguer le navire. C’est déjà ce comportement erratique qui a poussé l’une des anciennes administratrices de Tesla, Linda Johnson Rice, à ne pas représenter au conseil d’administration de l’entreprise de voitures électriques en 2019.

Ainsi la consommation de substances illégales est une violation des lois fédérales (dans certains États). Leur usage au sein de l’entreprise, y compris par le patron, pourrait mettre en péril les 14 milliards de dollars de contrats signés entre SpaceX et le gouvernement américain. Une crainte encore renforcée par le fait que le règlement de la Nasa stipule que pour pouvoir collaborer avec elle, on doit signer la Drug-Free Workplace Act qui promeut l’absence totale de drogue dans les locaux et auprès de ses collaborateurs. Si les allégations de l’enquête s’avèrent vraies, cela place Musk en position délicate. Pour prouver sa bonne foi, un des avocats de Musk, Alex Spiro, précise que son client est « régulièrement et aléatoirement testé chez SpaceX et n’a jamais échoué à un test. » Musk a lui réagi à l’article en déclarant que le journal américain « n’était même pas digne de tapisser le fond de la cage d’un perroquet »  et précise  que “quoi que je fasse, je dois évidemment continuer à le faire ! »

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Plus ironique, on notera qu’il n’y a pas que chez SpaceX que la drogue est interdite. Le règlement de travail de Tesla stipule également que «les employés doivent se présenter au travail et effectuer leur tâche sans être sous l’influence de drogues illicites ou d’alcool. Sans exception.» 

Plusieurs comportements étranges

Le Wall Street Journal revient sur une présentation de 2017, au siège de SpaceX. Musk y arrive avec une heure de retard dans un état second. Elon Musk va divaguer pendant 15 minutes avant que Gwynne Shotwell, la présidente de SpaceX, ne le remplace au pied levé. En 2018, dans “The Joe Rogan Experience” une émission diffusée en direct sur internet, Elon Musk apparaît un joint de cannabis à la main. De quoi provoquer le courroux de la NASA qui exigera des assurances écrites que SpaceX se conformait à la loi fédérale, ainsi que des tests réguliers. Certains membres du conseil d’administration craignent aussi qu’il ne soit sous l’emprise de drogues lorsqu’il a tweeté en 2018 sur les plans de privatisation de Tesla. Le tweet a déclenché une enquête de la SEC pour déterminer si la déclaration était trompeuse ou fausse, et a entraîné l’accord de Musk pour se retirer du poste de président de Tesla pendant un certain temps. Le comportement de Musk peut néanmoins aussi être dû à son manque constant de sommeil. Rappelons qu’il dirige six entreprises(X, anciennement Twitter, son entreprise de construction de tunnels, The Boring Co, sa société d’implants cérébraux, Neuralink, et une nouvelle société d’intelligence artificielle, xAI. « Sa vie professionnelle empiète sur son temps personnel d’une manière peu commune, même pour d’autres chefs d’entreprise », précise encore le WSJ.

L’enquête du Wall Street Journal ne risque pourtant pas d’embarrasser durablement Elon Musk. Il est en effet loin d’être premier PDG à être discrédité aux États-Unis pour avoir consommé des drogues illégales. Ainsi selon une autre enquête parue cet été, Sergei Brin, le cofondateur de Google, aurait également recours de temps à autre aux champignons. Et, toujours cette enquête, il ne serait pas rare que des cadres de la tech se rendent à des soirées psychédéliques à la Silicon Valley, mais aussi à Miami et au Mexique. Des soirées avec des invités triés sur le volet et gardées confidentielles.

Microdosage n’est pas défonce

Sous couvert d’améliorer le processus de réflexion créative et la résolution des problèmes, ils sont nombreux à consommer des psychédéliques comme le LSD et les champignons « magiques ».Aidé en cela par le fait, qu’en Californie, les règles en matière de dépistage de drogues pour le personnel sont très souples.

Parmi les cadres supérieurs d’entreprises, on ne fait pas mystère de sa consommation occasionnelle de microdose de drogues illicites telles que le LSD, l’xtc et la kétamine. Soit une infime quantité de psychédélique intégré dans une gomme ou une pilule. Selon ses adeptes, ce microdosage n’a rien à voir avec de la défonce. Musk n’a d’ailleurs jamais caché être un consommateur régulier de microdose de kétamine, substance pour laquelle il dispose d’une ordonnance médicale pour soigner des syndromes dépressifs. En Californie, il y a même toute une industrie de start-up qui s’est développée autour de ce business. En Belgique aussi certaines se lancent sur le marché des psychédéliques microdosé.

Risque de banalisation et de dépendance

Pour le professeur de toxicologie Christophe Stove (UGent), l’effet du microdosage est néanmoins discutable. « Les études disponibles ne font apparaître aucune différence objectivement mesurable avec un placebo « , avance-t-il dans Het Nieuwsblad. Le Dr. Chris van der Linden, neurologue à l’hôpital St. Lucas de Gand a testé, de son côté, le microdosage et l’a trouvé « intéressant », tout en évoquant aussi, en partie, un effet placebo. Le vrai risque derrière ces microdosages est surtout d’utiliser les avantages thérapeutiques potentiels de ces drogues pour justifier leur usage récréatif. En promouvant l’idée que les psychédéliques ont des valeurs positives, cela va pousser certain à moins faire attention à leur consommation. Il passe du microdosage à une dose plus classique. Poussant certain à devenir dépendant. C’est ce qui est arrivé à Tony Hsieh, l’ancien directeur général de Zappos, qui est décédé à la fin de 2020, selon le WSJ.

Plus facile pour un PDG

Un phénomène renforcé par le fait que  les PDG peuvent cacher plus facilement leur dépendance que les employés ordinaires grâce à des horaires plus flexibles. A ceci près que leur comportement a aussi plus de conséquences directes sur l’entreprise. Par ailleurs les membres du conseil d’administration craignent aussi d’être tenus légalement responsables des activités illégales de leur PDG expérimentateur de drogues. D’autant plus que ces drogues sont le plus souvent fournies par des trafiquants de drogue. Ainsi, toujours selon le WSJ, l’un des dealers les plus connus de la Silicon Valley, est “Costco”, du même nom qu’un supermarché américain qui fournit de grandes quantités à prix réduit.

Jamais viré, ou presque

La drogue étant fortement dédiabolisée, les cas de licenciements pour consommation de drogue sont rares dans la Silicon Valley. L’un des seuls est Justin Zhu, le patron de la start-up Iterable. Il a avoué avoir consommé des microdoses de LSD en 2019, sur les conseils d’un autre entrepreneur, et a été licencié par le conseil d’administration deux ans plus tard. Le licenciement de Zhu a été motivé par des violations du “manuel de l’employé, des politiques et des valeurs d’Iterable”, a écrit la société dans un courrier électronique adressé au personnel à l’époque.

Une chose qui ne risque pas d’arriver demain à Musk. Premièrement parce qu’il tient fermement ses CA. Et ensuite les révélations n’ont visiblement que peu choqué les actionnaires. Si certains s’attendaient à une chute des actions Tesla suite à la sortie de l’enquête, l’avenir leur a donné tort. Nulle question de chute lundi. On a plutôt assisté à une légère hausse.

Le microdosage, ses effets, son histoire

Les truffes ou « champignons magiques » contiennent des hallucinogènes, généralement de la psilocybine. Le « microdosage » consiste à prendre de très petites doses de cette substance à effet psychédélique, en suivant un protocole spécifique. Les études sur le microdosage dont celle récente du magazine de renom Nature montrent que la psilocybine améliore l’humeur et la concentration et réduit le stress et l’anxiété. Elle peut aussi augmenter la créativité et les performances athlétiques. Ses effets sont comparables au LSD pris en microdose.

La pratique est ancestrale. Il y a des milliers d’années, les premiers humains chasseurs-cueilleurs consommaient déjà ce type de plantes pour se donner un petit boost. Elles ont ensuite été diabolisées dans les sixties par le président américain de l’époque. Nixon se sentant menacé par la culture hippie a décidé de rendre illégale une longue liste de drogues, dont le LSD. Un an plus tard, sous la pression des États-Unis, les Nations Unies ont rédigé la « Convention sur les substances psychotropes » rendant toutes les autres substances psychédéliques illégales dans la plupart des pays du monde et mettant un terme à toutes les études scientifiques pendant environ 30 ans. Aujourd’hui, on assiste à ce que l’on appelle la « Renaissance psychédélique ». Progressivement, la recherche scientifique sur ces substances prometteuses a gagné en attention et a explosé ces dernières années un peu partout dans le monde. La Psychedelic Society Belgium, plaide dans notre pays pour que l’utilisation de ces substances soit retirée du Code pénal belge afin de les exploiter en accompagnement thérapeutique.

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