Hajir Hajji remplissait autrefois les rayons. Elle est aujourd’hui PDG d’Action, l’une des chaînes de magasins à la croissance la plus rapide d’Europe.
Alors que l’activité mondiale ralentit, Action, le discounter néerlandais, enregistre des performances spectaculaires. Sous la direction de Hajir Hajji, l’enseigne a généré 7,3 milliards d’euros de chiffre d’affaires au premier semestre 2025, une croissance de près de 18 % par rapport à l’an dernier. L’ouverture de 125 nouveaux magasins durant cette période permet à Action d’atteindre 3.043 points de vente répartis dans 13 pays européens.
Croissance spectaculaire
L’expansion est donc le premier moteur de cette progression : trois nouveaux magasins par jour en moyenne cette année, plus un effet like-for-like, avec une croissance organique de 6,8 % dans les boutiques existantes.
Pour célébrer l’ouverture du 3.000ᵉ magasin (le 5 juin en Italie), Action a versé une prime exceptionnelle (jusqu’à 300 € net) à une partie de ses employés. Une initiative qui a entraîné une charge unique de 26 millions d’euros, mais sans compromettre la rentabilité : l’EBITDA a grimpé à 980 millions €, contre 843 millions l’année précédente. Et si le bénéfice progresse, c’est avant tout grâce à la montée en puissance du groupe. “En grandissant, nous gagnons en efficacité”, souligne la direction.
L’ouverture de nouveaux centres de distribution, rendue possible par l’extension du réseau de magasins, permet notamment d’optimiser la logistique : les camions parcourent désormais moins de kilomètres pour approvisionner les points de vente. Depuis le rachat du groupe par le fonds britannique 3i en 2011, la valorisation de l’entreprise a explosé et vaudrait 29 milliards d’euros aujourd’hui, contre environ 500 millions à l’acquisition.
La preuve que des produits bon marché peuvent rapporter gros. “De nombreux concurrents ont sous-estimé Action. Ils pensaient que l’enseigne ne vendait que des babioles”, observe Carsten Kortum, expert en distribution dans le Knack. Désormais, même les spécialistes s’accordent à dire que le rapport qualité-prix proposé est bien supérieur à ce que l’on imaginait.
L’ascension fulgurante d’Hajir Hajji
Et derrière tout cela, on retrouve un parcours hors norme. Celui de Hajir Hajji. Elle débute chez Action en 1997, à 17 ans, comme vendeuse et caissière à Amsterdam. Elle gravit ensuite tous les échelons : assistante manager, manager, directrice régionale, puis, en 2011, directrice des ventes, avant d’être nommée CEO début 2022.
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Hajir Hajji (44 ans) dirige son entreprise de plusieurs milliards d’euros avec sobriété et proximité. Elle n’a pas de bureau attitré, visite quotidiennement les magasins et y achète des produits comme n’importe quel client. Elle s’impose aussi une discipline de fer puisqu’elle commence chaque journée à 4h30 par de la méditation. Une façon de s’assurer des matins sereins pour celle qui a connu trois braquages à main armée à ses débuts, dont un durant lequel elle est rouée de coups et un autre où elle est menacée avec une arme à feu.
Décisions audacieuses en période de crise
Pendant la crise du Covid‑19, alors qu’elle était encore directrice commerciale, Hajir Hajji prend une mesure controversée, mais décisive : les fournisseurs sont désormais payés à 90 jours au lieu de 60. Une décision qui préserve la trésorerie et stabilise la chaîne. Elle a également exploité la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine : en profitant des délais imposés aux producteurs chinois pour vendre aux États-Unis, Action a obtenu des conditions avantageuses pour importer à bas prix vers l’Europe, renforçant sa stratégie de bas prix.
Une PDG discrète
Née à Amsterdam de parents marocains, elle pratique sa foi selon ses propres termes : elle respecte le jeûne du Ramadan, mais ne porte pas de voile et fréquente rarement la mosquée. Elle vit à Hoofddorp, avec son mari et ses trois enfants. Sa fortune personnelle est estimée à environ 5 millions d’euros.
Puissante, celle qui dirige une entreprise de 80.000 employés n’en apprécie pas moins la discrétion. Elle n’accorde que rarement des interviews et n’aime pas les artifices.
En attendant, d’après ses propres chiffres, Action accueille chaque semaine 18,7 millions de clients, ce qui correspond à une moyenne de plus de 1.000 visiteurs par jour et par magasin. Contrairement aux clichés, la clientèle de l’enseigne ne se limite pas aux foyers à faibles revenus. En réalité, 40 % des clients ont un revenu élevé, tandis que les 60 % restants se répartissent équitablement entre catégories à revenus faibles et moyens. Près de la moitié de la clientèle a plus de 50 ans, et un quart a moins de 35 ans. Cette clientèle diversifiée, à la fois stable et intergénérationnelle, assure à Action une solide résistance en période de turbulences économiques, un avantage envié par de nombreuses enseignes du secteur.
Les origines modestes d’un géant du discount
Lorsque Hajir Hajji évoque les fondateurs d’Action, Gerard Deen et Rob Wagemaker, elle n’hésite pas à tracer un parallèle avec le mythe de Microsoft né dans un garage. En 1993, ces deux amis transforment leur petite boutique d’antiquités de 60 m² à Enkhuizen, dans le nord des Pays-Bas, en ce qui deviendra le tout premier magasin Action.
Le nom, choisi parce qu’il “sonnait international”, donne le ton.
Les débuts sont rudimentaires : les fondateurs approvisionnent eux-mêmes les magasins en circulant avec une remorque. Leur stratégie est simple, mais redoutablement efficace : copier le modèle discount des supermarchés, en achetant un assortiment réduit, mais en très gros volumes, pour tirer les prix vers le bas. Plus de trente ans plus tard, cet ADN reste intact.
Une règle d’or guide encore l’enseigne : deux tiers des produits en rayon doivent être vendus à moins de 2 euros. Le groupe adopte une approche inverse de celle de la grande distribution classique : il part du prix de vente cible pour déterminer le prix d’achat à respecter, là où les autres partent du coût de revient qu’ils multiplient pour fixer leur prix de vente.
