Combien gagne le CEO d’une entreprise cotée en bourse ?

Alain Mouton Journaliste chez Trends  

Les salaires des PDG d’entreprises européennes cotées en bourse ont fortement augmenté au cours des dix dernières années. Mais cette augmentation est bien plus limitée si elle est corrigée, entre autres, par l’inflation, selon les études salariales menée par la Vlerick Business School.  Les normes ESG ont également fondamentalement modifié la structure des rémunérations des cadres dirigeants ces dernières années.

Le salaire médian des dirigeants des entreprises européennes cotées en bourse – Royaume-Uni inclus – s’élevait l’année dernière à 3,8 millions d’euros. Il y a dix ans, ce montant était de 2,8 millions d’euros. Il s’agit du package total de rémunération, comprenant le salaire de base, les bonus à court terme et les incitations à long terme (Long Term Incentives – LTI), généralement sous forme d’actions. C’est ce qui ressort des chiffres collectés par l’Executive Remuneration Research Centre de la Vlerick Business School, dirigé par le professeur Xavier Baeten. La politique de rémunération des 600 plus grandes entreprises cotées en bourse en Europe, y compris des entreprises belges est passée sous la loupe.

+30% en 10 ans

“L’augmentation du package total de rémunération est frappante : +30 % en dix ans. Cela semble beaucoup à première vue”, déclare Xavier Baeten.”Mais il faut utiliser une bonne méthodologie pour expliquer cette évolution. Pour chaque pays, nous avons également pris en compte l’augmentation du coût de la vie.”

Ainsi, les rémunérations sont ajustées à l’inflation, et une analyse de régression basée sur les moyennes est appliquée. La taille et les performances des entreprises sont également prises en compte.

« C’est ainsi que l’on peut calculer la rémunération réelle des CEO.Il s’avère alors que le package total, en termes réels et corrigé de ces paramètres, est passé de 2,8 à 3,078 millions d’euros”, explique Xavier Baeten.”Un PDG d’une entreprise cotée en bourse ne gagne donc pas significativement plus qu’il y a dix ans. Pour la Belgique, nous n’avons des données complètes que depuis 2015, donc il faudra encore attendre pour une analyse de l’évolution spécifique à chaque pays.”

Plus de femmes

Qu’il y ait des différences nationales, cela va de soi. En Belgique, le salaire médian d’un PDG d’une entreprise cotée en bourse était de 3.066.938 euros l’année dernière. Au Royaume-Uni, le package total de rémunération équivaut à 4,5 millions d’euros, et en France et en Allemagne, à plus de 4,3 millions d’euros. Baeten : “La Belgique se situe traditionnellement en dessous du Royaume-Uni, de la France et de l’Allemagne. Cela est souvent lié à la taille des entreprises. Chez nous, elles sont un peu plus petites. »

En 2014, un conseil d’administration était composé en moyenne de 22 % de femmes, tandis qu’aujourd’hui, ce chiffre atteint 40 %.

La masse de données permet au Centre de recherche sur la rémunération des dirigeants de la Vlerick Business School d’examiner l’évolution d’autres paramètres. “Les quotas ont fait leur travail”, confirme Xavier Baeten. “Le nombre de femmes PDG a également plus que doublé, mais il n’atteint encore que 8 %.”

Il y a beaucoup moins de variation dans la répartition entre le salaire de base, les bonus à court terme et les incitations à long terme dans le package de rémunération total. En 2014, le salaire de base représentait 44 % du package salarial. En 2023, ce pourcentage est passé à 46%. Les bonus à court terme représentent depuis une décennie entre 26 et 29 % du package salarial. La part des incitations à long terme dans le package total oscille depuis un certain temps entre 30 et 33 %.

Critères non financiers

Ce qui a fondamentalement changé au cours de la dernière décennie, c’est l’utilisation d’indicateurs de performance clés non financiers ou de critères pour l’attribution des bonus et des incitations à long terme.

En 2014, 70 % des entreprises cotées en bourse appliquaient des critères non financiers pour un bonus. Aujourd’hui, c’est 90 %. Le nombre d’entreprises utilisant des critères non financiers pour l’attribution des incitations à long terme est passé de 16 % à 64 %.Leur poids dans les bonus d’une année reste constant, entre 20 et 30 %. La part de ces critères dans les incitations à long terme a considérablement augmenté ces dernières années, passant de presque 0 à 20 %.

L’explication principale est l’importance des critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance). Le respect des normes environnementales, des critères socio-sociétaux et des normes de bonne gouvernance d’entreprise est de plus en plus pris en compte dans un package de rémunération. En 2014, 38 % des entreprises utilisaient ces normes pour déterminer les bonus sur une année. Aujourd’hui, c’est 83 % des entreprises cotées.

ESG: la Belgique à la traîne

Pour l’attribution des incitations à long terme, plus de 60 % des entreprises appliquent des objectifs ESG, contre 10 % en 2014. “L’ESG a significativement changé la structure de rémunération de la haute direction”, conclut Baeten. “L’étude est très détaillée. En 2014, seulement 2 à 3 % des entreprises prenaient en compte des normes écologiques dans la rémunération variable, aujourd’hui, c’est 43 %. Il s’agit principalement de limiter les émissions de CO2. On peut aussi voir cela comme un verre à moitié vide, car la moitié des PDG des 600 plus grandes entreprises cotées sont rémunérés sans indicateurs clés de performance environnementaux. D’autres critères pris en compte incluent la satisfaction des clients, les conditions de travail et, par exemple, la réduction des accidents du travail. Des facteurs comme la gestion des déchets et le gaspillage de l’eau pèsent moins lourd.”

La Belgique est à la traîne dans l’intégration des critères de durabilité dans la rémunération des PDG. Prenons la rémunération à court terme, le bonus classique. Dans 35 % des 600 plus grandes entreprises européennes cotées, les normes climatiques sont prises en compte pour déterminer ce bonus. Cela ne concerne que 8 % des entreprises belges cotées.

En 2014, seulement 2 à 3 % des entreprises prenaient en compte des normes écologiques dans la rémunération variable, aujourd’hui, c’est 43 %.

Xavier Baeten ajoute une nuance : l’impact des critères ESG et la nécessité de rapporter à leur sujet atteignent peu à peu leurs limites. La Vlerick Business School a examiné l’évolution du score de durabilité au cours des dix dernières années. Alors que le score médian était de 55 en 2014, il est aujourd’hui de 63. Une augmentation, mais le score atteignait tout de même 68 en 2021.

Xavier Baeten analyse : “Cette augmentation est une bonne nouvelle, mais on constate aussi qu’un pic a été atteint en 2021. C’est une tendance générale. Selon moi, la période post-Covid a attiré davantage d’attention sur tout ce qui touche à la durabilité. En revanche, la situation économique incertaine qui a suivi a eu un effet freinant. La durabilité figure toujours à l’ordre du jour, mais de manière moins marqué. Nous devons continuer à encourager les entreprises à adopter des pratiques durables. Seulement, les implications financières deviennent désormais claires, et il faut aussi prendre en compte la situation géopolitique.”

Lien entre le salaire et les performances de l’entreprise

Une nouveauté de cette étude est l’analyse du lien entre les packages de rémunération et les résultats des entreprises. “Les entreprises nous posent cette question depuis des années : y aurait-il un lien entre le package de rémunération et les résultats ?”, déclare Marthe Van Hove de la Vlerick Business School.

“Nous avons choisi d’étudier la corrélation entre le package salarial et le rendement pour les actionnaires.””C’est un critère pertinent, car les entreprises y accordent une attention particulière dans leur rapport annuel.”

Sur la base d’une analyse approfondie, les chercheurs ont classé les entreprises en trois zones. La zone verte signifie que la rémunération du PDG est alignée sur le rendement pour les actionnaires. Dans la zone rouge, on trouve les entreprises où la rémunération est trop élevée par rapport à ce rendement.

La zone jaune comprend, en revanche, les entreprises où le package de rémunération est trop bas. 47 % des entreprises se trouvent dans la zone verte, 29 % dans la zone rouge, et 24 % dans la zone jaune. En Belgique, 56 % des entreprises cotées se situent dans la zone verte saine, 28 % dans la rouge et 17 % dans la jaune.

“Nous avons également examiné ce que les entreprises peuvent faire pour aligner davantage la rémunération sur le rendement pour les actionnaires”, déclare Marthe Van Hove. “Par exemple, il est utile d’avoir un PDG issu en interne de la société, quelqu’un qui a progressé au sein de l’entreprise. Ils gagnent également moins que les PDG recrutés à l’extérieur. Les entreprises avec des systèmes de rémunération de la direction plus complexes ont moins de chances de se trouver dans la zone verte. Probablement aussi parce qu’il est plus difficile pour le conseil d’administration de faire le lien entre ce package complexe et la valeur pour les actionnaires.”

Les PDG des petites entreprises belges voient leur salaire diminuer.

Le package de rémunération médian des PDG des entreprises du Bel-20 a augmenté de 2,701 millions d’euros à 2,810 millions d’euros entre 2022 et 2023. Dans les entreprises du Bel-Mid, le package de rémunération total des PDG est passé de 868 303 euros en 2022 à 1,061 million d’euros. Dans les entreprises du Bel-Small, le package de rémunération est passé de 579 692 euros à 545 705 euros. Cette évolution est en cours depuis quelques années et représente en partie un rééquilibrage après les années Covid.

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