CFO of the Year: portraits des trois nominés

Trends-Tendances présente la 14ème édition du Trends CFO of the Year. Un prix qui récompense la performance d’un directeur financier. Qui sont les trois nominés?

Fabien De Jonge (CFE): “Un CFO doit savoir dire non”

Fabien De Jonge, rejoint le groupe CFE en 2002. “J’ai commencé par implémenter les premiers financements de partenariats public-privé et, très vite, j’ai rempli d’autres missions, parfois improbables, comme de devoir malheureusement finaliser la clôture de nos activités à Madagascar. J’ai aussi eu la chance, en 2004, de faire les audits d’acquisitions de BPC et BPI, qui étaient alors des filiales de Vinci, actionnaire de référence de CFE à cette époque.” Un projet marquant pour CFE à cette époque est le Liefkenshoek, le tunnel ferroviaire dans le port d’Anvers “dont le bouclage financier eut lieu début novembre 2008, en pleine tempête financière”, se souvient Fabien De Jonge.

Il devient CFO du groupe au début de l’année 2014, un moment charnière. Quelques jours auparavant, à la veille de Noël 2013, AvH devenait l’actionnaire de contrôle de CFE. Le nouveau CFO entreprend un grand travail de réorganisation juridique. “J’ai dû harmoniser le reporting, j’ai activement participé au recentrage de nos activités sur la Belgique, le Luxembourg, la Pologne et le Vietnam. Nous avons aussi filialisé les structures pour transformer CFE en un holding pur.”

Ces travaux de consolidation permettent d’envisager la scission de CFE et de DEME, sa filiale de dragage. L’opération est annoncée fin 2021 et réalisée au milieu de l’année 2022. “Cela restera une très grande transaction pour moi, dit Fabien De Jonge. Cela a été une gageure pour les équipes de CFE et de DEME de la réaliser en un laps de temps aussi court.”

“La diversification de nos activités et un bilan solide nous ont aidés.” – Fabien de Jonge

La vie n’est jamais un long fleuve tranquille et en 2022, la crise énergétique frappe violemment à la porte. “La hausse des taux, des coûts de construction et l’inflation ont compliqué les choses, admet Fabien De Jonge. Mais la diversification de nos activités et un bilan solide nous ont aidés.” CFE poursuit une politique financière prudente : le leverage est limité et des lignes de crédit “back-up” sont sécurisées. Ce qui n’empêche pas une rentabilité correcte. “Aujourd’hui, nos fonds propres atteignent 248 millions d’euros, avec un rendement de 10,1% malgré les turbulences.”

Comment Fabien De Jonge voit-il sa fonction ? “Un bon CFO doit être le sparring-partner du CEO et du comité exécutif, il doit être à l’écoute de ses équipes et savoir les faire grandir”. C’est aussi le “gardien du temple”, dit-il : “Il doit avoir l’esprit d’aider et de pousser les gens dans leur envie d’entreprendre. Mais il doit savoir dire non lorsque cela va trop loin.” (P.-H.T.)

Jean-Philippe Michaux (Puratos): “L’objectif est de performer également en durabilité”

“Un bon directeur financier doit être créatif et capable d’expliquer simplement les transactions les plus complexes. C’est aussi un business partner, quelqu’un à qui l’on demande ce qu’il pense de tel ou tel projet”, explique Jean-Philippe Michaux, CFO de Puratos. Il possède visiblement ces trois qualités, lui qui a rejoint Puratos en 2010, avant d’en devenir le directeur financier en 2014.

“La fonction dépasse la stricte gestion financière, explique-t-il. Je m’occupe du développement durable et je cumule aussi les responsabilités des départements IT, Legal, Tax, Transformation. Je joue aussi un rôle actif dans Sparkalis, notre fonds de venture capital dédié à l’innovation alimentaire qui investit chaque année, en moyenne, dans trois ou quatre start-up.

Puratos, groupe familial plus que centenaire spécialisé dans les ingrédients et les services pour l’industrie de la boulangerie, de la pâtisserie et du chocolat, a lancé en 2009 son plan “go five” : atteindre 5 milliards de chiffre d’affaires en 2030. Le groupe réalisait à l’époque moins d’un milliard. “L’entreprise est aujourd’hui en phase avec cette trajectoire (elle a atteint 3 milliards en 2023, ndlr), portée par une croissance moyenne annuelle de 8% (6% de croissance organique, 2% de croissance externe, ndlr), se réjouit Jean-Philippe Michaux. Nous ne voulons pas uniquement performer d’un point de vue financier, mais aussi en durabilité, poursuit-il. Le management et tous nos collègues sont mesurés sur ce double objectif.”

Un CFO, c’est aussi un ‘business partner’ à qui l’on demande son avis sur tel ou tel projet.”- Jean-Philippe Michaux

Présent dans 84 pays et avec 75 usines, Puratos adapte ses produits aux marchés locaux et mise sur trois piliers : l’innovation (sur les 11.000 employés du groupe, 1.300 sont attachés à la R&D), la durabilité et la santé. “L’année passée, nous avons investi significativement dans ces trois domaines ainsi que dans la transformation digitale”, précise Jean-Philippe Michaux.

Le programme Cacao-Trace, initié il y a 10 ans, illustre cet engagement, ajoute-t-il. Il soutient 23.000 fermiers dans 10 pays, via des primes qualité et un “Chocolate Bonus” de 10 cents par kilo de chocolat Cacao-Trace vendu et qui est versé directement aux agriculteurs. Un programme qui améliore leurs revenus en échange d’une meilleure qualité du chocolat. Autre exemple inspirant : la création par Puratos d’écoles de boulangerie (il y en a 13 dans le monde pour 600 élèves) qui permettent à des jeunes, notamment en Inde, de trouver un travail et de sortir de l’extrême pauvreté. (P.-H.T.)

Davy Vreys (Brussels Airport Company): “Nous voulons principalement regarder vers l’avenir”

Après des études d’économie à la KULeuven, Davy Vreys a commencé sa carrière en 1998 chez le consultant PwC, dans le département audit. Il y est resté près de sept ans, jusqu’en 2004. “Je me concentrais principalement sur les grandes entreprises ayant une société mère aux États-Unis, comme Caterpillar et Ford, par exemple. Ce qui me manquait chez PwC, c’était l’autre côté de la table. Vous êtes un conseiller, alors que moi je voulais prendre les rênes.”

Davy Vreys a ensuite été engagé par British Telecom, avant de rejoindre, en 2015, ISS Facility Services. Dans les deux cas, il a occupé des fonctions de responsable financier. À l’hiver 2017, Brussels Airport Company prend contact avec lui. “Une entreprise très intéressante. L’aéroport de Zaventem est, après le port d’Anvers, le plus grand moteur de croissance de la Belgique. Il génère 30.000 emplois directs et 34.000 emplois indirects. Avant, j’avais toujours été CFO en charge d’un pays ou d’une région, avec toujours quelqu’un au-dessus de moi. Les contacts directs avec les actionnaires et les négociations directes avec les banques se faisaient au niveau du groupe. Chez Brussels Airport Company, j’ai eu l’opportunité d’intervenir à ce niveau.”

D’une équipe principalement financière, nous évoluons vers de véritables partenaires commerciaux.” – Davy Vreys

Puis est arrivé le 13 mars 2020, synonyme de lockdown et de mise à l’arrêt quasi complet des activités de la société aéroportuaire, et de la société tout court, avant un redémarrage très progressif. Brussels Airport Company n’est d’ailleurs pas encore complètement sorti de la crise. Si le nombre de passagers a augmenté de 5% en 2024, atteignant 23,6 millions, on reste cependant en-dessous des chiffres de l’année record de 2019, avec 26,4 millions de passagers. Pendant la pandémie, Brussels Airport Company a élaboré une nouvelle stratégie nommée “Shift 2027”, dont le CFO avait la responsabilité. Elle repose sur trois grands axes : être neutre en CO2 à partir de 2030, diversifier les sources de revenus (via l’immobilier et le fret, notamment) et améliorer les connexions intermodales.

Davy Vreys dirige un comité de gestion financière composé de quatre personnes. Au total, 65 personnes travaillent au sein des départements des finances et des achats. “Brussels Airport Company a refinancé la totalité de sa dette au cours des sept dernières années. De plus, nous devons simplifier les choses et les processus en interne. Depuis l’été 2023, nous avons mis en place un nouveau système ERP, avec le fournisseur SAP. Nous sommes maintenant dans la deuxième phase, la facturation, qui doit être terminée en janvier 2026. Enfin, d’une équipe principalement financière, avec des tâches de contrôle, nous évoluons vers de véritables partenaires commerciaux. Nous voulons regarder 30% en arrière et 70% vers l’avenir.” (W.R.)

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