CF’Hope of the Year: portraits des trois nominés

Pierre-Henri Thomas
Pierre-Henri Thomas Journaliste

Trends-Tendances présente le prix du CF’Hope de l’année, qui sera décerné à un jeune directeur financier prometteur travaillant dans une PME. Qui sont les trois nominés?

Mehdi Benzine (Everland):”Accueillir l’audace et la traduire dans un cadre financier solide”

Mehdi Benzine fait ses premiers pas dans le secteur immobilier en 2008, auprès d’un jeune groupe hôtelier où “il s’agissait ni plus ni moins de bâtir les fondations de leur gestion financière”, explique-t-il. Il met en place le reporting, le contrôle budgétaire, le recrutement des équipes, gère les acquisitions, les ventes d’actifs, les rénovations et développe un pilotage financier innovant.

En 2013, il est approché par les frères Haïm, entrepreneurs londoniens, pour prendre la direction financière d’un nouveau groupe hôtelier : Everland. Leur ambition ? S’implanter durablement sur le marché belge, avec des projets à la fois originaux et ambitieux. “Everland fonctionne comme un family office. Notre vision est marquée par l’audace et l’innovation, deux moteurs qui demandent un cadre financier précis pour pouvoir se déployer pleinement”, précise Mehdi Benzine. Le groupe veut se distinguer par une approche originale d’acquisition, soutenue par des analyses poussées et des montages financiers solides. L’un de leurs derniers projets, le Château de Limelette, illustre cette philosophie qui consiste à avoir un positionnement sur mesure pour chaque actif.

“Nous avons été parmi les précurseurs en Belgique, en proposant différents modèles d’investissement inédits, dont celui permettant à des particuliers d’acquérir des chambres d’hôtel, exploitées ensuite par le groupe avec un rendement fixe garanti, explique Mehdi Benzine. Ces approches nous ont permis de financer d’importants travaux de rénovation, de récolter une plus-value, tout en générant une rentabilité d’exploitation. Cela nous a aussi valu la confiance d’importants fonds d’investissement avec qui nous collaborons depuis des années, et d’avoir pu surmonter les périodes successives d’attentats et de pandémie”.

Le CFO d’Everland a misé très tôt sur les outils numériques pour libérer les équipes des tâches répétitives et favoriser leur montée en compétence. “Nous sommes fiers que nos résultats aient servi de business case pour d’autres groupes, qui nous ont d’ailleurs sollicité pour la gestion de leurs actifs. Notamment au sein de grandes capitales européennes telles que Paris, Rome, Amsterdam, Berlin ou Londres.”

Il ajoute : “Il ne faut jamais rien considérer comme acquis. Il faut accueillir l’audace, tout en veillant à lui offrir un cadre financier structurant ; mériter la confiance des investisseurs, des actionnaires… et le respect des collaborateurs.”

Xavier Deedene (Gantrex): “Un bon CFO doit être pragmatique, pas dogmatique”

Voilà bientôt six ans que Xavier Deedene a posé ses valises chez Gantrex, l’entreprise d’ingénierie nivelloise spécialisée dans les rails de grue et de ponts roulants, rachetée par le fonds Argos en 2015. Gantrex a ainsi produit les rails du toit rétractable du court central de Roland-Garros.

D’abord auditeur chez Deloitte, puis directeur financier d’une business unit du groupe Five, ce financier d’origine française arrive donc à Nivelles en 2019. “Ce qui m’a attiré, explique-t-il. C’est à la fois la similarité des problématiques sur lesquelles j’avais acquis une expertise dans le groupe Five – gestion de filiales à l’international, gestion d’un département financier d’un groupe constitué de PME – mais aussi le fait d’avoir tous les leviers d’action en main”.

Il ajoute apprécier la structure “agile” du groupe, où les décisions sont rapides et les résultats visibles immédiatement. “Je suis un peu le bras droit du CEO, et nous prenons beaucoup de décisions en commun. Nous nous voyons chaque semaine, et nous discutons de tous les sujets.”

Xavier Deedene a donc accompagné l’évolution de l’entreprise, qui est passée d’un chiffre d’affaires de 96 millions d’euros et 10 millions d’Ebitda en 2019 à 128 millions et 18 millions en 2024. Et cela en encaissant entretemps le choc du covid.

Ces dernières années, parmi les réalisations marquantes au niveau financier, Xavier Deedene cite d’abord la gestion du risque de crédit et des termes de paiement. “Nous avons mis en place une sorte de petite grille d’analyse des projets en cours et des offres pour éviter de signer des projets toxiques, avec des termes de paiement insoutenables ou trop risqués. Cela a inversé la tendance d’un groupe qui peinait à convertir ses résultats en cash, améliorant sa trésorerie. Un autre chantier majeur est l’implémentation de Microsoft Dynamics 365, visant à standardiser les processus dans toutes les filiales d’ici deux-trois ans, un projet complexe mais porteur”, explique-t-il.

Pour lui, un bon CFO doit être “pragmatique, pas dogmatique. Si l’on regarde les benchmarks sans voir les gens, cela ne sert à rien, dit-il. Un CFO doit aussi être à l’écoute de son équipe et des autres départements, afin de bien pouvoir saisir leurs attentes et leurs besoins. La finance est une fonction de support. Le risque est de s’enfermer dans une tour d’ivoire, parce que nous avons les chiffres, que nous tenons les cordons de la bourse. Mais c’est dangereux”.

Florent Mohymont (DogChef): “Je suis fier d’avoir rendu DogChef rentable”

“Après mes études en sciences de gestion, j’ai débuté en 2016 chez EY comme auditeur junior, dans le pôle industrie, explique Florent Mohymont. J’y ai évolué jusqu’à devenir manager. Puis, j’ai eu envie de changer d’horizon.” C’est ainsi qu’il rejoint DogChef, le spécialiste de la nourriture pour chiens, au début 2022. “Juste avant mes 30 ans”, précise Florent Mohymont.

L’entreprise, qui avait réalisé une levée de fonds quelques mois auparavant, affiche un chiffre d’affaires de 8 millions d’euros. “L’objectif était de croître en Europe, notamment dans le Benelux et en France. Mais j’ai débarqué en pleine crise énergétique. Ça a été un baptême du feu : nos marges baissaient. Il a fallu augmenter les prix tout en pensant à l’impact sur nos clients.”

Mais Florent Mohymont a fait preuve de flexibilité. “En 2022, malgré les défis, nous avons presque doublé notre chiffre d’affaires, qui est passé à 15 millions, puis à plus de 18 millions en 2023, où nous avons réduit nos pertes pour atteindre la rentabilité en 2024, avec un chiffre d’affaires de 22 millions. Ce dont je suis le plus fier ? C’est d’avoir rendu Dogchef rentable. Nous avons analysé chaque ligne de coûts, optimisé nos investissements marketing, poursuit-il. Passer de 8 à 22 millions en trois ans, tout en devenant rentable, c’est une victoire collective”.

Florent Mohymont travaille avec une petite équipe – une comptable interne, une aide administrative et un cabinet externe, BDO. “Nous analysons les coûts, le pricing, les marges et nous faisons des études de marché pour positionner nos produits. Nous validons la rentabilité des projets avec les autres départements. C’est très collaboratif : nous avançons tous vers le même but.”

Cette croissance a reposé sur un ensemble de facteurs, ajoute-t-il. “Nous avons investi massivement dans le marketing digital pour acquérir des clients en ligne, souligne Florent Mohymont. En 2023, nous avons lancé notre propre gamme de croquettes, en complément de notre offre de repas frais. Nous nous sommes aussi développés offline, avec des congélateurs dans les animaleries pour vendre nos produits. Et en avril 2024, nous avons ajouté une gamme pour chats. Tout cela s’est décidé en équipe avec les managers et le CEO.”

Le grand chantier, aujourd’hui, réside dans “l’exploitation des données clients pour améliorer nos performances. L’intelligence artificielle va jouer un rôle clé : analyses poussées, optimisation des processus, marketing. Nous sommes très digitalisés.”

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