Alex Karp, cofondateur et PDG de Palantir Technologies, est une figure complexe de la Silicon Valley. Il oscille entre les rôles d’entrepreneur disruptif et celui de critique des excès technologiques de son époque. Avec sa stature imposante, son style vestimentaire décontracté, et ses prises de position tranchées, Karp est devenu l’une des personnalités les plus controversées du secteur technologique mondial.
Né en 1967 à New York, Alex Karp a étudié la philosophie à l’Université de Haverford et a obtenu un doctorat en philosophie de l’Université de Francfort. L’Américain a également étudié le droit à Stanford. En 2003, il fonde Palantir Technologies avec Peter Thiel, Nathan Gettings et Stephen Cohen rencontrés à Stanford. L’entreprise, spécialisée dans l’analyse de données massives et la sécurité nationale, s’impose rapidement comme un acteur clé, tant dans les secteurs public que privé. Elle fournit des outils de renseignement destinés à lutter contre le terrorisme, à analyser les données financières ou à prévenir la fraude.
A contre-courant
Alex Karp est souvent perçu comme un dirigeant atypique dans la Silicon Valley. Contrairement à la majorité des PDG qui s’épanouissent dans un univers de surconsommation et d’auto-marketing, il se distingue par une approche plus discrète et une philosophie de vie résolument anti-consumériste. Alex Karp cultive un rapport intense et presque ascétique à son corps, qu’il considère comme un outil au service de son efficacité intellectuelle et managériale, comme le rapporte Fortune. À 55 ans, le milliardaire revendique un taux de masse graisseuse de 7 %, équivalent à celui de Michael Phelps durant les Jeux olympiques, explique le média. Une performance qu’il attribue non pas à une obsession de l’apparence, mais à une quête de résilience physique et mentale.
Le ski, métaphore du leadership
Sa discipline repose notamment sur une pratique rigoureuse du ski de fond, qu’il considère comme une métaphore du leadership : exigeant, solitaire et fondé sur l’endurance. Karp affirme skier plus de cinq heures par semaine, selon la méthode « lente » des athlètes norvégiens, réputée pour renforcer la capacité aérobique sans épuiser l’organisme. À cela s’ajoutent des rituels quotidiens de tai-chi, d’étirements et de travail avec bandes de résistance, rapporte encore l’article de Fortune. Il se présente comme un ascète moderne, influencé par la philosophie stoïcienne et la psychanalyse.
Ce mode de vie austère infuse sa manière de diriger Palantir. Karp cultive une image de penseur engagé, presque marginal dans le monde de la tech, préférant les retraites dans les montagnes aux soirées de la Silicon Valley. Il donne ses interviews en tenue de ski, aime le contact avec la nature, et affirme que la rigueur corporelle lui permet de « tenir » dans un environnement qu’il qualifie de brutal, tant sur le plan politique qu’économique.

Le « freak Show » de la Silicon Valley
L’homme d’affaires n’hésite pas à critiquer ouvertement la Silicon Valley, qu’il qualifie parfois de “freak show”. Il dénonce un système où la recherche de profit se fait au détriment des préoccupations sociétales et éthiques. Dans une interview récente, il a plaidé pour une régulation de l’intelligence artificielle. Il y souligne le besoin de la collaboration entre les entreprises et les gouvernements pour éviter les dérives. Selon lui, sans une gouvernance responsable, l’IA pourrait entraîner une concentration dangereuse de pouvoir entre les mains de quelques entreprises, ce qui menacerait la démocratie et la stabilité sociale, relaie Business Insider.
En février 2025, il publie The Technological Republic, un essai dans lequel il défend une vision technocratique de la gouvernance et plaide pour un renouveau de l’État-nation face aux défis numériques. Dans ses lettres aux actionnaires, il mêle souvent réflexions philosophiques et analyses économiques, citant des figures comme Saint Augustin et Richard Nixon.
Surveillance de masse
Palantir Technologies, sous la direction de Karp, a toujours été à la croisée des chemins entre innovation technologique et éthique controversée. Si la société est saluée pour son rôle dans la lutte contre le terrorisme et la fraude, elle est également critiquée pour son implication dans des projets de surveillance de masse. Palantir travaille avec des agences gouvernementales, notamment les services de renseignement américains, ce qui a soulevé des inquiétudes concernant la vie privée et la surveillance des citoyens. En octobre 2024, Storebrand Asset Management, l’un des plus grands investisseurs institutionnels de Norvège, a annoncé avoir cédé ses parts dans Palantir Technologies, évaluées à environ 24 millions de dollars. Cette décision faisait suite à des préoccupations concernant les activités de Palantir en Israël, notamment la fourniture de technologies utilisées dans les territoires palestiniens occupés, ce qui pourrait contrevenir au droit international humanitaire et aux droits de l’homme, selon Reuters.
Sous la direction de Karp, Palantir a connu une croissance fulgurante, notamment en 2024, où l’action a bondi de 625 % et a rejoint le S&P 500. En mai 2025, la société a relevé ses prévisions de revenus pour l’année à 3,9 milliards de dollars, soutenues par une adoption accrue de l’intelligence artificielle (IA) dans les secteurs public et privé. Le magazine TIME a inclus Karp dans sa liste des 100 personnes les plus influentes dans le domaine de l’IA en 2023.