Management: le “lean”, c’est l’intelligence collective
Inventé par le groupe japonais Toyota, le “lean management” est aujourd’hui mis à toutes les sauces dans les entreprises occidentales. Il est souvent mal compris, donc mal appliqué, explique la Belge Natacha Jushko dans un ouvrage.
En Occident, on est largement passé à côté de ce qu’est véritablement le lean: tel est en substance le message de Natacha Jushko. Cette Belge, ancienne du groupe Nexans et qui s’est spécialisée dans le management interculturel, a donc décidé de consacrer un livre à son “décryptage culturel et systémique”. Le lean? Pour mieux le comprendre, retour au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Dans un contexte de pénurie de main-d’oeuvre et de moyens limités face à ses concurrents occidentaux, et dans un marché très fragmenté et où il faut être très flexible, le constructeur automobile japonais met au point le Toyota Production System (TPS), une méthode de gestion avec le moins de “gaspillage” possible. Ce management dit “maigre” ( lean) s’étendra ensuite aux pays occidentaux à partir des années 1980, après que les Américains se furent interrogés sur les raisons du succès de Toyota.
“Les entreprises occidentales ont souvent retenu du lean management les seuls éléments qui les intéressaient, observe pourtant Natacha Jushko. Un travers qui découle d’une approche analytique et non systémique. Or, le lean n’est pas une boîte à outils dans laquelle on puise à sa guise: c’est une vision globale!”
Deuxième erreur: une vision du temps divergente. Le souci japonais de ne pas gaspiller ce dernier doit être compris dans le contexte d’harmonisation qui prédomine au Japon, d’où la volonté de ne pas faire perdre son temps aux autres, ou encore d’en avoir davantage à l’attention de ses clients. Il s’agit de faire mieux et non plus vite. Ce temps sera aussi consacré à la réflexion, pour améliorer les méthodes de travail. Chez Toyota, un des slogans était en effet “Nous voulons que les gens arrêtent de transpirer et réfléchissent”, rappelle l’auteure.
Le ‘lean’ n’est pas une simple boîte à outils, c’est une vision globale.” – Natacha Jushko, auteure de “Voyage au pays du Lean
La décision vient… d’en bas
On s’en souvient: c’est avec beaucoup de craintes que les ouvriers américains avaient accueilli l’implantation de Toyota aux Etats-Unis, le constructeur étant réputé pour une standardisation des méthodes de production ne laissant aucune place à l’initiative personnelle. Au contraire, rectifie Natacha Jushko, avec le lean management, elle est encouragée, mais dans un cadre collectif et défini. L’auteur explique: au sein du système TPS, ce sont les premiers concernés qui établissent leurs standards de travail. Il est vrai qu’une une fois établies, ces méthodes de travail doivent être scrupuleusement respectées. Mais elles sont appelées à être améliorées au sein d’un processus de décision collectif. “Les dirigeants déterminent les objectifs, mais le processus s’appuie sur l’intelligence collective, il est vient du terrain, confirme l’auteure. Trop souvent en Occident, les processus sont imposés sans nuance ; c’est devenu l’esclavage par le process.”
On a pourtant l’image d’un Japon très hiérarchisé… “Oui, mais il s’agit en réalité de la hiérarchie du système, qui prend le pas sur les relations personnelles, précise Natacha Jushko. Dans les civilisations collectivistes, au Japon comme en Corée par exemple, chacun doit être à sa place et jouer son rôle. Sans quoi, le système ne fonctionne pas.” Ou comment un patron occidental n’a souvent rien à voir avec un patron japonais. Ni avec le lean…
Natacha Jushko, “Voyage au pays du Lean”, Afnor éditions, 144 pages, 26 euros.
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