Lutosa, une entreprise qui a la patate

Avec ses 19 lignes de production, l’entreprise belge est capable de produire plus de 650.000 tonnes de produits finis par an.

L’entreprise Lutosa, active dans la transformation industrielle de pommes de terre, exporte ses produits dans 164 pays. Après 45 ans d’existence, elle continue d’investir dans les innovations mais aussi la durabilité.

Ferme, farineuse, purée, frite ou croquette… La pomme de terre se décline à l’infini dans nos assiet­tes. Elle est même devenue l’un des fleurons de l’agriculture wallonne puisqu’elle est produite sur 40.717 hectares du territoire régional, dans près de 4.000 exploitations, principalement dans la province du Hainaut qui abrite les usines de transformation. Parmi ces dernières : l’entreprise belge Lutosa.

La firme est spécialisée dans la transformation industrielle de pomme de terre depuis 45 ans. Elle dispose aujourd’hui de deux sites de production en Belgique: Leuze-en-Hainaut et Sint-­Eloois-Vijve (en Flandre-­Occidentale). Son nom lui vient d’ailleurs de son principal site de production puisqu’autrefois, Leuze s’appelait Lutosa.

En 2022, l’entreprise a réalisé un chiffre d’affaires de 441 millions d’euros, en hausse de plus de 27% par rapport à 2021. Elle a également renoué avec les bénéfices, ceux-ci s’élevant à 12,7 millions, après une perte de 7,87 millions un an plus tôt. “La pomme de terre est un marché en expansion”, explique Alain Dufait, nommé à la tête de Lutosa depuis mars. “Mais ce n’est pas toujours facile car nous restons dépendants des caprices de la nature”, tempère-t-il.

Cultivées en Belgique

Les conditions météorologiques du printemps ont retardé la mise en terre, induisant un retard dans la récolte d’automne, et les fortes précipitations du mois de novembre ont aggravé la situation. “Environ 10% des pommes de terre sont restées dans les champs et sont donc perdues”, regrette Alain Dufait. A court terme, il n’y a pas de problème d’approvisionnement des marchés, mais si les arrachages ne repren­nent pas bientôt, cela pourrait influencer la saison de stockage. “Dans la pomme de terre, aucune année ne se déroule jamais norma­lement”, atteste le CEO.

La plupart des pommes de terre cultivées en Belgique le sont sous contrat : un prix est fixé en amont, pour une quantité donnée, entre les agriculteurs et les transformateurs. “Ce mode de fonctionnement permet à l’agriculteur d’assurer une partie de sa production”, précise le responsable. Cette collaboration en direct garantit en outre un approvisionnement rapide. D’autres pommes de terre sont ensuite achetées au fur et à mesure de la saison afin de réapprovisionner l’usine et ses lignes de production. “Seule une petite partie de la matière première dépend donc des prix du marché”, explique Alain Dufait. Voilà qui explique pourquoi les intempéries du mois de novembre n’auront pas de conséquence à court terme sur le prix, celui-ci ayant été fixé dès la conclusion du contrat en début d’année.

La majorité des pommes de terre transformées par Lutosa sont cultivées en Belgique. Pour ce faire, l’entreprise collabore avec plus de 300 agriculteurs. En moyenne, 150 kilomètres à peine séparent les champs de l’usine de production, ce qui permet de limiter les coûts du transport et le CO2. “La Belgique est une terre propice à la culture de pommes de terre, rappelle Alain Dufait. Très peu d’endroits dans le monde offrent une combinaison de climat et de sols aussi favorable.”

Dans la pomme de terre, il n’y a jamais une année qui se déroule normalement.” – Alain Dufait, CEO

Avec ses 19 lignes de production, l’entreprise belge est capable de produire plus de 650.000 tonnes de produits finis par an – dont 3.000 tonnes sont certifiées bios – soit 92 tonnes par heure. Et pas question de se contenter des classiques. Rien qu’en matière de frites, l’entreprise propose non seulement différentes coupes mais également des assortiments de frites fines ou épaisses, avec ou sans peau, épicées ou enrobées (d’une fine couche de fécule de pomme de terre). “Nous sommes très attentifs à l’innovation et aux nouvelles tendances du marché”, poursuit le CEO. Les frites enrobées, par exemple, ont connu une accélération à la suite de la crise sanitaire. Durant cette période, la livraison à domicile a été fortement plébiscitée. “Mais la frite classique ne se prête pas bien à ce mode de consom­mation, car la croustillance diminue plus vite. C’est pour cette raison que nous avons développé la technique de l’enrobage”, ajoute-t-il.

Innovations alimentaires

Outre ses frites, purées et croquettes, Lutosa a diversifié son catalogue de produits en proposant également des nuggets, des pancakes et des burgers de pomme de terre, ou encore des röstis aux légumes. “La tendance végétarienne a boosté la croissance de ces produits”, reconnaît le CEO. Autre tendance : les plateaux apéros où apparaissent désormais des spécialités aromatisées. “C’est un marché en forte croissance auquel nous prêtons attention”, confirme Alain Dufait.

Lutosa diversifie également ses canaux de distribution. L’entreprise fonctionne en B to B, s’adressant aussi bien à la grande distribution qu’aux industriels. Mais “nous développons également les marques de distributeurs pour le retail“, poursuit le CEO qui rappelle que la part de marché de ces marques ne cesse d’augmenter. Les produits Lutosa sont alors distribués au réseau professionnel par l’intermédiaire de grossistes (environ 50 négociants).

​A noter que dans ce segment retail (qui représente 20% de la diffusion), les produits vendus sous la marque Lutosa le sont uniquement hors Europe. Pour en comprendre la raison, il faut remonter à 2013, quand Lutosa fut racheté par McCain. Afin d’éviter que le géant canadien ne se retrouve en situation de monopole, la Commission européenne avait exigé qu’il revende la marque de détail Lutosa. En 2014, Findus rachetait donc les activités de vente au détail belges de Lutosa. Et en 2016, Nomad Foods, qui détient également Iglo, rachetait Findus et donc aussi la marque Lutosa qui fut alors rebaptisée Belviva pour la grande distribution.

Le géant McCain

Depuis son acquisition, le canadien a investi près de 300 millions d’euros dans Lutosa. “Faire partie d’un aussi grand groupe tout en gardant une échelle locale offre de nombreuses possibilités”, assure le CEO. Dernier investissement en date ? L’usine de flocons de pommes de terre inaugurée il y a un an à peine, pour un montant de 45 millions d’euros. “Cela répond à une demande grandissante pour les produits déshy­dratés”, analyse Alain Dufait. Les flocons de pommes de terre déshydratés sont essentiellement utilisés dans la fabrication des snackings (comme les chips), gnocchis ou encore dans les pota­ges. “Pour le moment, ils représentent 5% du marché mais ce pourcentage est amené à croî­tre à l’avenir.”

Si vous mangez des frites à l’étranger, il y a en fait de grandes chances pour que celles-ci soient belges.”

D’autres investissements ont été réalisés, notamment pour répondre aux critères de durabilité. “Depuis 2017, nous avons réduit notre consommation d’eau de 23% grâce à des nouvelles installations sur les lignes de production”, explique le CEO. Les sites de production disposent également de leur propre installation de traitement des eaux usées. Ces dernières sont alors traitées par biométhanisation puis réutilisées pour laver les pommes de terre. “Cette biométhanisation génère de l’énergie verte qui est alors réinjectée dans l’usine”, explique Alain Dufait qui estime qu’elle représente l’équivalent de la consommation de 1.600 ména­ges par an. “L’objectif est d’accroî­tre notre utilisation d’énergie verte et de multiplier notre production de biogaz par 10 d’ici 2025.” Le gaspillage est d’ailleurs un terme banni de l’entreprise : Lutosa transforme presque la totalité de la pomme de terre, les coproduits étant valorisés dans l’alimentation pour le bétail et l’amidon utilisé en papeterie.

Premier exportateur mondial

Présent dans 164 pays, Lutosa est devenu le premier exportateur mondial de produits à base de pommes de terre. Lorsque celles-ci sont surgelées, elles ont une date limite d’utilisation optimale (DLUO) de deux ans. “C’est donc un produit idéal pour l’exportation”, fait remarquer le CEO qui explique que plus de 95% de la production belge part à l’international. Certes, les Belges restent les plus gros consommateurs de frites (environ 10 kilogrammes par an), mais Alain Dufait identifie l’Asie et l’Afrique comme belle source de croissance. “Il y a un potentiel énorme dans certaines de ces régions où les habitants consomment à peine quel­ques grammes de frites par an.”

Afin de s’adapter à ses différents marchés, Lutosa dispose en outre de 21 bureaux de ventes et filiales répartis sur tous les continents. “Dans les plus grands pays, nous avons des filiales qui prennent en charge la distribution. Pour les autres, une personne s’occupe du commerce directement sur place”, précise Alain Dufait. “Si vous mangez des frites à l’étranger, il y a en fait de grandes chances pour que celles-ci soient belges.”


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