Libeert, une chocolaterie centenaire aux mains de quatre trentenaires
Chez Libeert, près de Mouscron la quatrième génération a pris la direction de l’entreprise il y a six ans. Tous sont frères et sœurs, trentenaires. Et le succès est au rendez-vous puisque les ventes et le chiffre d’affaires progressent d’année en année.
Une fois passé la porte de l’atelier de production, c’est l’odeur du chocolat fondu qui emplit les narines de celui qui visite l’entreprise Libeert. Installée près de Mouscron, la société produit chaque année plus de 5.000 tonnes de chocolat, via notamment ces petites figurines creuses si courues autour des fêtes de fin d’année. D’ailleurs, si saint Nicolas a pour habitude de déposer chez vous un personnage en chocolat le matin du 6 décembre, il y a de forte chance pour qu’il se soit fourni auprès de l’entreprise, devenue spécialiste en la matière.
La chocolaterie familiale existe depuis 1923 et célèbre donc ses 100 ans cette année. “L’histoire a commencé avec notre arrière-grand-père, Joseph Dequeker, fils d’un artisan pâtissier-chocolatier, qui a découvert le monde du chocolat lors d’un voyage en Italie et en Suisse”, explique Désirée Libeert, 39 ans, responsable des ressources humaines de l’entreprise. “C’était assez rare à l’époque d’entreprendre un tel voyage”, souligne-t-elle.
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Avec ses frères et sœur, elle compose aujourd’hui la quatrième génération à la tête de l’entreprise. Leur père, Ignace Libeert, auparavant responsable de la vente, a racheté la chocolaterie à ses propres frères et sœurs en 2013, pour la transmettre à ses enfants. Lily (38 ans) et Georges (35) sont co-CEO, tandis que Jerome (35) est responsable de la production et des investissements. Cependant, avant de confier la gestion à sa descendance, Ignace Libeert avait pris soin de nommer deux CEO externes à l’entreprise. “Une manière de professionnaliser la chocolaterie”, précise Désirée.
Tous les quatre ont donc exercé une activité professionnelle en dehors de l’entreprise avant de la rejoindre il y a neuf ans et d’en reprendre la direction en 2017. “C’était un accord préalable à la reprise”, explique Lily Libeert. Auparavant, celle-ci a par exemple notamment lancé la marque Fever-Tree, leader de la catégorie des toniques premium en Belgique.
La Wallonie après la Suisse et l’Italie
Aujourd’hui implantée à Comines-Warneton, dans le Hainaut, la société a des origines flamandes puisque le premier site de production était implanté à Izegem. Elle déménagea ensuite à Roulers – elle portait alors le nom “Italo Suisse”, en référence aux deux pays où le fondateur avait appris à manier le chocolat. Ce n’est qu’en 2015 que la chocolaterie se renommera tout simplement Libeert.
En matière d’histoire familiale, les Libeert ne font d’ailleurs pas les choses à moitié. Le site entier de l’entreprise regorge de traces du passé. A quelques pas de l’atelier de production, les salles de réunion ainsi que les bureaux des ressources humaines sont par exemple logés dans… la maison des grands-parents de Lily, Désirée, Georges et Jerome. “C’est amusant de penser que l’on organise des réunions dans nos anciennes chambres”, plaisantent-ils.
“Nous avons fait le choix de ne pas nous disperser.”
C’est avec cette deuxième génération, les grands-parents donc, que l’entreprise familiale s’est industrialisée, développant ce qui sera son cœur de marché: les figurines creuses en chocolat, au départ de moules. L’entreprise occupe toujours une position de leader sur ce segment. L’année dernière, pas moins de 60 millions de figurines et tablettes de chocolat ont été démoulées à Comines. “C’était 10% de plus qu’en 2021”, se félicite Lily Libeert. Et cette année, Libeert est en passe d’atteindre la barre des 70 millions. “Nous avons fait le choix de ne pas nous disperser et de concentrer notre business sur le saisonnier et les tablettes”, ajoute Georges qui rappelle que jusqu’en 2020, le chocolatier produisait aussi des pralines.
Si ce business du saisonnier permet à Libeert de se distinguer de ses concurrents, il n’est pas sans risque puisque tout élément perturbateur lors d’une fête peut avoir de sérieuses conséquences sur le chiffre d’affaires. “Dans chaque stratégie, il y a des avantages et des inconvénients, tempèrent les co-CEO. C’est pour cette raison que nous complétons nos activités avec la production de tablettes de chocolat.” Ces deux activités correspondent respectivement à 40% et 60% du chiffre d’affaires qui atteint aujourd’hui les 40 millions d’euros, en augmentation de 9,4% par rapport à 2021.
Reconnaissance mondiale
En Belgique, les tablettes Libeert sont présentes dans toutes les enseignes sous la forme de chocolat haut de gamme pour les marques de distributeurs. Et d’insister sur le haut de gamme, “notre chocolat n’est pas destiné aux produits premier prix, ajoute Lily Libeert. Nous travaillons l’innovation et présentons les nouvelles tendances aux retailers.”
L’entreprise ne manque d’ailleurs jamais de penser aux distributeurs, même au niveau logistique. “L’efficacité et le gain de temps sont essentiels pour eux comme pour nous. Nous avons donc développé un display prêt à l’emploi pouvant accueillir une partie de notre assortiment, précise Lily Libeert. Chaque display offre un large choix aux consommateurs, crée une ambiance selon la saison en magasin et permet aux retailers d’économiser beaucoup de temps et de main-d’œuvre.”
Et pour son centième anniversaire, Libeert compte bien continuer d’innover aussi pour les consommateurs belges. “Ils aiment être surpris par des nouveautés”, poursuit Lily, qui prend l’exemple de ces figurines qui permettent de réaliser son propre chocolat chaud. “Ce sont des nouveaux produits qui se concentrent sur l’expérience consommateur.”
Avec ses innovations, l’entreprise compte encore accroître sa part de marché en Belgique, et continuer à faire rayonner son chocolat à l’international. “Les exportations représentent 60% de notre activité”, assurent les co-CEO. Les tablettes de chocolat sont commercialisées dans pratiquement toute l’Europe et même en Australie. Quant aux figurines, elles sont vendues en France, aux Pays-Bas, au Royaume-Uni et, depuis l’année dernière, aux Etats-Unis.“Ce marché est très prometteur”, affirme Georges qui rappelle combien les consommateurs outre-Atlantique reconnaissent la qualité du chocolat belge et sont sensibles aux entreprises familiales.
Investissements durables
Bien que centenaire, la chocolaterie investit aussi dans de nouvelles technologies. “Nous nous considérons d’abord comme une start-up dynamique et très ambitieuse”, insiste Lily. L’entreprise vient d’ailleurs de mettre en service une toute nouvelle ligne de production d’emballage. L’investissement est estimé à 4,5 millions d’euros et permettra d’emballer jusqu’à 40 millions de tablettes de chocolat. “Les nouvelles lignes peuvent traiter des emballages durables totalement exempts de plastique afin de réduire l’impact environnemental”, précise Jerome.
“Nous aurons déjà atteint notre objectif de réduction du CO2 d’ici la fin de l’année.”
La chocolaterie a également investi dans le deep learning afin que les caméras des nouvelles lignes puissent effectuer les contrôles de qualité, de sécurité alimentaire et de traçabilité des produits. Chaque emballage est contrôlé individuellement. “Ces lignes ont été conçues et construites en interne avec différents partenaires spécialisés, explique Jerome. L’innovation nécessite une certaine flexibilité, ce qui a également été rendu possible sur ces lignes de conditionnement grâce à une ingénierie bien pensée.”
Avec ces nouveaux investissements, la nouvelle génération concilie donc technologie et durabilité. Deux piliers de sa stratégie. En plus de se fournir totalement en fèves de cacao durables, Libeert s’était fixé pour objectif de réduire ses émissions de CO2 de 42% d’ici 2030. “Grâce à nos investissements, nous aurons déjà atteint cet objectif d’ici la fin de l’année, précise Georges. Tout cela a été rendu possible entre autres grâce à l’achat d’énergie 100% verte, à la récupération de chaleur qui réduit notre consommation de gaz de 32% et à l’électrification du parc automobile.”
Avec ses nombreux projets et investissements, cette quatrième génération démontre que même une entreprise centenaire peut continuer à innover. En attendant l’arrivée de la cinquième? “Le plus grand a 10 ans, c’est encore un peu tôt mais nos jeunes savent déjà apprécier le chocolat…”
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