Les salaires des CEO des grandes entreprises cotées en bourse restent bien plus élevés que ceux des petites structures
Les entreprises cotées européennes conservent une politique de rémunération très classique pour leur CEO. Selon une enquête récente de la Vlerick Business School, les sociétés qui promeuvent la création de valeur actionnariale à long terme restent l’exception.
Dans le cadre de son enquête annuelle, l’équipe du professeur Xavier Baeten du Executive Remuneration Research Centre de la Vlerick Business School a passé en revue la rémunération de CEO de 844 entreprises cotées en bourse dans sept pays : la Belgique, les Pays-Bas, l’Allemagne, la France, le Royaume-Uni et la Suède, mais aussi la Suisse (SMI Expanded) pour la première fois. Parmi les sociétés des indices stars, ce sont les allemandes qui versent les salaires les plus élevés.
La médiane de la rémunération totale (salaire fixe, primes et incentives à long terme) des CEO des entreprises du DAX allemand a ainsi progressé de 12% pour atteindre 6,2 millions d’euros, devant celles du CAC40 français (4,4 millions, -4%) et du FTSE 100 britannique (3,8 millions, -11%). Dans les entreprises de l’indice néerlandais AEX, la médiane a enregistré une augmentation significative de 22% pour se monter à 3,6 millions d’euros. Au sein des sociétés suisses du SMI Expanded, elle s’établit à 3,25 millions. Les CEO du Bel 20 ont quant à eux empoché 1,975 million d’euros selon le montant médian calculé (-5%). Ce sont les Suédois du OMXS60 qui sont les moins bien lotis avec 1,7 million (+15%).
Jusqu’à dix fois plus
Les CEO des petites et moyennes entreprises cotées en bourse doivent se contenter de beaucoup moins. Les dirigeants des moyennes capitalisations (Bel Mid) ont reçu 865.000 euros en 2017, soit une hausse de 25% par rapport à 2016, alors que la médiane a baissé de 6% pour atteindre 525.000 euros dans les entreprises du Bel Small. “Cette année encore, l’une des principales conclusions est que la taille de l’entreprise exerce un impact déterminant sur la rémunération totale du CEO. À mes yeux, cela pose problème”, souligne Xavier Baeten. “L’influence de la taille de l’entreprise sur la base salariale trouve sa source dans la plus grande complexité à diriger une grosse entreprise qu’une petite structure. Or, le pourcentage des primes est aussi bien plus élevé dans les grandes entreprises. Ce n’est pas normal. Cela signifie que l’on applique un pourcentage plus élevé sur un montant plus élevé. Cette pratique fait double emploi.”
Selon le professeur Xavier Baeten, les comités de rémunération et les conseils d’administration acceptent trop souvent cette façon de faire comme une chose acquise. “Je pense que nous devons remettre cet acquis en question. La taille de l’entreprise, la capitalisation boursière et d’autres critères de grandeur déterminent la rémunération du CEO, ce qui entraîne une forte poussée à la hausse. C’est là où le bât blesse. Un CEO qui veut gagner plus doit s’assurer que la valeur boursière de son entreprise grimpe. L’enquête révèle que si la capitalisation boursière progresse de 1%, la rémunération du dirigeant augmente de 0,43%.”
La question est également de savoir dans quelle mesure les patrons des grandes entreprises doivent gagner davantage que les dirigeants des petites structures. “En France, force est de constater que les grandes sociétés cotées en bourse rémunèrent dix fois plus leur CEO que les petites, contre quatre fois plus en Belgique. Le dirigeant d’une grande entreprise doit-il gagner quatre fois plus ou le double suffirait-il ?”, se demande Xavier Baeten.
Reporter les primes
Si la taille des entreprises influence fortement le niveau de rémunération des CEO, c’est principalement parce que les entreprises veulent disposer d’un critère objectif. “Or, les membres des comités de rémunération et des conseils d’administration se retranchent derrière le marché. Nous devons toutefois nous interroger sur l’acceptabilité sociale de certains aspects des salaires des dirigeants. Il incombe aux conseils d’administration d’engager ce débat et d’intégrer ces sensibilités dans leurs décisions”, affirme Xavier Baeten. Le professeur de la Vlerick Business School se prononce en faveur de systèmes de rémunération à long terme. “Les bonnes pratiques prévoient de reporter le versement de la prime ou d’assortir l’attribution d’actions à des conditions, par exemple en obligeant le CEO à conserver ses actions pendant au moins cinq ans. C’est-à-dire un peu plus longtemps que les trois ans qui sont d’usage actuellement.”
La société pharmaceutique suisse Roche paie le bonus du CEO en actions et ce package reste bloqué pendant dix ans. “C’est une exception. Très peu de sociétés cotées appliquent de tels systèmes de rémunération à long terme. Dans notre échantillon, on en dénombre 11 sur 844″, précise Xavier Baeten. Un exemple belge n’est autre que la banque et compagnie d’assurances KBC qui a envoyé en mars dernier un communiqué de presse au monde entier concernant la rémunération du CEO et des membres du comité de direction. KBC étale la moitié de ses primes sur cinq ans sous la forme de phantom stocks. Il s’agit de cash lié à l’évolution du cours de l’action. Cela permet de calculer le long terme”, ajoute Xavier Baeten.
Conserver des actions plus longtemps
Des pionniers dans le domaine d’incentives à long terme comme Ageas, UCB et Umicore octroient des actions aux membres de la direction sous certaines conditions et conviennent de la durée pendant laquelle elles doivent être conservées dans le portefeuille. Mais de tels systèmes d’actions liés à la performance et d’actions assujetties à des restrictions n’ont pas encore été véritablement mis en place dans nos sociétés cotées en bourse.
“En Belgique, les stock options restent populaires : 37% des sociétés cotées en bourse en octroient. Les options sur action, souvent sur trois ans, bénéficient d’un climat fiscal favorable, mais elles présentent l’inconvénient d’entraîner une prise de risques”, explique Xavier Baeten.
“L’attribution d’actions assujetties à des restrictions est une bonne façon de fonctionner à long terme. Le CEO se voit alors octroyer des actions qu’il doit conserver dans son portefeuille pendant trois à cinq ans. 15% des entreprises du Bel 20 ont déjà recours à cette forme de rémunération, probablement aussi sous la pression des investisseurs institutionnels et de leurs conseillers. C’est une évolution notable. Mais la Belgique a encore du retard à rattraper, nous ne sommes pas encore les meilleurs élèves de la classe.”
Traduction : virginie·dupont·sprl
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