Lire la chronique d' Amid Faljaoui
Les oeufs stars de la consommation et reflets de nos contradictions ?
Et si le secteur de la grande distribution était le reflet de toutes nos contradictions ?
Tout le monde fait ses courses au supermarché et forcément, nous avons tous un avis sur ce secteur. Parlons d’abord des aspects positifs. Alexandre Bompard, le patron de Carrefour au niveau mondial, a reconnu que la crise sanitaire du COVID avait accéléré la digitalisation de son entreprise de minimum 5 ans. Il n’était d’ailleurs pas le seul à le reconnaitre. Son constat est valable partout, dans tous les secteurs et au grand profit des consultants informatiques.
Avec la crise énergétique, c’est le même constat. Plus qu’un long discours ou des publicités très coûteuses, l’inflation va accélérer l’adoption de gestes écoresponsables. Regardez la présence des fraises dans les rayons des supermarchés durant la période des fêtes de fin d’année. Il y a dix ans encore, il était inimaginable de ne pas en avoir. Depuis, la présence physique des fraises a diminué et les réseaux sociaux flinguent à tour de bras les distributeurs qui en proposent. Mes interlocuteurs du secteur avouent qu’il ne faudra pas dix ans pour que ces fraises disparaissent des rayons.
Ca c’est pour l’aspect positif. La direction est là, et elle est bonne. Elle va dans le sens de la lutte contre le réchauffement climatique. Seulement voilà, il y a la tendance, le long terme et puis la réalité du portefeuille. Face à sa facture d’énergie qui explose, face à son loyer qui est indexé, face à ses factures contraintes, la consommation devient la variable d’ajustement du citoyen. On le voit déjà dans le non alimentaire qui chute de 20 à 40% selon les produits. Parlez à quelqu’un qui a une boutique dans le textile et il vous le confirmera.
Quant à l’alimentaire, le consommateur délaisse la viande boeuf au profit du porc ou de la viande hachée. Et les oeufs sont des stars aujourd’hui. Pour beaucoup de consommateurs, les oeufs sont considérés comme une alternative à la viande et au poisson dans le panier de la ménagère. Un sondage récent le qualifiait même de produit anti-crise. Derrière ces changements de consommation, il y a aussi la compétition qui fait rage entre distributeurs. Darwin est à l’oeuvre. Regardez la descente aux enfers de Colruyt. Le spécialiste des prix bas souffre notamment des prix bas qui lui sont infligés par son concurrent hollandais Albert Heijn. Albert Heijn veut s’implanter en Belgique à n’importe quel prix – et c’est le cas de le dire au sens littéral du terme. Ce distributeur hollandais vend en Belgique les mêmes produits qu’aux Pays-Bas mais un euro moins cher. Il peut se le permettre, car il n’a que quelques dizaines de grands magasins en Belgique contre 1000 aux Pays-Bas. Donc, il se moque de perdre de l’argent en Belgique, car il est en mode conquête. En revanche, cette guerre des prix tue à petits feux Colruyt dont la politique officielle est de s’aligner sur les prix les plus bas. Si vous ajoutez à cela que les Belges habitent en moyenne à moins de 40 kilomètres d’une frontière, vous avez la tempête parfaite pour maltraiter notre secteur de la distribution. En France, par exemple, les taxes, les accises sont moins fortes. En plus l’essence (quand il y en a) y est subventionnée par l’Etat. Comment voulez-vous que le secteur de la distribution belge survive alors qu’il devra, en plus, se farcir une indexation automatique des salaires que les autres pays n’ont pas.
En clair, notre indexation salariale soutient le pouvoir d’achat des citoyens belges et c’est très bien. Mais est-ce que c’est pour acheter les produits de nos voisins géographiques ?
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