Les malheurs “woke” de Disney

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Sebastien Buron
Sebastien Buron Journaliste Trends-Tendances

Echecs au box-office, image écornée, dégringolade boursière : rien ne va plus pour le géant américain de l’entertainment qui fait les frais de son positionnement woke. Une mésaventure qui en dit long sur la tentation des entreprises à vouloir peser sur le débat public.

Sale temps pour le groupe Disney. Depuis son sommet historique de mars 2021, le géant américain du divertissement (films, séries, parcs d’attraction…) a perdu la moitié de sa valeur en Bourse pour tomber à 168 milliards de dollars. «Depuis février, les actionnaires ont perdu environ 70 milliards de dollars de valeur », a fustigé dernièrement l’investisseur activiste Nelson Peltz à la tête du fonds d’investissement Trian. En cause : un virage woke qui ne plaît guère au public, ce dernier allant jusqu’à bouder ses productions, comme en témoigne l’échec de son dernier film d’animation Wish, Asha et la bonne étoile.

Virage militant

Il faut dire que le groupe a enchaîné ces dernières années les prises de position en faveur de l’idéologie woke. Dans l’adaptation de Blanche Neige, dont la sortie est attendue en 2025, les Sept nains ont été remplacés par des créatures magiques pour ne pas stigmatiser les personnes de petite taille. Pour le remake de La Petite Sirène, qui doit sortir cet été, c’est l’actrice afro-américaine Halle Bailey qui a été choisie pour interpréter le rôle principal. De son côté, le studio Pixar a mis en scène un personnage ouvertement queer dans En avant. Quant à la plateforme de streaming Disney+, elle a ajouté des avertissements au début de certains grands classiques comme Les Aristochats en raison de clichés (chats siamois aux yeux bridés) pouvant être jugés comme racistes dans certaines scènes. Un positionnement ultra-militant qui a d’ailleurs valu au géant américain de se retrouver au cœur d’une bataille politique avec le gouverneur conservateur de Floride et candidat à l’investiture républicaine pour 2024 Ron DeSantis, ce dernier étant à l’origine d’une loi interdisant l’enseignement de sujets en lien avec l’orientation sexuelle dans les écoles primaires de Floride. Au point pour Ron DeSantis d’accuser Disney d’être carrément devenu un agent du « capitalisme woke ».

Déconvenues en série

Mais si les critiques fusent et si les actionnaires ne sont pas contents, c’est d’abord bien évidemment parce que ce virage idéologique passe mal auprès du consommateur. Trop woke pour les uns, pas assez radicale pour les autres : la firme de Burbank a perdu une partie de son public. Outre l’échec de Wish, son dernier film de super-héros The Marvels, une superproduction à 200 millions de dollars mettant en vedette un trio de femmes, a réalisé le plus mauvais démarrage de l’histoire de la franchise, alors que c’était jusqu’ici encore la vache à lait du groupe. Autre déconvenue : les produits du studio aux grandes oreilles de Mickey Mouse s’exportent moins bien. L’année dernière, plusieurs pays ont en effet bloqué la sortie du dernier Buzz L’Éclair qui montrait un couple de même sexe partageant un bref baiser.

Bob Iger.

Plus largement, l’image de marque du groupe dirigé par Bob Iger en prend aussi un coup. Autrefois considérée comme la quatrième marque la plus appréciée outre-Atlantique, Disney fait désormais partie des marques les plus détestées par les Américains, selon un classement réalisé en mai dernier par Axios-Harris. Alors qu’elle a longtemps été une icône américaine, la firme de Burbank ne se situe plus aujourd’hui qu’à la 77ème place des 100 entreprises les plus admirées aux États-Unis, selon un sondage Axios-Harris. Elle a même été classée 5ème marque la plus polarisante de l’année.

Mea culpa

Pour redresser la barre, Bob Iger, a décidé de faire marche arrière, reconnaissant qu’il avait fait fausse route. «Les créateurs ont perdu de vue ce que devait être leur objectif numéro un. Nous devons d’abord divertir. Il ne s’agit pas d’envoyer des messages», a-t-il insisté dernièrement à New York, dans le cadre du DealBook Summit, un forum organisé par le New York Times. Avec, à la clé, un mea culpa très clair : Disney ne doit plus chercher à éduquer mais à distraire. 

Bob Iger, qui quittera ses fonctions en 2026, a désormais deux ans pour revenir aux fondamentaux et tenter de restaurer la magie du géant américain. Y parviendra-t-il ? L’avenir le dira. Seule certitude, les déboires de Disney le prouvent une fois de plus : il est risqué, voire dangereux, pour une entreprise de s’aventurer sur le terrain politique.

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