Les groupes américains aussi font les frais des sanctions contre Huawei
Les strictes sanctions imposées par les Etats-Unis à Huawei pourraient aussi porter un coup aux nombreuses entreprises américaines fournissant composants et logiciels au géant technologique chinois, qui pourrait, comme d’autres, chercher à s’affranchir de la Silicon Valley.
Les spécialistes du secteur estiment que les firmes américaines, par exemple les fabricants de puces, ont vendu l’an dernier pour 11 milliards de dollars de composants au groupe chinois, qui figure sur la liste noire de Washington interdisant aux compagnies américaines de commercer avec certaines entreprises jugées à risque, au nom de la sécurité nationale.
Pékin et Washington sont en pleine guerre commerciale, à coups de taxes douanières réciproques et le secteur technologique -dans lequel les deux puissances sont en concurrence frontale- en est un axe majeur, Donald Trump ayant en particulier dans son viseur les transferts de technologies.
De fait, la décision des autorités américaines pourrait avoir pour conséquence de facto d’empêcher les fabricants d’appareils et de logiciels américains de vendre à Huawei.
Selon l’agence Bloomberg, les fabricants américains ou dont le siège est aux Etats-Unis, comme Intel, Qualcomm, Broadcom ou Xilinx ont indiqué qu’ils cesseraient de fournir Huawei, qui s’est placé au premier trimestre à la deuxième place des vendeurs de smartphones dans le monde, derrière le sud-coréen Samsung mais devant l’américain Apple.
Huawei est de plus une des entreprises en pointe sur les infrastructures télécom (antennes etc), et en particulier la 5G, l’internet mobile nouvelle génération en cours de déploiement.
Google, dont le système d’exploitation mobile Android équipe une très large majorité des smartphones dans le monde, a indiqué dimanche qu’il devait se conformer à la décision américaine, ce qui devrait avoir pour conséquence de priver Huawei d’accès à certaines applications-clés fournies avec Android, comme Gmail ou Google Maps. Huawei n’aurait accès qu’à la version basique “open source”, libre de droits, d’Android.
Interrogé par l’AFP, Microsoft, qui fournit lui aussi un système d’exploitation équipant des appareils Huawei, n’a pas donné suite dans l’immédiat.
“Si le problème touche Google, je ne vois pas pourquoi cela ne serait pas le cas pour Microsoft”, estime Bob O’Donnell, du cabinet Technalysis Research. “Toutes les versions de Windows viennent de Microsoft”, explique M. O’Donnell, “puisqu’il n’y a pas de version open-source”.
Vers l’indépendance
Pour beaucoup d’experts, le risque pour les firmes américaines n’est pas tant à court terme qu’à long terme.
Pour Roger Kay, analyste chez Endpoint Technologies, tout cela devrait accélérer les efforts de Huawei et autres firmes chinoises pour trouver d’autres filières d’approvisionnements de composants.
“A court terme, l’effet est inévitablement négatif pour les entreprises américaines et chinoises”, estime-t-il.
“A plus long terme, le résultat, c’est que Huawei et les autres groupes chinois vont se détourner davantage des fournisseurs américains”, ajoute cet expert.
Également sollicités par l’AFP, Intel et Qualcomm n’ont pas donné suite.
Apple, pour qui la Chine est un marché très important, pourrait aussi faire les frais des sanctions si elles durent, souligne Avi Greengart, analyste chez Techsponential, évoquant par exemple un retour de bâton anti-Apple de la part des Chinois.
Mais les sanctions contre Huawei pourraient toucher aussi de plus petites entreprises, comme Corning, qui fabrique un verre ultra-résistant pour écran de smartphone ou le spécialiste audio Dolby.
“Quand on pense à tous les composants, qu’ils soient matériels ou logiciels, ça fait une longue liste”, dit Avi Greengart, “les Etats-Unis forment une grosse partie de la chaîne d’approvisionnements”.
La firme californienne Lumentum Holdings, spécialisée dans l’optique et le laser, a indiqué que Huawei représentait actuellement 15% de son chiffre d’affaires.
M. Greengart estime lui aussi que les effets négatifs pourraient être visibles sur le long terme.
De même que son confrère Patrick Moorhead, de Moor Insights & Strategy, pour qui tout “dépendra de la durée de l’interdiction mais aussi de la dépendance financière (des firmes américaines) à Huawei”.
“Ni Intel, ni Google ou Nvidia (composants, NDLR) ne font plus de 3% de leurs activités avec Huawei, dont à court terme, cela ne devrait pas être un problème”, relève-t-il.
Mais comme Roger Kay, Bob O’Donnell pense que la décision américaine encourage encore davantage les entreprises chinoises à s’affranchir de la Silicon Valley et Huawei pourrait par exemple chercher à mettre au point un troisième système d’exploitation mobile, en plus d’Android et iOS (Apple).
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