Les foires aux vins vont commencer et le marché belge se maintient plutôt bien
Avec l’inflation, on pouvait imaginer une baisse de la consommation de vin en Belgique. Ce n’est pas le cas. De grandes tendances se confirment : la baisse du bio sauf chez Delhaize, le déclin du vin rouge au profit du blanc et du rosé, et la progression du sans alcool.
La fin de l’été ne rime pas qu’avec rentrée des classes dans toutes les strates de notre enseignement. C’est aussi un moment crucial pour la grande distribution qui y propose ses traditionnelles foires aux vins. Une initiative imaginée dans les années 70 par Leclerc, en France.
Pour donner une idée de grandeur : chez Cora, un mois de foire correspond au chiffre d’affaire moyen de quatre mois du rayon dédié. Carrefour, lors de cette période, va vendre pour plus d’un demi-million d’euros de prosecco. Traditionnellement aussi, les foires des vins sont l’occasion de tirer le bilan du marché en Belgique. Nielsen MAT a réalisé l’exercice pour Carrefour Belgique. Il s’en dégage quelques tendances nettes.
1. Le marché est stable
De juin 2023 à juin 2024, le marché belge, en volume, n’a baissé que de 0,9 %. Pour le secteur, c’est une excellente nouvelle compte tenu de l’inflation, du comportement très prudent des consommateurs amenés à faire des choix et d’un contexte très tendu sur les marges. Au cours de cette période, dans la catégorie des vins tranquilles, les effervescents étant comptabilisés à part (voir plus bas), il s’est vendu 45,8 % de rouge, 34,7 % de blanc et 19,5 % de rosé.
2. Le rouge poursuit sa chute
Depuis quelques années, sous l’effet du réchauffement climatique et des goûts des nouvelles générations à la recherche de vins plus faciles, plus accessibles et qu’il ne faut pas laisser mûrir pendant des années en cave, le rouge a perdu des parts de marché au profit du blanc et du rosé. Les chiffres belges sont parfaitement en phase avec cette tendance européenne. Ce tassement du rouge est devenu structurel en Belgique.
“Chez Colruyt, on constate clairement dans le segment des rouges un effet pouvoir d’achat, confirme Jean-Christophe Verschelde, wine instructor. Le rouge est en recul mais, chez nous, les petits vins de pays comme les IGP Pays d’Oc fonctionnent bien. Ou les bons rapports qualité/prix/plaisir. A l’instar des vins portugais qu’on propose entre quatre et six euros en moyenne. Les Côtes du Rhône s’en sortent bien aussi.”
Dans l’analyse de Nielsen, on constate que le vin rouge français demeure, et de loin (26,1 %), en tête du segment. Mais, comme c’était attendu, les vins de Bordeaux et de la Bourgogne continuent de plonger avec, respectivement, une baisse de 5,3 % et de 11,4 % sur un an. Derrière la France, se trouve l’Italie à 7,9 %. Derrière ces deux pays, on tire l’échelle. L’Italie profite, depuis quelques années, de ce désamour pour la France. Les vignerons transalpins ont beaucoup travaillé sur la qualité, le caractère identitaire de leurs produits et un positionnement de prix très intéressant. Tant en blanc qu’en rouge. Ainsi, le groupe Colruyt, dans toutes ses enseignes, propose régulièrement de découvrir des appellations inédites comme du Verdicchio dei Castelli di Jesi chez Bio-Planet, de l’IGP Vigneti delle Dolomiti chez Colruyt ou de l’IGP Terre di Chieti chez Spar. Des vins inconnus mais qui trouvent rapidement leur public.
Cora n’est pas en reste. “Après la France et l’Italie, j’ai un gouffre, confie Alain Renier, l’acheteur vin. Evidemment, Cora dispose d’une clientèle quotidienne italienne très marquée dans certains hypermarchés, mais cela n’explique pas tout. J’ai la particularité, vu le renom de ma foire aux vins de septembre, avec de grandes dégustations dans les galeries marchandes et à l’Autoworld de Bruxelles, d’attirer une autre clientèle : celle qui vient à la foire et veut remplir sa cave de vins de qualité. L’Italie y occupe une grande place. Tout comme les grands crus bordelais que je suis le seul à acheter directement en primeur dans la grande distribution belge.”
L’Italie profite, depuis quelques années, du désamour pour la France. Les vignerons transalpins ont beaucoup travaillé sur la qualité, le caractère identitaire de leurs produits.
3. Le champagne dévisse
La vente des effervescents est restée stable selon Nielsen, avec une minuscule baisse de 0,7 % sur un an. L’infographie ci-dessus détaille la ventilation du segment. Ce qui frappe, c’est évidemment la baisse impressionnante (-9 %) du champagne.
“Les clients s’enfuient parce que les prix deviennent dingues, poursuit Alain Renier. Avant, il était possible d’avoir un champagne premier prix à 9,99 euros. Aujourd’hui, c’est plutôt entre 17 et 19 euros. Vu les problèmes de production en Champagne, les produits d’entrée de gamme se font rares et il y a un fort impact au niveau des prix. C’est donc logique que le client lui préfère le cava ou le prosecco. Pour un peu plus de 10 euros, il est possible d’avoir un produit labellisé de grande qualité. Les mousseux espagnols et italiens progressent chez moi dans toutes les gammes de prix. Je prends aussi des risques payants. Comme ce 100 % Pinot Grigio pétillant. Un produit inédit qui fonctionne bien.”
4. Le bio explose chez Delhaize
La tendance sur le vin bio n’est pas uniforme. On constate de fortes variations selon les enseignes. Globalement, dans le vin aussi, les habitudes alimentaires prises pendant la pandémie de consommer local et plus sain se sont évanouies. Sauf chez Delhaize. Avec l’annonce de la franchisation, la part de marché de l’enseigne au lion dans la vente des vins s’était logiquement effondrée. Depuis décembre, elle est repartie à la hausse tous les mois et s’établit à un niveau légèrement supérieur à mars 2023 : 25 % pour les effervescents et 24 % pour les vins tranquilles. En bio, Delhaize explose les compteurs et s’offre 43 % de parts de marché.
“Plusieurs facteurs contribuent à ce leadership, affirme Pieter-Jan Cuyvers, manager de la filière vins et effervescents. D’abord cela correspond à notre clientèle. Ensuite, c’est parfaitement en phase avec notre positionnement stratégique et commercial sur le manger sain. Enfin, un certain nombre de producteurs avec lesquels nous travaillons se sont convertis au bio. Cela a engendré un effet mécanique sur nos ventes de vin bio. Celui-ci souffre, singulièrement en France, où certains producteurs placent désormais le label bio discrètement sur la contre-étiquette. Est-ce plus cher que le conventionnel ? Sans doute en général. Mais nos producteurs convertis n’ont pas augmenté leur prix pour autant.”
Autre son de cloche chez Carrefour Belgique. “Le bio ne marche pas chez nous, confie Olivier Govaerts, acheteur des vins de France. Nos clients restent persuadés qu’il s’agit de produits plus chers et qui ne sont pas exempts de défauts. Nous avions tout centralisé dans un corner spécifique. C’est terminé. Nous allons replacer les vins bios à côté des conventionnels, en fonction de leur région d’appartenance. Nous verrons bien ce que cela donne en termes de vente.”
5. Le sans alcool s’impose
Chez Carrefour, ce corner spécifique bio va faire la place à un rayon spécifique de vins sans alcool. Une catégorie en progression constante depuis des années. Nielsen chiffre, sur 2023 et 2024, la hausse des vins à 4 % et des effervescents à 7 %.
“Chez nous, il y a une demande forte à Bruxelles et dans le nord du pays, poursuit Olivier Govaerts. Notre progression est supérieure aux chiffres nationaux avec 7 % pour les vins et, même 12 % pour les apéritifs. Cela correspond à 2,8 % du volume total de vente de vins et 5,4 % pour les effervescents. Pas mal pour une catégorie qui n’existait pas il y a cinq ans. Nous avons 70 références désormais.”
“J’ai une belle gamme depuis trois ou quatre ans, renchérit Alain Renier, mais j’ai un peu de mal à cerner la clientèle. Je m’imagine des jeunes mais quand je vais observer ce qui se passe dans les hypermarchés, je vois des quinquagénaires voire plus âgés partir avec une caisse. Soyons clairs : il n’y pas encore de bons vins sans alcool. C’est d’autant plus surprenant de voir des clients acheter une caisse entière.”
Que l’on ne s’y trompe pas quand même, le vin sans alcool (effervescents compris) a le vent en poupe mais ne représente, grosso modo, que 2 % des volumes vendus en Belgique. Les progressions sont impressionnantes mais c’est le trompe-l’œil des variations sur de petits volumes. C’est une tendance nette mais elle ne va pas révolutionner le marché. Certes, il y a une clientèle et il faut répondre à ses besoins. Ainsi, Colruyt offre aussi une place conséquente dans chaque point de vente, entre autres, aux bulles et aux apéros (spritz, pina colada, etc.). Et la qualité est déjà bien au rendez-vous.
Le vin sans alcool a le vent en poupe mais ne représente, grosso modo, que 2% des volumes vendus en Belgique.
“Chez Delhaize, les vins et les bulles sans alcool représentent un mètre dans les rayons, conclut Pieter-Jan Cuyvers. Pour les apéros sans alcool, on double la mise. Oui, la progression des ventes est de 10 à 15 % mais cela reste anecdotique, à ce jour, sur l’ensemble. Si ce marché capte 5 % dans les cinq ans, ce sera bien. Il faut attendre que plusieurs grands groupes s’y mettent (JP Chenet a lancé une gamme de produits disponibles tant chez Carrefour que chez Colruyt, ndlr) pour que cela décolle vraiment. Les bulles sont de qualité, comme Mionetto, notre prosecco en appellation, qui propose désormais aussi une version sans alcool. Pour le vin, on n’y est pas encore. Pour la fin de l’année, nous allons rentrer un Sauvignon de Touraine à 8,99 euros. C’est la première fois que nos experts sont convaincus de la qualité du produit.”
Enfin, pour son “Festival du Vin” qui démarre le 19 septembre, Delhaize proposera, après des bulles, du vin en canette. Un format qui monte et dont la production est largement plus durable qu’une mise en bouteille. La canette est, en outre, entièrement recyclable. Le distributeur proposera le vin blanc et rosé de French Kiss Club. Imaginée par trois jeunes Belges, la marque qui source son vin dans le Languedoc fait un tabac dans les grands festivals rock comme Werchter et le Pukkelpop. Nous y reviendrons.
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