Les entreprises restent une vache à lait pour les caisses de l’Etat
L’an dernier, les entreprises belges ont payé encore plus d’impôts qu’en 2022, une année pourtant déjà record en la matière. Cependant, des changements notables ont été constatés parmi les 50 plus gros contributeurs. En outre, 2023 n’a plus été marquée par une inflation galopante, ce qui a entraîné une baisse des bénéfices dans les secteurs des matières premières et de l’énergie.
Trends-Tendances, en collaboration avec la base de données financières de Trends Business Information, a analysé les bilans de 523.173 entreprises pour l’exercice 2023. Près de 78% d’entre elles, soit 409.554 entreprises, ont payé l’impôt sur les sociétés. Tandis que les autres ont subi des pertes ou récupéré des pertes antérieures sur le plan fiscal. Les entreprises sont-elles une vache à lait pour les caisses de l’Etat?
Cette analyse repose sur les bilans individuels des entreprises belges ou des filiales de groupes internationaux. Y compris le montant de l’impôt sur les sociétés versé aux autorités belges. Pour les holdings consolidantes, il n’est pas toujours évident de déterminer le montant exact qui a été versé au trésor public.
Plus d’entreprises paient leurs impôts
Fait remarquable, le montant de l’impôt sur les sociétés collecté a augmenté chaque année depuis 2018. À l’exception d’une baisse marquée en 2020, année de la crise sanitaire. “En 2020, le gouvernement a accordé un report de paiement pour les impôts et la TVA en raison de la pandémie”, rappelle Pascal Flisch, analyste chez Trends Business Information. “Cela a eu pour conséquence que de nombreuses entreprises ont terminé cet exercice avec davantage de dettes fiscales. Ces arriérés ont été versés en 2021.”
Les années 2022 et 2023 ont toutefois surpassé 2021, année pourtant record. En 2022, l’inflation élevée a provoqué l’envol des prix de vente des entreprises, entraînant, par conséquent, une augmentation de près de 13% de l’impôt sur les sociétés payé. En 2023, ce montant a atteint 20,9 milliards d’euros, soit une augmentation de près de 6%.
Selon Pascal Flisch, plusieurs facteurs expliquent cette augmentation des recettes fiscales. “L’année dernière, le nombre d’entreprises payant l’impôt sur les sociétés a atteint près de 78%, alors qu’il n’était que de 75% douze mois plus tôt. Cela représente 409.554 entreprises, soit 11.572 de plus qu’en 2022.”
Le montant moyen payé a également augmenté, passant de 49.622 à 51.443 euros. Bien que l’inflation ait atteint 4,06% en 2023, le chiffre d’affaires des entreprises a donc moins augmenté qu’en 2022. Mais la bonne nouvelle est que l’augmentation d’impôts sur les sociétés récoltés, de près de 6%, dépasse celle de l’inflation. Les entreprises ont trouvé un équilibre sain et ont généralement réussi à répercuter leurs coûts fortement accrus en personnel et en énergie.
Lorsque la TVA est incluse dans le calcul, le total des impôts pour 2023 s’élève à 22,5 milliards d’euros. Le montant reste légèrement inférieur à celui de 2022, en raison de l’impact de l’inflation sur les recettes de TVA. Cela n’étonne pas Pascal Flisch, car la forte inflation de 2022 a également entraîné une hausse des recettes de TVA. Le nombre total d’entreprises augmente également avec ce calcul, car certaines entreprises paient la TVA sans nécessairement payer l’impôt sur les sociétés.
Mastercard retrouve sa première place
En 2023, la Flandre est restée le plus grand contributeur aux recettes fiscales sur les sociétés en Belgique. Le nord du Royaume représente près de deux tiers du total collecté. Cependant, malgré cette contribution importante, seules trois entreprises flamandes figurent dans le top 10 des plus grands contributeurs. BASF Antwerpen, qui est passée de la deuxième à la cinquième place, est la première entreprise flamande. Cette baisse reflète les difficultés du secteur chimique, avec une diminution de son chiffre d’affaires d’un tiers et une chute de plus de 50% de son bénéfice d’exploitation. L’Union européenne perd de la production au profit d’autres continents, comme l’indique le rapport annuel de BASF, qui fait état d’une baisse de 5% de sa production en 2022, suivie d’une nouvelle diminution de près de 8% en 2023.
Mastercard Europe, basée à Waterloo, reste le plus grand payeur d’impôts sur les sociétés. Et ce, pour la troisième année consécutive, avec une contribution de plus de 527 millions d’euros. Cela représente près de 13% du montant total collecté pour l’ensemble de la Wallonie. La performance solide de l’entreprise en 2023, malgré une inflation élevée, reflète la demande continue pour les paiements électroniques. Henri Dewaerheijd, directeur général de Mastercard pour la Belgique et le Luxembourg, a souligné la présence de longue date de l’entreprise et son rôle dans l’économie européenne. Le siège européen de Mastercard, établi en Belgique depuis 1965, occupe 600 employés chargés de plancher sur des innovations en matière de technologie financière et de cybersécurité.
Que Mastercard figure parmi les plus grands contributeurs fiscaux de Belgique reflète notre présence de longue date et notre contribution à l’économie européenne.
Henri Dewaerheijd
Mastercard Belgique et Luxembourg
Le deuxième plus grand contributeur du pays était GlaxoSmithKline Biologicals, basé dans le Brabant wallon. L’entreprise est passée de la 23e à la 2e place, grâce à une augmentation importante de son bénéfice d’exploitation. Celui-ci a bondi de 1,9 milliard d’euros en 2022 à 3,2 milliards d’euros en 2023. L’entreprise, qui emploie près de 9.000 personnes sur notre territoire, a également profité d’importants incitatifs fiscaux. Notamment plus de 2 milliards d’euros de déductions pour les brevets. Cela souligne le rôle essentiel du secteur pharmaceutique dans l’économie belge.
L’année des centrales nucléaires
Un autre cas en particulier a retenu notre attention : celui de Synatom, filiale du groupe Engie, spécialisée dans le démantèlement des centrales nucléaires. Après avoir versé un impôt minimal en 2022, Synatom a payé 166 millions d’euros en 2023. Une augmentation spectaculaire que l’on peut expliquer par une augmentation des bénéfices avant impôt.
D’autres filiales d’Engie, telle Electrabel, figurent également parmi les plus grands payeurs d’impôts. Malgré un résultat net déficitaire de 2,2 milliards d’euros, Electrabel a dû verser 162 millions d’euros d’impôt, soulignant la complexité de sa situation fiscale.
AB InBev ne paie que 0,30% d’impôt
Le taux nominal d’imposition sur les sociétés est de 25%. Cependant, 20 entreprises parmi les 50 plus importantes paient moins que ce pourcentage, avec une différence d’au moins 5%. Sept entreprises, en revanche, paient davantage d’impôts. La deuxième plus grande entreprise, GlaxoSmithKline Biologicals, a un taux d’imposition effectif de seulement 11%. Un chiffre qui s’explique en grande partie par les déductions liées aux brevets. C’est une augmentation significative, car l’année dernière, cette entreprise pharmaceutique se trouvait en tête avec un taux d’imposition de moins de 2%, qui s’expliquait également grâce à une déduction pour revenus de brevets de plus de 2 milliards d’euros.
GlaxoSmithKline a profité d’importants incitatifs fiscaux, dont 2 milliards de déductions liées aux brevets.
Le brasseur international AB InBev est couronné champion pour l’exercice 2023. Le bilan individuel de la société mère, Anheuser-Busch InBev SA, indique qu’elle a, certes, payé un montant substantiel de près de 25 millions d’euros l’année dernière, mais le bénéfice avant impôt s’élevait à presque 8,2 milliards d’euros. L’impôt sur les sociétés payé en Belgique représente donc 0,30% de ce total. Cependant, la société mère possède plusieurs filiales à l’étranger et les bénéfices sont taxés dans les pays concernés. Ces montants ne sont donc pas soumis à une imposition supplémentaire en Belgique.
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