L’enfer pour un salarié ? Un jeune avec smartphone dans un open space
Téléphones portables, open space et jeunes générations… Une enquête menée auprès de plus de mille salariés français a dégagé les sources principales de mal-être au travail. Les entreprises doivent accepter de consacrer du temps à la façon de “repenser le travail” dans le cadre des évolutions technologiques. Tour d’horizon en 5 constats-clés.
Eléas, cabinet de conseil en management des risques psychosociaux et de la qualité de vie au travail, a dévoilé les résultats de son enquête baptisée Les salariés français face aux incivilités au travail. Trois thématiques principales étaient explorées dans le cadre de cette enquête menée, entre me 7 et le 16 septembre dernier, auprès de 1.001 salariés français âgés de 16 ans et plus : l’impact de l’organisation du travail, des usages numériques et des différences générationnelles. En voici les principaux résultats.
1) 42% des salariés sont exposés aux incivilités
Si près de la moitié des salariés (42%) se déclarent exposés aux incivilités, tous les secteurs et métiers ne sont pas égaux devant ce phénomène, note Eléas. Sans surprise, le contact avec des publics extérieurs est ici un facteur important : “Sont ainsi surexposées les personnes travaillant à un guichet ou à l’accueil (77%), dans un commerce (66%) ou dans les services non marchands, comme l’éducation, la santé, l’action sociale et l’administration (50%).” On observe également que les salariés travaillant en horaires décalés (50%) sont plus exposés que ceux ayant des horaires classiques (29%).
2) Les salariés de 16 à 34 ans sont les plus incivils
Plus d’un salarié sur 2 (55%) considère que les comportements incivils sont liés à l’âge. Une opinion partagée par l’ensemble des générations. Les plus jeunes générations sont perçues comme les plus inciviles : pour quasiment un salarié sur deux (48 %), les 16-34 ans sont les plus incivils. Trois générations cohabitent aujourd’hui au travail, analyse Eléas : “Chacune d’elles possède ses propres codes de comportement qui peuvent induire des incompréhensions entre salariés, voire un profond mal-être pour certains.”
Le consultant observe des sensibilités différentes vis-à-vis des incivilités selon les classes d’âge : “Les 20-34 ans se montrent un peu plus affectés par des comportements qui constituent une atteinte au respect de la personne, tandis que les plus de 55 ans réagissent plus vivement à des atteintes aux règles sociales, notamment lorsque l’interlocuteur écrit des e-mails ou des SMS lors d’une réunion en face à face (76% rejettent ces pratiques).”
3) Les incivilités affectent surtout la génération Y
Les conséquences des incivilités sur la productivité et la santé des salariés diffèrent elles aussi selon les classes d’âge. La “génération Y” semble davantage affectée que les autres:
- 67% des 20-34 ans se sont sentis démotivés par rapport à leur travail (contre 59% pour les plus de 55 ans)
- 44% des 20-34 ans ont développé une mauvaise image d’eux-mêmes (contre 29% pour les plus de 55 ans)
- 34% des 20-34 ans ont fait une crise de nerfs ou de larmes au travail (contre 21% pour les plus de 55 ans), etc.
“Songez que 68% des salariés se déclarent stressés ou anxieux dans un contexte d’incivilités chroniques et que 52% en éprouvent des troubles du sommeil”, souligne Xavier Alas Luquetas, président-fondateur d’Eléas, cité dans l’enquête. “De même, il est intéressant de noter que l’impact des incivilités au travail sur l’estime et la confiance en soi est plus fort auprès des jeunes générations. La représentation que l’on a des générations Y et de leur rapport au travail fait qu’on les penserait naturellement plus détachées de ces situations par rapport à leurs aînés ; or, il n’en est rien. Les stratégies d’adaptation cognitives (prise de distance) sont moins développées et efficaces pour les jeunes et les rendent de fait plus vulnérables sur les fondamentaux de la personnalité que sont l’estime et la confiance en soi.”
4) L’open space favorise les incivilités
58% des salariés considèrent que l’open space augmente le nombre des incivilités. Un sentiment confirmé par ceux qui y travaillent (59%). “Les salariés sont critiques vis-à-vis de l’open space, lequel est un enjeu important pour les entreprises”, ajoute Xavier Alas Luquetas. “Ceux qui ont eu l’habitude de travailler dans un bureau fermé acceptent plus difficilement d’évoluer en open space. C’est une évolution qu’ils appréhendent et souvent vivent mal.”
Dans le calcul économique que les entreprises font en choisissant l’open space, “il serait pertinent d’intégrer les coûts de mise en oeuvre de mesures concrètes de qualité de vie au travail (agencement et configuration des espaces concertés, ateliers d’accompagnement sur le ‘travailler autrement’, mise en place de pratiques et d’espaces de régulation, etc.). Faute de quoi les coûts indirects liés à la démotivation, aux arrêts maladie et au mal-être des personnes risquent de faire pencher la balance dans le mauvais sens.”
5) L’usage insupportable du portable en réunion
Plus d’un salarié sur deux (53%) trouve insupportable qu’un collègue réponde à un appel téléphonique pendant une réunion interne. Cette proportion est d’autant plus forte chez les plus de 55 ans (65%). Plus des trois quarts des plus de 55 ans (76%) déclarent qu’il est insupportable qu’un collègue écrive des SMS en entretien face à face. Ces comportements sont davantage tolérés par les plus jeunes générations.
“Une grande majorité des salariés condamne l’utilisation des téléphones portables en réunion ou en entretien en face à face – or, leur utilisation est rarement régulée au sein des organisations”, déplore le président d’Eléas. “On observe également de fortes critiques vis-à-vis de l’open space, regardé comme un facteur d’incivilités. Voilà qui pose la question de la préservation du vivre ensemble dans les organisations alors que, dans certains contextes, le lien social semble se déliter. A bien y réfléchir, ce peut être un manque de considération pour les personnes que manifestent les incivilités. Elles sont de plus en plus mal vécues et beaucoup en souffrent.”
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