La superficie agricole bio recule, mais le consommateur wallon reste fidèle

La superficie des terres agricoles bio a légèrement reculé l’an dernier, de près de 2% par rapport à 2023, à 90.583 hectares fin 2024, selon les chiffres de Biowallonie présentés mercredi à Héron (province de Liège). Il s’agit de la deuxième année de baisse consécutive, ce qui n’inquiète pas outre mesure le secteur.
Les statistiques de l’agriculture biologique, c’est un peu comme la Bourse, il ne faut pas se contenter d’analyser les chiffres d’une année à l’autre, illustre Philippe Mattart, directeur de l’Agence wallonne de promotion de l’agriculture (Apaq-W). “Si on observe les tendances à long terme, on constate que le consommateur reste motivé à acheter du bio pour des raisons de santé et de soutien à l’économie locale, notamment.”
La surface bio a doublé depuis 2010 en Wallonie et désormais plus d’une ferme sur sept se consacre au bio, ce qui fait dire à Ariane Beaudelot, chargée de mission développement de filières chez Biowallonie, que le “bio n’est pas du tout marginal en Wallonie”.
La principale baisse s’observe en grandes cultures (céréales, pommes de terre…), avec une perte de 1.218 hectares (-6%). Plusieurs agriculteurs bio ont remplacé une partie de leurs grandes cultures par des prairies temporaires à la suite des conditions météorologiques défavorables de ces deux dernières années, qui rendent certaines cultures très compliquées, selon Biowallonie.
Soja délaissé
L’ASBL constate par ailleurs une relocalisation en Wallonie de cultures généralement plus répandues à l’étranger. C’est le cas des protéagineux et des oléagineux. Même si ce type de culture est encore très restreint chez nous, les protéagineux ont augmenté de 16% en un an (à 411 hectares). Le soja est certes pratiquement délaissé ces dernières années en raison du manque de rentabilité, mais les fèves, les pois et les lentilles ont le vent en poupe. La progression est encore plus forte au sein des oléagineux : +46%, à 763 hectares. “Depuis la guerre en Ukraine, cette culture est en pleine expansion chez nous. La culture de la moutarde a particulièrement progressé en 2024 et de nombreuses entreprises wallonnes proposent aujourd’hui des huiles et d’autres produits à base d’oléagineux locaux”, constate BioWallonie.
Les fruits et légumes se portent bien également, avec des hausses respectives de 13% (1.023 ha) et 9% (2.664 ha) en un an. “Les cultures de légumes bio ont quadruplé en un an, la plupart des légumes étant destinés au frais”, constate Mme Beaudelot. Plus de deux tiers des producteurs de légumes sont de petite taille avec une superficie ne dépassant pas les trois hectares.
Elevage en baisse,
Concernant l’élevage, toutes les filières sont en baisse, particulièrement la porcine. Le cheptel bovin, tant la filière laitière que viandeuse, régresse. “Les animaux sont particulièrement importants pour des exploitations bio qui ne peuvent recourir aux pesticides et ont donc besoin de fumier pour enrichir leurs terres”, détaille Ariane Beaudelot.
Seules les poules pondeuses ont été plus nombreuses (+10%), après une baisse en 2023. Biowallonie prédit par contre une augmentation des élevages de niche (bisons, canards, cerfs…) “car il y a une demande importante”.
Signe encourageant pour le secteur, le consommateur semble toujours enclin à consacrer une petite part de son porte-monnaie à des aliments bio. La guerre en Ukraine avait quelque peu refroidi les acheteurs. Aujourd’hui, le taux de pénétration du bio est quasi maximal avec 98,4% des Wallons qui ont consommé au moins un produit bio l’an dernier. La part de marché progresse légèrement à 5,5% (+0,3 point de pourcentage).
Le Wallon a retrouvé les étals de produits bio
La consommation de produits bio a légèrement progressé l’an dernier en Wallonie. La part de marché du bio y est désormais de 5,5% (+0,3 point de pourcentage) et le Wallon dépense en moyenne 141,12 euros par an en produits bio, selon des données de consommation YouGov, présentées mercredi par l’Agence wallonne de promotion de l’agriculture (Apaq-W).
Les produits bio rencontrent un plus grand succès dans le sud du pays qu’à l’échelle nationale où la part de marché est de 4,3%. Les crises de ces dernières années ont servi et desservi la cause bio. Le Covid-19 a ainsi entraîné une hausse de la consommation alors que la guerre en Ukraine et la crise énergétique qui l’a accompagnée ont incité le consommateur à être plus regardant.
Le Wallon achète surtout de la viande, des fruits, des légumes et des oeufs bio, et les supermarchés restent les premiers canaux de vente. “Le consommateur va toutefois de plus en plus dans les magasins bio et il privilégie le circuit court”, souligne l’Apaq-W.
Le bio perd du terrain
L’image du bio ne semble toutefois plus aussi reluisante que par le passé. Selon un sondage effectué en novembre dernier auprès de 1.500 Belges, l’intérêt pour les produits labellisés bio se mesure à 46%, soit un recul de 13 points de pourcent par rapport à 2022. L’intérêt pour les produits “locaux” (70%) ou “durables” (64%) est nettement plus prononcé.
“Il faut continuer à amener le consommateur à bien comprendre les caractéristiques des produits bio et à ce que ce type de biens peut lui apporter”, commente Julien Capozziello, responsable de l’Observatoire de la consommation – Apaq-W.
Une démarche qui paie, selon Jérôme Grégoire, l’un des cinq fondateurs du Domaine Vins des Cinq, à Héron. “Quand on parle au consommateur, il est réceptif et il bouge. C’est notamment pour cela que nous ne sommes pas présents en grande surface. Là, le consommateur s’y rend pour le prix et sans prendre le temps de se renseigner sur le produit. Nous réalisons la moitié de nos ventes auprès de particuliers.”