Amid Faljaoui
“Le scandale Volkswagen n’est pas le scandale du diesel”
Le scandale Volkswagen, s’il est légitime, ne doit pas se transformer en procès aveugle du diesel, car l’indignation et la colère risquent de se retourner contre nos emplois et la valeur de revente des véhicules diesel. Il faut garder la pression sur le secteur mais donner un peu de temps à l’industrie automobile pour qu’elle se réinvente.
J’en suis bien conscient, j’ai déjà consacré de nombreuses chroniques à l’affaire Volkswagen. Ce n’est pas de ma faute si ce scandale suscite énormément de réactions et cache en réalité pas mal d’enjeux. L’erreur première, en tout cas en Europe, serait de tuer sans discernement et trop rapidement les moteurs diesel via un amalgame entre Volkswagen, la pollution dans nos villes et le diesel. En raccourci, il ne s’agit pas de faire “du scandale Volkswagen un scandale diesel” comme l’a déclaré le ministre des finances français Emmanuel Macron, il y a quelques jours.
Bien entendu, il ne s’agit pas de dédouaner Volkswagen pour ce qu’elle a fait. La punition boursière et la démission de son PDG sont méritées et personne ne s’en émeut. Il faut toutefois bien se rendre compte que tout ceci est également une pièce de théâtre. Les Etats européens sont en guerre économique avec les autres continents, et les Etats-Unis ne nous font pas de cadeau, y compris en dévoilant avec plaisir ce genre de scandale industriel. Gardons en effet à l’esprit que plus d’une voiture sur deux en Europe roule au diesel, c’est une spécificité de notre continent suivi sur ce point uniquement par l’Inde.
Il ne s’agit pas de faire du scandale Volkswagen un scandale diesel
Si au niveau mondial, ce carburant pèse peu, en revanche, il pèse très lourd pour l’économie du Vieux Continent. Notre appareil productif est d’ailleurs formaté pour produire du diesel. On peut croire que cela concerne surtout l’Allemagne avec ses berlines haut de gamme ou la France avec ses véhicules moyens de gamme. Erreur de jugement ! Ces deux pays sont , avec les Pays-Bas, nos principaux partenaires économiques. Leur bonne santé déteint également sur nous. Il faut donc leur donner du temps pour que leur industrie s’adapte aux nouveaux enjeux environnementaux.
Quand je dis “du temps”, ce n’est pas pour reculer aux calendes grecques. Une modernisation est toutefois nécessaire et vitale pour éviter que sous le coup de la colère et de l’indignation, on demande à cette industrie un virage immédiat qu’elle ne pourra pas accomplir aussi rapidement sans casse sociale à la clé. D’autant que l’information n’est plus audible avec le scandale.
Il ne faudrait pas non plus oublier que paradoxalement, les nouvelles générations de moteur diesel sont équipées de filtres à particules qui sont moins nocifs pour le climat que les moteurs à essence, du moins pour ce qui concerne le CO2, sans oublier que le consommateur risque d’en payer le prix notamment via la baisse des prix de revente sur le marché de l’occasion des véhicules diesel. Alors qu’avant le scandale Volkswagen, “rouler en diesel était un plus, cela pourrait donc devenir un moins” (1). Le diesel n’est donc pas l’avenir de l’automobile. Le secteur a besoin d’un peu de temps pour amortir les investissements déjà réalisés et lancer un nouveau cycle de Recherche & Développement. Il faudra aussi du temps pour adapter l’outil industriel et réduire la consommation des voitures essence, encore un peu de temps également pour lui substituer les voitures hybrides ou électriques qui sont encore trop chères au goût des consommateurs. En résumé : comme le disait François Mitterrand, il faut donner du temps au temps…. mais sans perdre son temps, comme l’ajoutait perfidement Jacques Chirac !
- Diesel : la pression monte, Les Echos, vendredi 16 octobre 2015
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