Lire la chronique d' Amid Faljaoui
Le prix du gaz et la confection des… saucisses
Pourquoi ne dit-on pas davantage que le prix du gaz est en train de baisser fortement ? Certes, il reste encore trop haut par rapport à ce qu’il devrait être, mais il baisse !
D’ailleurs, les mêmes qui nous annonçaient la fin du monde lâchent sur les réseaux sociaux que les prix du gaz sont passés brièvement en territoire….négatif.
Ce qui m’a fait penser à la phrase de Cocteau : quand les événements nous dépassent, feignons d’en être les instigateurs. Mais passons, parlons plutôt de Thierry Breton. Le commissaire européen en charge du marché intérieur vient en effet d’accorder une interview radiophonique début de semaine : que dit-il en substance ?
Que nous sommes aujourd’hui à 67 euros le mégawatt/heure contre 300 euros cet été. Et Thierry Breton ajoute, “oui, les prix baissent et ils vont baisser”.
Bien entendu, l’Europe met la pression, non seulement pour sauver les ménages mais aussi l’industrie européenne. Thierry Breton le sait très bien, une entreprise doit se projeter dans l’avenir et doit pouvoir faire des budgets réalistes. D’ailleurs, le commissaire européen le reconnait dans cette interview puisqu’il dit littéralement, “alors que les grandes entreprises sont en train de boucler leurs budgets pour l’année prochaine, il faut leur donner très vite une indication de ce que seront les prix du gaz et de l’électricité à horizon de 12 mois”.
Pourquoi ? Parce qu’il a compris, comme les autres politiques, que sans cette visibilité, la tentation sera grande pour ces grandes entreprises de délocaliser leurs activités en Chine ou aux Etats-Unis où les prix de l’énergie sont beaucoup plus faibles.
Ne l’oublions jamais, cette guerre en Ukraine est aussi une guerre indirecte entre les Etats-Unis et la Chine mais qui se fait sur le territoire européen. Ce qui est aussi intéressant dans cette démondialisation forcée, et que nous vivons en ce moment, c’est qu’elle montre que le monde est infiniment plus complexe que les slogans de gauche ou de droite.
La droite en Grande-Bretagne a pu le constater. Promettre aux citoyens britanniques qu’on peut augmenter les dépenses sociales tout en diminuant les impôts et notamment des plus riches, c’est une hérésie.
Les marchés financiers ont sanctionné la Grande-Bretagne et sa Première ministre qui ne sera pas restée plus de 44 jours à sa fonction. Un record historique et une démonstration fantastique que les marchés financiers sont plus forts que les gouvernements surtout quand ils sont très endettés.
Les slogans de gauche, eux aussi, sont à la peine. Que n’a-t-on dit sur la mondialisation : qu’elle était source d’inégalités, qu’elle était l’ennemie de la planète. Tout cela est vrai bien entendu. Mais, ce qu’on a aussi oublié de dire, c’est que la mondialisation est synonyme de prix bas, d’inflation basse.
En clair, la mondialisation est l’amie du pouvoir d’achat. En fait, c’est clair comme de l’eau de roche. Quand vous freinez le commerce mondial, vous cessez d’importer de la déflation et vous permettez aux forces inflationnistes locales de reprendre le dessus comme le notait un commentateur boursier.
Ce que nous apprend donc cette crise, c’est l’esprit de nuances : rien n’est jamais noir ou blanc. Nous avons besoin de nuances comme de pain. Mais, avec les réseaux “asociaux” et le nouveau business de l’attention des médias généralistes, ce genre de discours est devenu inaudible auprès du grand public.
A croire que l’auditeur ou le téléspectateur a besoin de castagne et de vérité préemballée pour avoir l’impression de vivre. C’est un homme politique qui m’avait avoué un jour que “les lois sont comme les saucisses, il vaut mieux ne pas voir leur préparation”. J’espère qu’on ne dira bientôt pas la même chose pour la fabrication de notre information.
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