Le marketing d’influence à l’heure du coronavirus

Une trentaine d'influenceurs célèbres se sont mobilisés pour faire passer un message de responsabilité à l'heure du Covid-19. © PG

Timides depuis le début de la pandémie, les marques peinent à trouver les bons réseaux de communication pour émerger. Les influenceurs se rappellent à leur bon souvenir en pointant le rôle essentiel qu’ils peuvent jouer en ces temps de crise sanitaire.

C’est une vidéo qui a fait le tour du monde. Ou, du moins, le tour d’une partie de la population branchée sur les réseaux sociaux. Hommage vibrant au confinement, elle met en scène une trentaine d’influenceurs célèbres qui comptent ensemble plusieurs millions de fans sur leurs comptes Instagram, Facebook, YouTube et TikTok. Calfeutrées, ces personnalités venues du monde entier se succèdent par écran interposé pour délivrer le même message responsable : en ces temps de coronavirus, il faut respecter les consignes sanitaires et, surtout, rester à la maison.

D’envergure internationale, l’initiative est étonnamment belge puisqu’elle émane d’une compatriote, Lolita Abraham, qui a lancé les Influencer Awards il y a deux ans à peine. Organisé à Monaco, cet événement festif est au marketing d’influence ce que les Oscars sont au cinéma : une cérémonie glamour qui entend récompenser les meilleurs instagrameurs et youtubeurs de la planète. Et c’est précisément sous cette bannière des Influencer Awards que la jeune Belge a réussi le tour de force de rassembler plus de 30 stars des réseaux sociaux pour faire passer, dit-elle, un message de solidarité : ” On ne les attendait pas dans ce registre, explique Lolita Abraham, et cette initiative démontre leur sens des responsabilités car qui mieux que les influenceurs peut sensibiliser les jeunes dont les réseaux sociaux restent la principale source d’information ? En invitant leurs communautés à respecter le confinement, ils démontrent qu’ils peuvent avoir, eux aussi, une utilité publique. ”

Ambassadeurs de choc

Se servir des influenceurs pour faire passer rapidement un message d’intérêt général, c’est aussi ce qu’a fait l’Organisation mondiale de la santé au début de la crise sanitaire en lançant le ” Safe Hands Challenge ” sur le réseau TikTok. L’objectif ? Inciter un maximum d’influenceurs et de célébrités à montrer en musique comment se laver correctement les mains en 40 secondes pour que le geste se répande rapidement dans la population et surtout parmi les plus jeunes.

En Belgique, les pouvoirs publics ont aussi mobilisé une centaine de personnalités ” noir-jaune-rouge ” très suivies sur les réseaux sociaux pour mieux imposer les consignes de sécurité. Le 12 mars, soit cinq jours avant l’annonce historique du confinement par la Première ministre, le groupe fermé ” Fight Fake News on Corona – #COVID19BE ” est créé sur Facebook par Doria Gasia, fondatrice de la société gantoise This is not an agency, une agence spécialisée en stratégie digitale. Parmi les administrateurs du groupe se trouve un certain Roby Guns, conseiller en communication de la ministre des Affaires sociales et de la Santé publique Maggie De Block. Les instructions postées sur la page d’accueil de ce cercle VIP sont limpides : ” Le cabinet nous a demandé de chercher plusieurs profils fiables avec une audience importante sur les réseaux sociaux afin de diffuser ensemble des informations correctes sur le Covid-19. (…) Le seul objectif de ce groupe est de communiquer de manière claire, rapide et à grande échelle dès le début afin de contrer les fausses informations. (…) Nous te fournirons le texte, les images et les liens à utiliser. Tu pourras facilement les copier/coller “.

Majoritairement flamands, les 122 membres de ce groupe fermé viennent de divers horizons, mais disposent tous d’une importante communauté de fans qui leur donnent une certaine aura. Parmi eux, quelques francophones bien sûr, comme le DJ Henri PFR, l’humoriste GuiHome, l’instagrameuse Silent Jill (300.000 abonnés) – qui sévit également comme animatrice sur RTL-TVI sous le nom de Jill Vandermeulen – ou encore l’animateur-vedette David Antoine de Radio Contact. ” L’idée était de faire passer des messages rapidement à notre communauté pour lutter contre les fake news qui commençaient à se répandre sur les réseaux sociaux, raconte l’animateur qui compte 423.000 fans sur sa page Facebook. J’ai accepté de le faire gracieusement car il s’agit, pour moi, d’un acte citoyen qui ne demande rien en retour. ”

Cathy Pill et Sarah Levin, fondatrices de l'agence belge Stellar spécialisée dans le marketing d'influence.
Cathy Pill et Sarah Levin, fondatrices de l’agence belge Stellar spécialisée dans le marketing d’influence.© PHOTOS PG

Un business bousculé

Incontournables en ces temps de communication de crise, les influenceurs n’en restent toutefois pas moins déstabilisés, eux aussi, par le confinement. En particulier celles et ceux qui avaient l’habitude de poster leurs aventures sponsorisées à l’autre bout du monde. Avec les avions cloués au sol et la suppression de tous les événements festifs, les stars d’Instagram actives dans les secteurs du luxe, de la gastronomie et des voyages sont désormais bloquées à domicile et forcées à se réinventer. ” Certains partenariats rémunérés sont annulés, mis en pause ou bien renégociés avec, évidemment, un fort impact sur l’activité et les revenus des créateurs de contenus, explique Sarah Levin, cofondatrice avec Cathy Pill de l’agence belge Stellar, spécialisée dans le marketing d’influence. Mais dans notre profession, nous avons l’habitude de faire preuve de réactivité et de créativité. Nous conseillons donc à la plupart de nos clients de revoir les stratégies initialement prévues et donc de s’adapter plutôt que de renoncer. ”

Pour appuyer son discours, la chief marketing officer de Stellar rappelle que les réseaux sociaux n’ont jamais été aussi populaires qu’en ces temps de crise sanitaire. Selon l’institut Kantar qui a mené une étude à la mi-mars auprès de 25.000 consommateurs sur 30 marchés différents, la navigation sur le Web a en effet augmenté de 70 % depuis l’apparition du coronavirus. L’utilisation des plateformes telles que WhatsApp, Facebook et Instagram ont aussi connu une progression de plus de 40 % chez les moins de 35 ans confrontés à la pandémie. Quant aux citoyens belges, une autre étude menée cette fois par le bureau Omdia révèle qu’ils passent désormais en moyenne 117 minutes par jour sur les réseaux sociaux depuis le confinement, soit une augmentation de 23% par rapport à une période dite normale.

Se réinventer

En demande constante d’informations sur l’évolution de la pandémie, les Belges ont considérablement augmenté leur consommation de médias ces dernières semaines. La consultation des sites web des titres de presse explose et l’audience des journaux télévisés renoue avec les records des grandes crises passées. Mais paradoxalement, les annonceurs se montrent frileux et revoient leurs investissements publicitaires à la baisse, que ce soit sur Internet, en radio ou en télévision. Avec la crise du coronavirus et la fermeture de nombreux points de vente, la majorité des marques sont en effet paniquées et succombent au vieux réflexe de sacrifier en priorité leur budget marketing. Elles ont aussi peur de s’aventurer, de froisser, de choquer…

David Antoine, animateur-vedette de Radio Contact, a servi de relais discret à la communication de crise du ministère des Affaires sociales et de la Santé publique.
David Antoine, animateur-vedette de Radio Contact, a servi de relais discret à la communication de crise du ministère des Affaires sociales et de la Santé publique.© PHOTOS PG

” C’est une terrible erreur pour une marque de ne pas communiquer aujourd’hui, réagit Ralph Vankrinkelveldt, fondateur de l’agence Movietown.be, spécialisée dans le placement de produits et le marketing d’influence. On peut bien sûr comprendre que les abribus n’affichent plus de pubs dans les rues désertes, mais avec le confinement, les réseaux sociaux sont devenus le canal de communication par excellence et les marques doivent y jouer un rôle important. Elles doivent se réinventer pour exister de manière originale et cela doit passer par les influenceurs qui ont désormais du temps pour créer du contenu de meilleure qualité sur Facebook, YouTube ou Instagram. Hier, les marques s’illustraient dans des événements grand public ; aujourd’hui, nous sommes là pour les aider à se positionner sur l’événementiel digital, notamment grâce aux influenceurs. ”

“Stay-at-home economy”

Tisser un lien intime avec le consommateur en ces temps de crise sanitaire pour préserver – et pourquoi pas doper – la notoriété de la marque, voilà ce que préconisent les sociétés actives dans cette forme de communication ciblée. Avec le confinement, les besoins et les comportements d’achat ont en effet été bouleversés, donnant naissance à ce qu’on appelle désormais la stay-at-home economy où certains produits s’illustrent davantage dans les nouvelles habitudes de consommation.

” Les marques concernées doivent saisir cette opportunité sans basculer toutefois dans l’opportunisme, enchaîne Sarah Levin de l’agence Stellar. Elles peuvent notamment communiquer à travers les influenceurs, mais pas à n’importe quel prix et pas n’importe comment. En cette période de crise, l’opportunisme doit vraiment être mis de côté pour faire place à des publications qui ne portent plus uniquement sur les produits, mais également sur les valeurs de la marque et sur ses engagements. ”

Assistance gratuite

Mais encore faut-il, en ces temps incertains, que les marques aient les moyens de communiquer et disposent aussi du bon carnet d’adresses. Pour mieux faire connaître ses services et participer aussi au mouvement de solidarité actuel, l’agence BeInfluence vient justement de lancer une initiative originale sur le marché. Cette société belge ” spécialisée dans les nano et micro-influenceurs ” – avec 2.700 créateurs de contenus qui comptent chacun entre 500 et 80.000 abonnés – propose gratuitement à toute entreprise, association ou ONG qui le souhaite la création d’une stratégie d’influence pour booster sa visibilité ou ses ventes, ainsi que le relais de cette stratégie par trois influenceurs de sa communauté.

” En cette période de crise, beaucoup d’entreprises et d’associations ont gelé leur communication, explique Boris Kaisin, cofondateur de BeInfluence. Or, il est primordial pour les marques et les institutions de continuer à communiquer avec leurs publics, qu’il s’agisse d’actions mises en place pour lutter contre l’épidémie, de cadeaux offerts pour améliorer le quotidien de leurs clients ou simplement d’une présence en guise de soutien. En gardant le lien avec son public et en renforçant sa visibilité sur les réseaux sociaux, la marque en sortira gagnante à la fin de la crise. C’est pourquoi nous proposons aux entreprises et aux institutions la possibilité de tester gratuitement, en cette période de ralentissement économique, le meilleur canal de communication actuel, à savoir les influenceurs, et ceci jusqu’à la fin du confinement. ”

En marge de cette action généreuse, BeInfluence mobilise aussi ses troupes pour relayer la dernière campagne du gouvernement fédéral imaginée par l’agence de pub Mortierbrigade et destinée à faire respecter les mesures de sécurité face au Covid-19.

117 minutes par jour

Le temps que passe en moyenne chaque Belge sur les réseaux sociaux depuis le confinement selon le bureau Omdia, soit une augmentation de 23% par rapport à une période dite normale.

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