Le centre d’accueil liégeois se développe, en phase avec la maturation d’un secteur qui couve ses réussites pour oublier ses échecs. “Un écosystème idéal”, estiment ses locataires. “Qui aurait parié sur un tel développement il y a 20 ans ?”, demande sa CEO, Isabelle Degand.
Wim Vos, CEO de Radiomics, a le sourire désarmant, mais le propos lucide. Son entreprise, issue d’une spin-off de l’université de Maastricht, fut la première locataire du LégiaPark, ce centre de 30.000 m² accueillant les entreprises des sciences de la vie, sur les hauteurs de Liège. “Nous sommes passés par des moments difficiles dans le secteur, il ne faut pas s’en cacher, reconnaît-il. La crise du covid, l’inflation, puis l’incertitude liée à l’administration Trump se sont combinées.”
“Cela a l’air de reprendre”
Financée par Noshaq, l’invest liégeois, Radiomics utilise l’intelligence artificielle pour analyser les images radiologiques pour le cancer, un service précieux pour aider les entreprises pharmaceutiques et biotechnologiques dans leur prise de décisions. “D’ici un an, nous devrions être à l’équilibre, espère celui qui en est le CEO depuis 2019. Nous employons une trentaine de personnes, mais nous réduisons un peu notre taille en raison d’un ajustement de notre modèle. Nous disposions aussi de certains subsides qui sont en phase finale. C’est finalement la vie normale d’une entreprise comme la nôtre.”
L’horizon des sciences de la vie, prolonge-t-il, semble se dégager : “Cela a l’air de reprendre, même si cela reste volatil. Aux États-Unis, on retrouve une forme de stabilité. Nous, nous offrons un service qui n’est pas standard, mais cet apport de l’IA offre un potentiel énorme et devrait décoller. Le fait que la Chine investisse beaucoup dans ces domaines apaise aussi certaines tendances de repli aux États-Unis.”
Un centre comme le LégiaPark permet précisément d’adapter les locaux, modulables, aux étapes de développement d’une entreprise. “C’est un écosystème idéal pour nous parce que parmi les occupants, il y a des partenaires et des clients potentiels, souligne Wim Vos. Plus il y a d’entreprises, plus il y a d’interactions.”
“Qui aurait parié ?”
Cet antre d’entreprises ressemble à un havre de paix studieux, à deux pas de l’autoroute. Des plantations provençales, un restaurant flambant neuf à la terrasse accueillante, des locaux lumineux et amples… Sa responsable, Isabelle Degand, n’est pas peu fière de faire visiter les lieux. CEO du LégiaPark depuis janvier 2025, elle était auparavant CFO du CHU de Liège, après 17 ans dans le secteur bancaire. Les difficultés des sciences de la vie ? “Il y en a évidemment, et chaque entreprise qui s’arrête est un drame de trop, dit-elle. Mais si on prend un peu de recul, qui aurait parié il y a 20 ou 30 ans sur le fait que le secteur des sciences de la vie serait à ce point développé à Liège et en Wallonie ?”
Ce secteur, explique-t-elle, est arrivé à maturité : “Le nombre de sociétés est resté stable sur les trois dernières années. Nous travaillons main dans la main avec la coupole Bridge 2 Health. Il reste, d’une année à l’autre, entre 140 et 150 entreprises actives dans les sciences de la vie dans le bassin liégeois. Le LégiaPark est le reflet de cette maturité.”
La première pierre de ce centre de 300.000 m² a été posée en 2019 et le premier occupant est arrivé en 2022. “Avec l’ensemble des contrats signés, 80% du parc est désormais rempli, se félicite Isabelle Degand. Trente-cinq entreprises sont déjà présentes dans nos locaux et cinq attendent dans le couloir que les travaux d’aménagement soient finalisés. Le bâtiment A est rempli, le bâtiment B est en voie de finalisation et deux grosses arrivées sont prévues prochainement avec une maturité plus avancée.” Il serait notamment question de Nyxoah, une medtech installée à Mont-Saint-Guibert qui offre des solutions pour lutter contre l’apnée du sommeil.
“Nous sommes un accélérateur de projets”
“Nous sommes un accélérateur de projets, insiste la CEO du LégiaPark. Les prestations du bâtiment sont prévues à cet effet-là. La sélection se fait sur une rencontre de l’offre et de la demande, bien sûr, mais nous veillons aussi à cultiver une diversité de disciplines parmi nos locataires. Nous les accompagnons ensuite dans leur projet, avec agilité et en adaptant les locaux si besoin. Si nous sommes focalisés sur les sciences de la vie, nous visons aussi les secteurs d’appui : ressources humaines, cabinets d’avocats, communication, hautes technologies…”
“Nous sommes un accélérateur de projets.” – Isabelle Degand, CEO du LégiaPark
Les actionnaires du LégiaPark sont Noshaq, Wallonie Santé et le Groupe santé CHC, ainsi que l’entrepreneur général Moury et La Fédérale. “C’est un fameux pari pour la Région et une prise de risque de démarrer ce lieu à blanc, en faisant confiance à cet écosystème”, dit sa CEO.
Comme pour démontrer la capacité de résilience des sciences de la vie wallonnes, on retrouve, parmi les occupants, Estetra, une filiale de Mithra reprise par le groupe hongrois Gedeon Richter et arrivée sur place 15 jours après la faillite. “Cela signifie bien que des actifs développés par Mithra à l’époque ne sont pas morts, souligne Isabelle Degand. Il y a encore une cinquantaine de personnes qui proviennent de cette structure, avec un projet revitalisé par le nouvel actionnaire.”

Priorité à l’innovation
Un autre locataire, Quentin Hansenne, CFO de KiOmed Pharma, illustre parfaitement le dynamisme préservé de ce secteur stratégique pour la Région. “Nous étions installés à Herstal où nous avons gardé la production et le contrôle qualité, explique-t-il. Nous avons grandi trop fort et trop vite en 2023, nous avions besoin d’espace. La solution trouvée au sein du LégiaPark est idéale.”
Filiale de KitoZyme, KiOmed Pharma développe des produits basés sur le chitosan végétal, une molécule biodégradable synthétisée à partir de champignons. Ce polymère végétal a la capacité, lorsqu’il est élaboré à l’état ultra-pur, de remplacer avantageusement l’acide hyaluronique, une molécule utilisée notamment contre l’arthrose. “Ici, nous sommes une vingtaine de personnes, prolonge-t-il. Nous occupons plus de 200 m² de laboratoires pour la recherche et développement, ainsi qu’un espace de bureaux pour les finances, les ressources humaines, le commercial et la direction. Nous sommes dans une phase de consolidation et de stabilisation. En mars, nous avons annoncé une levée de fonds de 18 millions d’euros pour poursuivre notre expansion. Mais cela servira au projet, pas à la construction d’un bâtiment.”
L’approche du LégiaPark est complémentaire à celle d’autres centres d’entreprises, dont le BioPark à l’aéroport de Charleroi.
Si le LégiaPark a une vertu, c’est bien de permettre aux entreprises prometteuses de se concentrer sur leur cœur de métier. Une approche complémentaire à celle d’autres centres d’entreprises, dont le BioPark à l’aéroport de Charleroi. “Dominique Demonté, CEO du Biopark, et moi-même parlons très régulièrement, insiste Isabelle Degand. Tout le monde est convaincu que nous devons aller de l’avant ensemble. Nos propositions ne sont pas identiques : le BioPark est gigantesque, avec de nombreuses entreprises qui ont acquis des terrains pour elles-mêmes et construit leur bâtiment. Ce n’est pas notre approche, vu que le terrain est plus limité et que nous louons : nous savons qu’à terme, certains vont nous quitter. Nous nous complétons très bien.”