Le hockey, nouveau roi du stade
Dans moins de deux ans, la Belgique accueillera la Coupe du monde de hockey, en étroite collaboration avec les Pays-Bas. Gros plan sur le business model d’une discipline sportive qui monte en puissance, à l’heure où un nouveau stade régional se construit à Wavre pour accueillir cet événement mondial.
Il a travaillé 24 ans à la Banque Degroof, jusqu’à la fusion de cette institution avec la société de Bourse Petercam en 2015. Il est ensuite passé chez Axa Bank Belgium avant de lancer finalement, en avril 2016, sa propre société de gestion de patrimoine au Luxembourg, Orcadia Asset Management, avec trois anciens cadres de Degroof. À 65 ans, Patrick Keusters est toujours “un banquier très actif” comme il se définit lui-même. Mais il est aussi, depuis trois ans et demi, le président de l’Association royale belge de hockey (ARBH). A ce stade, une mission bénévole qui l’occupe au moins deux jours par semaine et qui le fait indiscutablement vibrer, étant lui-même un ancien joueur de hockey.
La mention de ce parcours bancaire peut, a priori, sembler anecdotique. Il n’en est rien. Avec ce type de profil, c’est en effet une forme de rigueur, doublée d’une certaine prudence, qui préside aux destinées de la fédération belge de hockey et que l’on ne retrouve pas nécessairement dans d’autres disciplines sportives.
“Historiquement, les clubs de hockey ont toujours été gérés comme des PME par des gens qui étaient des notables ou des chefs d’entreprise, raconte Patrick Keusters. Ils s’occupaient de ces clubs comme de leurs propres affaires, en bons pères de famille et souvent avec leurs propres deniers. On était alors président de club de père en fils et la transmission des valeurs familiales était essentielle dans ce sport. Je veux dire par là que les fondations du hockey ont été très saines et que ces valeurs d’excellence et de bonne gestion perdurent encore aujourd’hui.”
Coup de “boost”
À la tête d’une fédération qui compte un peu plus de 60.000 membres, répartis dans 108 clubs, le président de l’ARBH a constaté une forte accélération des adhésions ces derniers temps. Le nombre de hockeyeurs belges a presque triplé en une quinzaine d’années (on comptait à peine 21.000 membres en 2008), dopé par les prestations enthousiasmantes des équipes nationales, masculine et féminine, dans les derniers grands tournois internationaux.
Avec trois médailles d’or décrochées respectivement à la Coupe du monde en Inde en 2018, au Championnat d’Europe à Anvers en 2019, et aux Jeux olympiques de Tokyo en 2021, les Red Lions ont fait briller les yeux des jeunes Belges et suscité de nouvelles vocations. Tout comme les Red Panthers, leurs homologues féminines, qui ont décroché deux fois l’argent aux Championnats d’Europe de 2017 et 2023, et enclenché ainsi la passion du hockey chez de nombreuses fillettes.
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Sponsors en phase
Impressionnés par ces performances au plus haut niveau et leurs répercussions sur le grand public, les sponsors se sont aussi montrés beaucoup plus intéressés que par le passé.
“Il y a une quinzaine d’années, nous ne pouvions compter que sur le soutien public du Comité olympique belge et de la Loterie Nationale, rappelle le président Patrick Keusters. Mais le business model du hockey belge a évolué avec un partenariat public-privé qui s’est renforcé ces dernières années. Il y a d’abord eu, en 2012, la scission en deux ailes linguistiques, la Ligue francophone de hockey (LFH) et la Vlaamse Hockey Liga (VHL), tout en gardant l’ARBH qui reste l’organe coupole. Ce qui a permis d’attirer de nouveaux subsides de fonctionnement régionaux. Et il y a eu ensuite un intérêt grandissant des sponsors, suite aux bons résultats de nos équipes nationales, il est vrai, mais surtout grâce aux valeurs d’excellence, de fair-play et de respect que nous défendons fortement dans le hockey.”
Belfius, sponsor jusqu’en 2028
Depuis 2017, le bancassureur Belfius est l’un des tout gros sponsors de l’Association royale belge de hockey, avec un contrat que l’institution vient d’ailleurs de prolonger jusqu’aux Jeux olympiques de 2028 à Los Angeles. “Un partenariat évident, tant il fait écho aux valeurs de Belfius, écrit le bancassureur dans sa communication. Car au-delà des performances, ce sont bien le partage, l’esprit d’équipe et l’engagement qui sont célébrés à travers ce sport vibrant d’authenticité.”
Une action de sponsoring que Belfius décrit en outre comme “un engagement d’envergure et à long terme pour soutenir non seulement les équipes nationales, mais aussi consolider le hockey amateur, valoriser le corps arbitral, professionnaliser l’infrastructure et créer un véritable écosystème.”
“Le business model du hockey belge a évolué avec un partenariat public-privé qui s’est renforcé ces dernières années.” – Patrick Keusters, président de l’ARBH
Sur le plan moral, il est d’ailleurs frappant de constater que Belfius a décidé, dans le même temps, de ne plus renouveler ses contrats de sponsoring dans le football avec le Sporting d’Anderlecht et le Club Bruges, à travers ses sociétés Candriam et DVV. Une décision prise en 2022 et définitivement actée l’été dernier, suite aux scandales du “Footballgate” qui ont embarrassé plusieurs marques (dont BNP Paribas Fortis qui a aussi mis fin à son partenariat avec Anderlecht en 2020).
Depuis, les logos des sociétés privées de paris sportifs n’ont cessé de grignoter de l’espace sur les maillots des clubs de Pro League, une tendance que refuse d’embrasser la fédération belge de hockey (notons qu’à partir de 2025, la majorité des clubs de foot professionnels belges devront renoncer à la publicité pour les jeux de hasard sur leurs maillots).
Carlsberg 0,0% Hockey League
Autre sponsor de poids de l’ARBH, le brasseur Carlsberg est également présent sur les terrains de hockey depuis cinq ans, mais avec une surprenante mission sociétale affinée cette saison. Désormais, le championnat national porte le nom officiel de Carlsberg 0,0% Hockey League, du nom de la bière sans alcool de la marque danoise.
La “troisième mi-temps” est traditionnellement arrosée dans ce sport convivial et pour remédier à la consommation excessive d’alcool, la Top Hockey League et son partenaire Carlsberg ont donc imaginé cette approche beaucoup plus saine, sans compromettre pour autant l’esprit festif qui règne entre les joueurs.
L’IA comme alliée
En apparente odeur de sainteté, le hockey reste paradoxalement boudé sur les écrans télé. Certes, les tout grands rendez-vous mondiaux des Red Lions et Red Panthers font heureusement l’objet de retransmissions sporadiques, mais le championnat national est aujourd’hui snobé par les grands opérateurs Proximus, Telenet et Voo. Contrairement aux clubs de football qui peuvent compter sur de généreux droits télé (en moyenne 25% de leur budget), les acteurs du hockey sont, quant à eux, privés de cette précieuse source de revenus. Ils ne peuvent donc compter que sur les subventions, le sponsoring, l’organisation d’événements et les cotisations pour assurer leur développement.
Aujourd’hui, le budget commun de l’ARBH et des deux ailes linguistiques réunies gravite autour des 15 millions d’euros, soit quatre fois moins que le budget de l’Union belge de football. “Nous regrettons bien sûr que les médias classiques et sportifs ne soutiennent pas davantage notre championnat où l’on peut voir des matchs de niveau international, regrette le président de l’ARBH, Patrick Keusters, mais le hockey a toujours eu l’ambition d’être un sport innovant et nous avons donc fait appel au machine learning pour remédier à cette situation.”
L’intelligence artificielle s’invite désormais sur les terrains de hockey.
Désormais, l’intelligence artificielle s’invite sur les terrains de hockey. Pour exister médiatiquement et renvoyer ainsi la balle aux sponsors, la Carlsberg 0,0% Hockey League a en effet installé des caméras guidées par l’IA dans tous les clubs qui participent à la compétition. Ces caméas peuvent donc filmer les rencontres sans la moindre intervention humaine. Cette technologie du machine learning permet d’améliorer les captations au fil des matchs et, surtout, de proposer de courts résumés avec les moments forts des confrontations sur le site web du championnat. Des séquences qui sont ensuite partagées sur les réseaux sociaux, au grand bonheur du sponsor principal Carlsberg et des plus petits partenaires locaux visibles sur le bord des terrains.
Objectif 2026
Mais dans moins de deux ans, nul doute que les moyens seront tout autres pour capter les phases de jeu des Red Lions sur notre territoire. Du 14 au 30 août 2026, la Belgique et les Pays-Bas accueilleront conjointement la Coupe du monde masculine de hockey avec de grandes ambitions médiatiques. Pour être à la hauteur de l’événement, l’Association royale belge de hockey a enclenché la construction de nouvelles infrastructures sur les fondations de l’ancien stade de football Justin Peeters, à Wavre.
Les travaux vont bon train et le tout nouveau stade de hockey brabançon sera doté de 4.000 places au final, soit 2.800 sièges dans la tribune principale, auxquelles s’ajouteront 1.200 spectateurs dans une nouvelle tribune non couverte. Des extensions temporaires sont toutefois prévues, histoire de gonfler encore l’assistance à quelque 10.000 places pour les événements majeurs.
Nouveau symbole du hockey belge au sud du pays, le futur stade régional de Wavre a nécessité près de 10 millions d’euros d’investissement. Il et sera, en quelque sorte, le pendant francophone du domaine sportif Wilrijkse Plein d’Anvers, qui accueille aussi le centre d’excellence pour les équipes nationales de hockey depuis l’été 2021. C’est là que s’entraînent, chaque jour ou presque, les Red Lions et Red Panthers dans des infrastructures anversoises flambant neuves (3,5 millions d’investissement) chapeautées par la fédération belge.
Garder l’unité
“Mon plus grand défi, c’est de parvenir à garder cette unité entre les ligues francophone et flamande, les clubs francophones et clubs néerlandophones, les grands clubs et les petits clubs, confie le président Patrick Keusters. Plus que jamais, ‘L’Union fait la force’ reste la devise du hockey belge. Car nos budgets de fonctionnement dépendent aussi de cette unité d’esprit. C’est l’un des quatre axes qui dictent ma conduite de la fédération depuis que je suis arrivé en 2021.
Les trois autres axes se définissent comme tels:
- Un : donner une voix aux clubs dans toutes nos décisions en recherchant leur adhésion.
- Deux : soutenir et renforcer notre sport au niveau mondial, car le développement du hockey passe par l’image de nos Red Lions et Red Panthers.
- Trois : défendre nos valeurs d’excellence, de fair-play et de respect auxquelles nous croyons et qui sont étroitement liées à notre succès et à notre sponsoring.”
Pour se préserver et prévenir les comportements irrespectueux qui se multiplient sur d’autres terrains de sport, comme au football par exemple, l’Association royale belge de hockey vient de lancer un nouveau plan d’action baptisé “Fair-play 2025-2027”. Sa mission consistera à sensibiliser tous les acteurs du hockey sur ce rouage essentiel de sa raison d’être.
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