Le Guide Michelin perd de son aura

Le célèbre Guide Michelin, dont le palmarès est annoncé en France ce lundi, perd de son aura médiatique au profit de ses principaux concurrents, selon une étude française.

Le Guide Michelin, créé en 1900 par André et Édouard Michelin, est devenu au fin des décennies LE guide gastronomique de référence. Olivier Gergaud, Directeur du Centre d’excellence Food, Wine & Hospitality à Kedge Business School (France) a comparé la popularité des sites Internet de 5 guides gastronomiques majeurs (Guide Michelin, La Liste, Le Fooding, Gault & Millau et 50 Best) à partir de données extraites de similarweb.com dans 5 pays (Etats-Unis, France, Royaume-Uni, Italie et Canada) sur la période de Novembre 2023 à Janvier 2024.  

La première observation de son étude intitulée “Crépuscule des Idoles: Le Déclin du Guide Michelin”: le Guide Michelin est, sur la période étudiée, le site internet qui présente le trafic le plus important avec 18,9 millions de visites et 79,77% de parts de marché, tous pays confondus. Viennent ensuite dans un ordre décroissant 50 Best (2,7 millions de visites et 11,37% de parts de marché), G&M (982 000 visites et 4,12% de parts de marché), Le Fooding (684 000 visites et 2,87% de parts de marché) et La Liste (443 000 visites et 1,86% de parts de marché). 

En chute libre depuis 20 ans

Selon l’analyse sur le plus long terme du chercheur, la popularité du Guide Michelin sur Google a toutefois chuté de 85% depuis une vingtaine d’années au profit de ses concurrents en France. A plus forte raison en région parisienne où la concurrence entre les guides gastronomiques est intense. En 2004, les internautes étaient près de sept fois plus nombreux à s’intéresser aux jugements du guide qu’aujourd’hui. L’influence du célèbre Guide Michelin avoisine désormais celle du Fooding, en particulier en Ile-de-France. En revanche, la popularité du Guide Michelin résiste bien à l’étranger où il développe ses activités à dessein. 

Sur l’ensemble de la période (voir figure 3), l’influence du Guide Michelin est néanmoins sans commune mesure avec celle de ses principaux rivaux, a analysé le professeur d’économie français. En effet, l’indice de popularité moyen Google Trends sur la période est de 35 pour Michelin. Il est dix fois inférieur pour le Fooding (courbe rouge) et Gault&Millau (courbe jaune). La popularité du 50 Best est quant à elle négligeable sur la période (courbe verte: <1).

Double effet saisonnier

Cette figure (3) permet également de constater que la popularité de Michelin connaît un double effet saisonnier. Le premier pic d’intérêt se situe tout d’abord au moment de la sortie du nouveau guide en janvier, février ou mars selon les années. Le second pic quant à lui correspond à la période des congés d’été, en août plus particulièrement où l’afflux de touristes en France est à son apogée. La baisse a été très rapide entre 2007 et 2010 à l’époque de la crise financière des sub-primes qui a particulièrement impacté le secteur de la gastronomie. Celle-ci s’est ensuite poursuivie à un rythme plus faible.

Sebastien Vauxion chef du Sarkara, restaurant 2 étoiles, prépare un met dans les cuisines de son restaurant de Courchevel (Alpes françaises) (Photo by OLIVIER CHASSIGNOLE / AFP) (Photo by OLIVIER CHASSIGNOLE/AFP via Getty Images)

Rétrogradations/promotions très médiatiques

La figure 4 ci-dessous permet de comparer la popularité de ces 4 guides sur une période plus récente de 5 ans. La différence sur cette période entre Michelin et les autres guides est plus mince. En effet, l’indice Google Trends moyen de Michelin entre 2019 et 2024 est de 16 contre 5 et 4 pour Le Fooding et Gault & Millau respectivement. Il est intéressant de constater, selon les observations du chercheur, que le Guide Michelin est parvenu à captiver l’attention des internautes à l’occasion de la parution de ses nouvelles éditions, sans doute à grand renfort de rétrogradations/promotions très médiatiques de trois à deux étoiles comme celle de Marc Veyrat en 2019, Paul Bocuse en 2020, Marc Haeberlin en 2022 et Guy Savoy en 2023.

L’édition 2022 n’a, quant à elle, pas connu de rétrogradation spectaculaire d’établissements 3 étoiles mais a été marquée par deux consécrations à ce niveau d’excellence: Arnaud Donckele à Paris et Dimitri Droisneau à Cassis. “Ces évènements vécus de manière traumatisante ou fantastique par les intéressés sont largement repris dans les médias dans la période qui précède (en cas de fuites) et suit l’annonce de la nouvelle sélection du guide. A l’inverse, on ne constate pas de saisonnalité particulière dans le cas de Gault & Millau et du Fooding“, rapporte encore Olivier Gergaud dans son analyse.

Le Gault&Millau plus plébiscité en Belgique

Pour la Belgique, l’analyse des tendances Google montre aussi que l’aura du Guide Michelin s’affaiblit. Alors qu’en 2004, le Guide Vert était le plus plébiscité, son influence diminue et depuis environ 5 ans, il se fait voler la vedette par son concurrent, le Gault&Millau.

En bleu, les indices Google Trends du Guide Michelin, en jaune, du Gault&Millau sur la période 2004-2024. Source: Google Trends.

Il est aussi intéressant d’observer la popularité des deux guides à travers les Régions. Le Gault&Millau est plus populaire en Flandre alors que le Guide Michelin l’est davantage en Wallonie et à Bruxelles.

Le professeur spécialisé en économie du restaurant et du vin en conclut que même si la popularité du Guide Michelin s’est érodée en Belgique et en France au fil des années, le guide emblématique conserve encore toute son influence, surtout parmi les chefs qui continuent, nombreux, à rêver des étoiles qui font (et parfois défont) leur réputation. 

La gastronomie française fébrile avant les annonces du Michelin 

En état de fébrilité maximale, plus de 500 chefs français sont réunis ce lundi pour se voir peut-être décerner une, deux ou trois étoiles par le tout puissant guide Michelin, qui a déjà annoncé que le millésime 2024 réservait quelques surprises.  La cérémonie de dévoilement de l’édition 2024 aura lieu au Palais des congrès de Tours (centre-ouest). 

La direction du guide Michelin a annoncé à l’AFP que 62 établissements vont être promus (contre 44 en 2023), dont 52 restaurants remportant une première étoile (contre 39 en 2023). Parmi ces 52 adresses, 23 ont ouvert dans l’année et, selon les inspecteurs, ont déjà passé le test de la “régularité et de la robustesse”. 

“Terroirs”  

Il y aura en 2024 quelques “pépites” mais aussi des chefs passés dans des cuisines de renom et la revanche des seconds ou des sous-chefs de l’ombre devenus masterchefs, a appris l’AFP. Certaines régions devraient particulièrement briller dans cette carte étoilée de la France, d’autres peinant à luire. 

Créé en 1900 par les frères André et Edouard Michelin à destination des automobilistes, le guide rouge est aujourd’hui présent en Europe, en Asie, en Amérique du Nord et du Sud, et se décline dans 45 destinations. 

Autant décrié que respecté et craint par les chefs obsédés par les étoiles, le Michelin fait toujours la pluie et le beau temps sur la gastronomie mondiale, même si ses ventes papiers sont en chute libre, soit moins 62% en 10 ans selon Livres Hebdo, et que d’autres palmarès (Gault&Millau, la Liste, 50 Best) viennent le bousculer. 

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