Le futur du ciel belge, selon la Sonaca

La Sonaca œuvre à la recherche et au développement de la prochaine génération d’intercepteurs contre les menaces hypersoniques russes et chinoises. © Getty Images
Olivier Mouton
Olivier Mouton Chef news

Le CEO de l’entreprise wallonne se réjouit de ses résultats et met en avant des projets concrets dans trois domaines. Au menu : l’avion du futur, un avion pour nos forces spéciales, des intercepteurs de missiles ou une usine dans l’espace. De quoi faire rêver.

Yves Delatte est un CEO heureux. Invité de notre Trends Talk sur Trends Z, le week-end dernier, il mettait en avant la diversification des activités de la Sonaca, qui porte ses fruits. “L’année dernière, nous avons réalisé à peu près 700 millions de chiffre d’affaires, avec un Ebitda de 62 millions et un profit net de 15 millions, sourit-il. C’est la deuxième meilleure année de tous les temps pour notre société. Et nous retrouvons la profitabilité.”

Les engagements pris à son arrivée sont remplis. “Après quatre longues années, on a retrouvé des volumes qui étaient similaires à l’avant covid, souligne-t-il. Airbus a dépassé les volumes historiques. Mais Boeing, lui, à cause des problématiques de sécurité, opère toujours à mi-cadence. Globalement, on se rapproche du niveau de 2019. Mais on va continuer à avoir une forte croissance, de l’ordre de 6 à 7%, dans les 10 années à venir. Et dans le cas particulier de Sonaca, ce sont aussi tous les efforts de diversification dans la défense, le spatial et les systèmes qui paient.”

L’avion du futur

La Sonaca multiplie les projets, que le CEO nous raconte en détails. La décarbonation est un objectif majeur. “À titre personnel, c’est quelque chose qui me tient énormément à cœur, souligne Yves Delatte. Nous sommes tous conscients qu’un avion, ça brûle du kérosène et ça émet du CO2. En revanche, je suis tout aussi intimement convaincu que l’avion joue un rôle sociétal majeur. Le fait de pouvoir découvrir d’autres cultures permet de lutter contre la montée des extrémismes. Je pense que sans Ryanair ou Erasmus, nous n’aurions pas pu construire l’Europe telle qu’elle existe aujourd’hui.” Pas question pour lui de limiter la liberté de voyager, comme le prônent des adeptes de la décroissance.

Le patron de l’entreprise wallonne est convaincu que la lutte contre le changement climatique passera par des innovations technologiques. C’est le cap suivi. “Chez Sonaca, nous développons trois nouvelles paires d’ailes pour trois avions différents, explique-t-il. Deux d’entre eux sont des avions de petite dimension de type business jet, qui vont pouvoir réduire la consommation de carburant de 50% grâce à leur conception très innovante. Alors que nous fabriquions jusqu’ici des morceaux d’ailes, nous passons aux ailes complètes. En parallèle, nous travaillons sur le taxi volant Boeing, un taxi 100% électrique, sans pilote à bord. Là aussi, nous produisons l’entièreté des ailes.”

Quand peut-on s’attendre à les voir voler ? “Dans les cinq prochaines années, des prototypes seront développés pour des vols d’essai, dit le CEO. L’introduction des premiers avions de petite dimension pourrait avoir lieu dans la prochaine décennie et la décennie suivante sera celle de l’aboutissement au niveau du secteur commercial.”

Un avion belge pour les forces spéciales

Le contexte géopolitique ne laisse pas ce patron indifférent. “J’espère de tout cœur que nous aurons la paix, mais pour l’instant, ce n’est pas tout à fait le cas et il faut se préparer à toute éventualité.” Tel est son leitmotiv. Avec celui-ci, un autre mot d’ordre : les gouvernements européens peuvent mobiliser les industriels, mais cela passera aussi par des contrats signés. La Sonaca renoue avec ses origines, elle qui a participé au “contrat du siècle” des F16 belges, en misant sur des projets pour la défense.

“Depuis quelques années maintenant, la Défense a émis le besoin de racheter un avion pour ses forces spéciales, raconte Yves Delatte. Sur le marché, il existe des avions spécifiques, mais ils sont tous relativement anciens, de 30 à 40 ans d’âge, donc plutôt des vieilles machines. Aujourd’hui, nous mettons en place un partenariat avec Sabena Engineering afin de livrer ensemble une solution belgo-belge à la Défense. Nous avons toutes les compétences pour l’élaborer et le produire en Belgique.”

“J’espère de tout cœur que nous aurons la paix, mais pour l’instant, ce n’est pas tout à fait le cas et il faut se préparer à toute éventualité.” – Yves Delatte, CEO de Sonaca

“L’idée consiste à acheter un avion civil, prolonge-t-il. Sabena Engineering, au départ de son expertise dans les upgrades de chasseurs F16, et la Sonaca, grâce à son expertise dans les modifications de structure d’avion et dans l’intégration de systèmes, vont le transformer en avion pour les forces spéciales avec tous les équipements de protection nécessaires.” Secret défense oblige, il ne peut en dire plus. L’espoir est grand de voir le contrat signé prochainement.

Des intercepteurs de missiles

C’est l’autre facette du volet défense. “Jusque dans les années 1970-1980, notre ciel était protégé, rappelle Yves Delatte. C’était le reliquat de la guerre froide. Nous avions des batteries d’intercepteurs. Il s’agit simplement de pouvoir intercepter des missiles qui viseraient la Belgique.” Les dividendes de la paix étant passés par là, nous sommes désormais nus comme des vers.

Le plan stratégique du ministre Theo Francken pour la Défense entend remédier à ce problème. “Nous pensons que l’industrie belge peut jouer un rôle dans la fabrication de ces intercepteurs, souligne le CEO. Et la Sonaca en particulier parce que nous sommes, à ma connaissance, la seule société belge qui travaille effectivement dans ce domaine. Nous œuvrons déjà à la recherche et au développement de la prochaine génération d’intercepteurs contre les menaces hypersoniques russes et chinoises. Nous serions ravis de pouvoir mettre notre outil de production de masse au service de la défense belge et des fabricants d’intercepteurs.”

Une usine dans l’espace

L’espace est le troisième pilier de développement. “Chez Sonaca, nous avons un long héritage, cela fait un peu plus de 40 ans que l’on travaille sur les plus beaux projets spatiaux, complète Yves Delatte. Récemment, nous avons annoncé que nous allions développer une usine dans l’espace, en apesanteur. L’objectif consisterait notamment à réparer les satellites. C’est vraiment magique. Ce sont des projets qui font rêver nos ingénieurs et tous ceux qui veulent rejoindre Sonaca. Nous avons également des projets en cours de développement pour les constellations de satellites.”

Yves Delatte est d’ailleurs le président du Groupement wallon des industries aéronautiques et spatiales (Giwas), créé en juin 2024. À ce titre, il annonce un grand rendez-vous, le 24 septembre, en présence, notamment, de Thomas Pesquet. “Cet événement a pour but de créer des vocations. J’invite tous les jeunes à nous suivre sur les réseaux sociaux. Cette conférence se tiendra en présence de Thomas Pesquet, l’astronaute devenu une star internationale, mais aussi de Raphaël Domjan, cet explorateur suisse qui vient de battre le record du monde (du plus haut vol solaire et électrique, ndlr) de Bertrand Piccard. L’enjeu du recrutement de jeunes talents est crucial pour nous, au vu de la croissance à venir.” Les rêves sont là pour susciter des vocations.

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